Balkans
Milosevic, vedette du feuilleton de La Haye
A Belgrade, on suit le procès Milosevic comme un feuilleton ou un match de football avec force commentaires. Au fil des séances, l’ancien président redore son blason et parvient au yeux de beaucoup à apparaître comme le «défenseur des Serbes».
De notre correspondante à Belgrade
La tête dépassant tout juste son étal de légumes, Slavko, un vieux maraîcher de 77 ans, écoute attentivement Slobodan Milosevic, son ancien président. «Il dit la vérité, il n’a fait que défendre la Serbie contre les terroristes et on ose le lui reprocher!». «Papy raconte n’importe quoi», répondent les plus jeunes vendeurs du marché Kalenic, «Slobo n’est s’est jamais occupé du peuple serbe, seulement de son compte en banque!». «En tout cas, il les pulvérise à la Haye!», ajoute Branka, une cliente élégante, non sans une certaine satisfaction.
Le procès de l’ancien président est suivi à Belgrade comme un «match de football», explique l’analyste politique Srba Brankovic, responsable de l’agence Medium. Avec toute la mauvaise foi dont on peut faire preuve lorsqu’on soutient une équipe de concitoyens. «Le procès a fait grimper l’audimat des quatre chaînes de télé qui transmettent le «spectacle» en direct de 20% la première semaine», explique le politologue, en précisant que «aujourd’hui l’augmentation n’est plus que de 5%».
On retient surtout les qualités d’orateur de Slobodan Milosevic, son humour et sa concentration, tout en se moquant de la mauvaise répartie des témoins albanais. C’est aussi le ton donné par la plupart des médias pour lesquels le procès ne fait plus la Une. «Milosevic continue à coincer les témoins dans leurs mensonges», titre le journal populaire Nacional, alors que le quotidien le plus vendu, Blic, retient avec ironie que «les témoins n’ont jamais vu la guérilla albanaise de l’UCK».
On trouve des excuses à Milosevic
Faisant peu de place aux témoignages albanais, on préfère revenir sur les questions non élucidées des 44 morts de Racak. Etait-ce des civils ou des combattants de la guérilla de l’UCK? «Le fait que l’arrogance et le cynisme de Slobodan Milosevic fascinent une partie de la population montre qu’il n’y a pas encore de prise de conscience par rapport aux crimes de guerre commis», analyse Latinka Perovic, historienne, dans le journal Danas.
En ce qui concerne les Albanais du Kosovo, la plupart des Serbes trouvent des excuses aux agissements du régime de Slobodan Milosevic. «Ils ont pris des coups, mais nous aussi et personne n’a payé pour les crimes commis contre les Serbes», s’exclame Nesa, un artisan du quartier.
Au club parlementaire du Parti démocratique de Serbie du président Kostunica, l’homme le plus populaire du pays, l’atmosphère est schizophrène. La députée Svetlana Stojanovic a contribué au renversement du régime, mais avoue être d’accord avec Milosevic lorsqu’il évoque «la politique sécessionniste et nationaliste des Albanais». Car au fond, elle lui en veut surtout pour le mal qu’il a fait aux Serbes.
L’historienne Latinka Perovic résume: «C’est notre malentendu avec le reste du monde qui se poursuit. Car la plupart ont l’impression d’être, à travers Milosevic, en face de l’opinion publique internationale et de justifier leur attitude envers les Albanais». Pour Srba Brankovic, le procès fait d’ailleurs renaître l’attitude anti-occidentale. «Milosevic en profite pour rappeler les bombardements et les ambiguïtés des chancelleries occidentales. Ce n’est pas le moment car le pays se rouvre tout juste au monde extérieur», dit-il.
En tous cas ce procès ne contribue pas à rendre plus respectable l’image du TPIY. Selon l’agence SMRI, 80% de la population trouve le Tribunal de la Haye de parti pris. «Pourquoi poursuit-on le président serbe et pas ses homologues croate ou bosniaque musulman?», demande Milena, jeune étudiante en droit, profitant du soleil à la terrasse du café Okno. «Est-il possible que l’on n’ait aucun dossier sur les crimes commis par l’UCK envers les Serbes ? Pourquoi Carla del Ponte a-t-elle refusé d’enquêter sur les crimes de guerre de l’OTAN?», interroge-t-elle, amèrement déçue par la justice internationale.
Partial, politique, le procès est également vu comme mal préparé parmi ses plus ardents défenseurs. «C’est un cirque qui coûte cher», a déclaré le premier ministre Djindjic. Les députés de son parti, comme Bosko Ristic, avocat de Nis, estiment pourtant que c’est nécessaire et veulent croire que l’on ne laissera pas longtemps Slobodan Milosevic jouer au tribun sur son terrain favori: la politique. Mais pour l’instant, Biljana Kovacevic-Vuco, présidente de l’Association des avocats de droits de l’homme, estime que la préparation de l’accusation du TPIY est «catastrophique» et «insultante pour tous ceux qui se sont battus pour que l’ancien président soit renversé, arrêté et transféré à la Haye».
