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Serbie

La Serbie livre des inculpés au TPI

Le premier ministre serbe a affirmé que la plupart des 23 personnes inculpées par le Tribunal Pénal International pour crimes de guerres seront transférées à La Haye dans les prochains jours.
De notre correspondante à Belgrade

Dans sa tentative de dépassionner la coopération avec le Tribunal pénal international de la Haye (TPIY), le gouvernement fédéral a quelque peu réussi. Six inculpés sur les 23 ont obtempéré à l’ultimatum lancé il y a une semaine par le gouvernement fédéral et accepté de se présenter volontairement à la justice. En échange, le gouvernement fédéral se portera garant auprès du TPIY pour que les inculpés puissent se défendre en liberté jusqu’à l’ouverture le de leurs procès. Mais, selon le porte parole du TPIY, «les garanties de l’État sont très importantes, mais pas décisives, nous jugerons au cas par cas».

Les concernés, monténégrins et serbes de Serbie, Croatie et Bosnie, sont soupçonnés d’être responsables de crimes commis au Kosovo, à Dubrovnik, en Krajina et à Vukovar. Dragoljub Ojdanic, ancien chef d’état major, a le premier répondu à l’appel, estimant que c’était «son obligation morale» étant donné qu’une loi de coopération a été votée et qu’il s’agissait de défendre «l’honneur des jeunes soldats morts dans la défense de leur patrie contre les bombardements de l’Otan en 1999».

Les médias serbes ne se privent pas de rappeler qu’en même temps que le général Ojdanic «défendait la Serbie agressée par l’Otan», il terminait la construction d’une luxueuse villa dans les montagnes de Zlatibor, au sud-ouest de Belgrade. Il est accusé d’avoir participé à la planification et à l’exécution de la campagne de terreur contre les civils albanais du Kosovo de janvier à mai 1999, avec notamment Nikola Sainovic, qui lui aussi est un volontaire pour le TPIY. Ce dernier, ancien vice-président du gouvernement fédéral, membre de la direction du Parti socialiste de Slobodan Milosevic et député déchu de son immunité, est considéré comme un témoin capital pour le Kosovo.

Un membre de la dite «troïka de Vukovar», l’ancien officier de l’armée yougoslave Mile Mrksic, a également répondu à l’appel. Mais pas son co-accusé Miroslav Radic, ni le plus recherché Veselin Sljivancanin, qui commandait les opérations. Ces trois inculpés sont accusés d’avoir tué 260 prisonniers à Ovcara, dans la banlieue de Vukovar, en 1991.

«Dire la vérité sur la guerre de Krajina»

Vladimir Kovacevic, dit «Rambo», sera aussi du voyage. Ancien commandant de l’armée yougoslave, il est accusé d’avoir fait bombarder Dubrovnik en 1991. Un des principaux acteurs serbes dans le conflit de la Krajina, la région qui fût majoritairement serbe en Croatie, Milan Martic, se soumettra aussi à la justice. L’ancien et éphémère président de l’autoproclamée République serbe de Krajina, est accusé d’avoir fait bombarder Zagreb en 1995 et d’autres villes de Croatie qu’il a quitté avec 200 000 réfugiés serbes lorsque la région est tombée. «J’irai au nom du peuple serbe et pour dire la vérité sur la guerre de Krajina», a-t-il déclaré.

Enfin, Momcilo Gruban, dit «Ckalja» est de ceux qui ont entendu l’appel du gouvernement. Responsable du camp de Omarska en 1992, où étaient gardés les civils de la région de Prijedor, en Bosnie, il est accusé d’avoir «tué, violé, frappé et torturé les prisonniers avec intention de détruire la communauté musulmane et croate de Bosnie».

Ces volontaires ont quinze jours pour se rendre à La Haye, sauf Mile Mrksic, qui a un délai de 30 jours pour des raisons de santé. Quant aux fuyards, le gouvernement fédéral notifie la justice de leurs noms et de leurs inculpations, et après vérification de la forme, la procédure d’arrestation peut commencer.
Reste à savoir qui sera visé, sachant que les inculpés les plus recherchés, les anciens chefs politiques et militaires des serbes de Bosnie, Radovan Karadzic et Ratko Mladic, ne songent pas à se rendre.

Le TPIY accuse régulièrement la Serbie d’abriter Ratko Mladic sur son territoire, ce que les autorités démentent, même si des fuites en provenance de l’armée indiquent qu’il se trouve fréquemment en Yougoslavie, mais depuis quelques semaines le soutien et la sécurité de l’armée lui ont été retirés. Quant à Radovan Karadzic, il a choisi de répondre par une lettre, publiée par la presse belgradoise, dans laquelle il dit refuser de se présenter devant un tribunal «illégal». Il faut dire qu’il a d’autres préoccupations, puisque son Comité de défense vient de publier sa dernière œuvre : une pièce de théâtre «qui se moque des manipulateurs et criminels du monde»! Et c’est le premier livre d’une série de huit, bientôt dans les librairies son recueil de poésie pour enfants…



par Milica  Cubrilo

Article publié le 24/04/2002