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Ethiopie

Le pouvoir écrase la contestation

Les affrontements entre les forces de l'ordre et les manifestants ont fait une quarantaine de morts et plus de 200 blessés lors des violences qui ont ensanglanté la capitale ethiopienne la semaine dernière.(Photo : AFP)
Les affrontements entre les forces de l'ordre et les manifestants ont fait une quarantaine de morts et plus de 200 blessés lors des violences qui ont ensanglanté la capitale ethiopienne la semaine dernière.
(Photo : AFP)
La vie reprend son cours à Addis Abeba, après une semaine de violentes manifestations qui ont fait au moins 46 morts. Des milliers de personnes ont été arrêtées par la police. Parmi elles, plusieurs leaders de l’opposition. Le Premier ministre justifie cette répression en accusant l’opposition de vouloir renverser son régime.

Les klaxons se sont tus dans la capitale éthiopienne. Ils s’étaient fait entendre en début de semaine dernière dans les rues d’Addis Abeba. Pour les auteurs de ces manifestations sonores, des chauffeurs de taxi, il s’agissait de protester pacifiquement contre le régime en place. Protester, à l’appel du principal parti d’opposition, le CUDP (Coalition pour l’unité et la démocratie), contre les arrestations d’opposants effectuées ces derniers mois. Protester contre les résultats des élections du 15 mai qui avaient donné la victoire au parti au pouvoir. En juin dernier, à l’annonce de résultats électoraux provisoires, de violents affrontements entre les forces de l’ordre et les partisans de l’opposition s’étaient soldés par des dizaines de morts et des milliers d’arrestations. Là, l’épisode des klaxons a été le déclencheur d’une nouvelle vague de violence durant toute la semaine dernière. Les policiers ont interpellé des chauffeurs de taxi. La situation a dégénéré en affrontements violents, dans la capitale éthiopienne d’abord, puis dans plusieurs villes de province. Bilan : au moins 46 morts et des centaines de blessés. Et des milliers d’arrestations, plus de 3000, selon des sources diplomatiques concordantes reprises par l’AFP.

Les klaxons se sont donc tus à Addis Abeba. Ce mardi, des taxis ont recommencé à rouler, après une semaine d’interruption. La veille, les autorités avaient menacé de retirer leur licence aux chauffeurs qui ne reprendraient pas rapidement le travail. Des commerces ont rouvert, sur ordre de la police, d’après des témoins. Et puis les forces de l’ordre patrouillent. Interrogé sur les événements de la semaine dernière, le Premier ministre Meles Zenawi a clairement accusé l’opposition de poursuivre des visées subversives. «Vouloir renverser un gouvernement par des manifestations de rue est une trahison», a-t-il déclaré. Une manière de justifier implicitement l’arrestation des opposants.

L’opposition décapitée

Vingt-quatre dirigeants du CUDP, dont le président et le vice-président, sont ainsi détenus depuis le 1er novembre dernier. Ce lundi, ils ont comparu devant la justice, suite à une demande pressante de leurs avocats, qui s’inquiètent du respect des procédures de droit. Durant l’audience, aucune précision n’a été apportée quant au chef d’accusation qui pèse sur les détenus. Les demandes de mise en liberté provisoire ont été rejetées. Le tribunal a, en revanche, prononcé un maintien en détention durant deux semaines, pour les besoins de l’enquête. Par ailleurs, toujours d’après les avocats, ces leaders de l’opposition seraient «en bonne santé», et leurs familles devraient pouvoir leur rendre visite.

En décapitant ainsi le principal parti d’opposition, le régime en place semble avoir opté pour une méthode forte, afin de couper court à toute contestation. Des pourparlers entre le gouvernement et l’opposition avaient été entamés début octobre, après plus de quatre mois de crise. Mais cette tentative du dialogue avait échoué rapidement, en raison de désaccords. Pour le CUDP, ne restait que la rue, pour protester. Les arrestations d’opposants, ces derniers jours, laissent penser que la contestation va marquer le pas. A Addis Abeba, les chauffeurs de taxi n’utilisent plus leurs klaxons.

par Olivier  Péguy

Article publié le 08/11/2005 Dernière mise à jour le 08/11/2005 à 17:57 TU