En attendant, les Serbes apprennent la langue albanaise : «Po» et «Yo», «oui» et «non» en albanais, sont maintenant fréquemment utilisés dans les conversations, comme on retient les répliques marquantes d’une série télé.
La tête dépassant tout juste son étal de légumes, Slavko, un vieux maraîcher de 77 ans, écoute attentivement Slobodan Milosevic, son ancien président. «Il dit la vérité, il n’a fait que défendre la Serbie contre les terroristes et on ose le lui reprocher!». «Papy raconte n’importe quoi», répondent les plus jeunes vendeurs du marché Kalenic, «Slobo n’est s’est jamais occupé du peuple serbe, seulement de son compte en banque!». «En tout cas, il les pulvérise à la Haye!», ajoute Branka, une cliente élégante, non sans une certaine satisfaction.
Le procès de l’ancien président est suivi à Belgrade comme un «match de football», explique l’analyste politique Srba Brankovic, responsable de l’agence Medium. Avec toute la mauvaise foi dont on peut faire preuve lorsqu’on soutient une équipe de concitoyens. «Le procès a fait grimper l’audimat des quatre chaînes de télé qui transmettent le «spectacle» en direct de 20% la première semaine», explique le politologue, en précisant que «aujourd’hui l’augmentation n’est plus que de 5%».
On retient surtout les qualités d’orateur de Slobodan Milosevic, son humour et sa concentration, tout en se moquant de la mauvaise répartie des témoins albanais. C’est aussi le ton donné par la plupart des médias pour lesquels le procès ne fait plus la Une. «Milosevic continue à coincer les témoins dans leurs mensonges», titre le journal populaire Nacional, alors que le quotidien le plus vendu, Blic, retient avec ironie que «les témoins n’ont jamais vu la guérilla albanaise de l’UCK».
On trouve des excuses à Milosevic
Faisant peu de place aux témoignages albanais, on préfère revenir sur les questions non élucidées des 44 morts de Racak. Etait-ce des civils ou des combattants de la guérilla de l’UCK? «Le fait que l’arrogance et le cynisme de Slobodan Milosevic fascinent une partie de la population montre qu’il n’y a pas encore de prise de conscience par rapport aux crimes de guerre commis», analyse Latinka Perovic, historienne, dans le journal Danas.
En ce qui concerne les Albanais du Kosovo, la plupart des Serbes trouvent des excuses aux agissements du régime de Slobodan Milosevic. «Ils ont pris des coups, mais nous aussi et personne n’a payé pour les crimes commis contre les Serbes», s’exclame Nesa, un artisan du quartier.
Au club parlementaire du Parti démocratique de Serbie du président Kostunica, l’homme le plus populaire du pays, l’atmosphère est schizophrène. La députée Svetlana Stojanovic a contribué au renversement du régime, mais avoue être d’accord avec Milosevic lorsqu’il évoque «la politique sécessionniste et nationaliste des Albanais». Car au fond, elle lui en veut surtout pour le mal qu’il a fait aux Serbes.
L’historienne Latinka Perovic résume: «C’est notre malentendu avec le reste du monde qui se poursuit. Car la plupart ont l’impression d’être, à travers Milosevic, en face de l’opinion publique internationale et de justifier leur attitude envers les Albanais». Pour Srba Brankovic, le procès fait d’ailleurs renaître l’attitude anti-occidentale. «Milosevic en profite pour rappeler les bombardements et les ambiguïtés des chancelleries occidentales. Ce n’est pas le moment car le pays se rouvre tout juste au monde extérieur», dit-il.
En tous cas ce procès ne contribue pas à rendre plus respectable l’image du TPIY. Selon l’agence SMRI, 80% de la population trouve le Tribunal de la Haye de parti pris. «Pourquoi poursuit-on le président serbe et pas ses homologues croate ou bosniaque musulman?», demande Milena, jeune étudiante en droit, profitant du soleil à la terrasse du café Okno. «Est-il possible que l’on n’ait aucun dossier sur les crimes commis par l’UCK envers les Serbes ? Pourquoi Carla del Ponte a-t-elle refusé d’enquêter sur les crimes de guerre de l’OTAN?», interroge-t-elle, amèrement déçue par la justice internationale.
Partial, politique, le procès est également vu comme mal préparé parmi ses plus ardents défenseurs. «C’est un cirque qui coûte cher», a déclaré le premier ministre Djindjic. Les députés de son parti, comme Bosko Ristic, avocat de Nis, estiment pourtant que c’est nécessaire et veulent croire que l’on ne laissera pas longtemps Slobodan Milosevic jouer au tribun sur son terrain favori: la politique. Mais pour l’instant, Biljana Kovacevic-Vuco, présidente de l’Association des avocats de droits de l’homme, estime que la préparation de l’accusation du TPIY est «catastrophique» et «insultante pour tous ceux qui se sont battus pour que l’ancien président soit renversé, arrêté et transféré à la Haye».
En attendant, les Serbes apprennent la langue albanaise : «Po» et «Yo», «oui» et «non» en albanais, sont maintenant fréquemment utilisés dans les conversations, comme on retient les répliques marquantes d’une série télé.
par Milica Cubrilo
Article publié le 28/02/2002