Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Etats-Unis

Semaine noire pour George Bush

Le président Bush a accepté jeudi la démission de Lewis Libby accusé de «parjure» dans l’affaire du «Plamegate».(Photo : White House)
Le président Bush a accepté jeudi la démission de Lewis Libby accusé de «parjure» dans l’affaire du «Plamegate».
(Photo : White House)
La journée de vendredi avait curieusement des airs de vacances à la Maison-Blanche. La conférence de presse quotidienne du porte-parole n’a pas eu lieu. En fin d’après-midi, le président George Bush a fait ses valises pour aller passer le week-end à Camp-David. L’administration Bush manquait visiblement de stratégie de rechange pour redresser la barre après l’une des pires semaines du président américain.

Coup de grâce attendu en cette fin de semaine, Lewis «Scooter» Libby, le directeur de cabinet du vice-président Dick Cheney, a été inculpé hier pour «parjure», «fausses déclarations» et «obstruction à la justice». Le procureur fédéral Patrick Fitzgerald menait une enquête depuis presque deux ans sur l’origine d’une «fuite» concernant l’identité de Valerie Plame, une espionne de la CIA. Aujourd’hui, le bras droit de Cheney est accusé d’avoir menti, lors de son interrogatoire par le FBI et durant ses dépositions sous serment devant le grand jury, en assurant qu’il tenait le nom de Valerie Plame d’un journaliste. Libby a aussitôt démissionné. Il risque, s’il est condamné, jusqu’à trente ans de prison.

Le procureur compte poursuivre son enquête. Il doit en particulier trancher sur le cas de Karl Rove, l’éminence grise du président. Lors de sa première audition, ce dernier a en effet oublié de mentionner sa conversation avec Mat Cooper du magazine Time. Dans l’immédiat, le président se voit épargner l’embarras d’une mise en examen de celui qu’il a surnommé «l’architecte» de sa réélection. Mais le suspens sur son sort empêche le gouvernement de parler d’une page tournée. Or, Bush, qui avait fait campagne en 2000 en promettant de ramener «honneur et intégrité» à la Maison-Blanche, après les années Clinton, voit son image de droiture s’effondrer. Selon un sondage de l’institut Gallup, 77% des Américains le trouvaient «honnête» en mai 2002. Le mois dernier, ils n’étaient déjà plus que 47%.

«Implosion de la présidence» ?

Convaincu d’assister à une nouvelle «implosion de la présidence», le journaliste vedette du scandale du Watergate qui avait causé la chute de Nixon, Carl Bernstein, observe dans le magazine Editor & Publisher que la question de la criminalité pénale de Libby ou de Rove est finalement moins importante que la lumière apportée «sur des questions qui auraient dû être examinées plus attentivement par la presse et l’establishment politique», en particulier sur la manière dont «nous sommes entrés en guerre, la malhonnêteté de ce que le président et le vice-président ont dit au peuple américain et au Congrès et la calomnie routinière des membres de l’administration Bush à l’égard de ceux qui questionnent leurs actes et leurs motivations».

Les conseillers de Bush ont révélé l’identité de Valerie Plame pour discréditer son mari, Joseph Wilson, un ancien diplomate envoyé par la CIA au Niger, en 2002, pour vérifier si ce pays avait vendu de l’uranium en Irak. Il n’avait rien trouvé. D’où sa stupeur étalée dans une tribune du New York Times, en juillet 2003, six mois après avoir entendu George Bush utiliser cet argument pour justifier l’intervention américaine en Irak. Plus de deux ans après ces règlements de compte, le déballage du «Plamegate» ravive le débat sur la façon dont la guerre a été vendue à l’opinion, éclipsant les avancées du processus politique irakien que George Bush peine à mettre en avant. Mercredi, le seuil des 2 000 soldats américains morts en Irak faisait la Une de la presse.

Dernière vexation politique marquant cette semaine noire: Harriet Miers, choisi par Bush pour occuper le prochain siège vacant de juge à la Cour suprême, a dû retirer sa candidature, avant même le début de sa confirmation. Bush l’avait crû suffisamment insipide, politiquement, pour se préserver d’une bataille au Sénat au moment où il se remettait tout juste des critiques sur sa gestion de l’ouragan Katrina. Au lieu de quoi, il a vu, un mois durant, s’enflammer sa base conservatrice, acharnée à souligner son manque de compétence.

A l’instar des conservateurs, les démocrates ont saisi l’occasion de ces vulnérabilités présidentielles pour réclamer un changement de cap. Le cercle des protestataires s’est élargi, du sénateur John Kerry, ancien candidat démocrate à la présidence, qui soudain milite de façon pressante en faveur d’un retrait d’Irak, jusqu’à la droite chrétienne, qui demande un juge véritablement conservateur à la Cour suprême. Pour autant, rien n’a encore filtré sur la stratégie à venir de la Maison-Blanche.

George Bush est un président qui suscite des réactions très tranchées, avec, selon le dernier sondage de Fox News, 79% d’opinions favorables côté républicain et 84% d’opinions défavorables côté démocrate. Mais surtout, sa cote de popularité a chuté de 40%, par rapport à son score avant les attaques du 11 septembre. Dans ces conditions, George Bush peut difficilement prendre le risque de laisser son parti éclater en scissions.


par Guillemette  Faure

Article publié le 29/10/2005 Dernière mise à jour le 29/10/2005 à 11:03 TU