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Serbie

Rugova témoin à charge contre Milosevic

C’est un témoignage très attendu que le président des Albanais du Kosovo a commencé à délivrer ce vendredi devant le TPIY. Un témoignage à charge contre l’ex-président Yougoslave Milosevic, mais dont les Kosovars attendent également des éclaircissements sur les entretiens que les deux hommes ont mené en pleine guerre du Kosovo.
Ce vendredi matin, à La Haye, Ibrahim Rugova est revenu devant le Tribunal Pénal International sur l’ex-Yougoslavie sur les différentes étapes qui ont précédé la guerre au Kosovo en 1999. Il a notamment détaillé comment, dix ans plus tôt, le pouvoir de Belgrade avait mis en place sa politique d’exclusion de la communauté albanophone de serbie. Le président des Albanais du Kosovo a rappelé qu’à cette date, l’Assemblée de Belgrade avait supprimé le statut d’autonomie de la province, puis exclus de tous les postes à responsabilités, en particulier dans les médias, ses compatriotes pour les faire remplacer par des non-Albanais. «Les Albanais ont été exclus de l’économie et des services publics», a déclaré M. Rugova devant la cour. Selon lui, peu avant l’intervention de la coalition conduite par l’OTAN en 1999, Belgrade avait «clairement décidé de détruire le Kosovo au moyen de la violence et de la guerre» afin de briser toute volonté d’indépendance de la part de la majorité albanophone de la province.

L’accusé, qui comparaît pour «crimes de guerre» et «crimes contre l’humanité» pour sa responsabilité présumée dans le meurtre de plus de 900 Albanais du Kosovo et l’expulsion de 800 000 autres, l’a écouté, en prenant quelques notes. Puis, ayant choisi d’assurer lui-même sa défense, il a commencé l’interrogatoire du témoin, accusant l’Occident d’avoir soutenu la guérilla des indépendantistes de l’Armée de Libération du Kosovo (UCK). M. Milosevic a notamment demandé à M. Rugova si il ne pensait pas avoir «été instrumentalisé, lui et ses compatriotes, par les grandes puissances», soupçonnées de chercher le prétexte à une intervention pour en finir avec ce chef d’état réputé porter une très lourde responsabilité dans les guerres balkaniques de la fin du XXème siècle ? La réponse d’Ibrahim Rugova fut évidemment négative : «la communauté internationale est venue nous défendre, ainsi que les droits de notre peuple et (mettre un terme) aux massacres perpétrés par vous-même et Belgrade», a répondu le président Kosovar.

Soupçonné de collaboration

Mais en allant témoigner à La Haye devant le Tribunal Pénal International sur l’ex-Yougoslavie, le leader de la communauté albanophone de Serbie relevait un double défi. Certes jouer son rôle de témoin à charge dans le procès de l’ancien chef de l’Etat yougoslave ; mais également crever l’abcès des soupçons de collaboration avec l’ancien pouvoir serbe qui pèse sur lui. En effet à Pristina, le trouble demeure sur les trois rencontres qui ont eu lieu entre le 1er avril 1999 et le 4 mai de la même année, entre lui et les autorités serbe et yougoslave.

Ces rencontres avaient été très médiatisées par Belgrade : «leur objectif était de me discréditer devant l’opinion publique albanaise», a commenté M. Rugova. Toutefois ses réponses ont aussi traduit le désarroi d’un homme qui, à l’époque des faits, craignait pour sa vie et celle de ses proches et qui se trouvait dans l’incapacité de résister aux pressions du pouvoir de Belgrade. C’est ainsi que le 5 mai 1999, en pleine guerre du Kosovo, Slobodan Milosevic autorisa Ibrahim Rugova et sa famille à quitter la région à destination de l’Italie pour un bref exil. L’audience se poursuivra lundi.



par Georges  Abou

Article publié le 03/05/2002