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Ethiopie

Affrontements sanglants à Addis-Abéba

Autour de l'hôpital Black Lion, où sont ramenés les blessés, le 1er novembre 2005.Photo : AFP
Autour de l'hôpital Black Lion, où sont ramenés les blessés, le 1er novembre 2005.
Photo : AFP
Un lourd bilan hospitalier de 23 morts, au moins, et de 150 blessés, la plupart par balles, s’est ajouté, mercredi, aux huit morts et à la cinquantaine de blessés enregistrés la veille, à Addis-Abéba, dans des affrontements qui opposent à la police des manifestants issus du principal parti d’opposition, la Coalition pour l'unité et la démocratie (CUD). La CUD conteste les résultats des élections législatives de mai dont le parti au pouvoir, le Front populaire révolutionnaire démocratique éthiopien (PRDF), revendique la victoire. Dimanche, la Coalition avait appelé ses partisans à une grève générale à partir du 14 novembre. Hier, le pouvoir a riposté par des rafles dans tous le pays. Les dirigeants de la CUD ont été arrêtés, ses militants sont alors descendus en masse dans la rue.

Les manifestations de l’opposition en cours marquent aussi un pic dans la contestation des résultats des législatives du 15 mai dernier. Le parti au pouvoir assure les avoir remportées. Mais elles ont été marquées par de nombreuses irrégularités. Dans leur rapport, les observateurs européens indiquent, en effet, que le scrutin n’a pas été à la hauteur des standards démocratiques internationaux sur plusieurs points. Depuis lors, l’opposition, et notamment son principal parti, la CUD, revendique la victoire.

Ce bras de fer entre l'opposition et le pouvoir a déjà donné lieu, début juin, à des manifestations et à une répression violente. Au moins 37 personnes avaient été tuées à Addis Abéba et le pouvoir Zenawi avait ordonné de nombreuses arrestations parmi les sympathisants de la CUD. Celle-ci avait alors décidé de boycotter le Parlement. Les autorités ont répondu en levant l'immunité parlementaire des députés partisans du boycott.

Réprimer l’opposition qui monte

Le climat s’est encore alourdi ces dernières semaines, le Premier ministre, Meles Zenawi accusant nommément le chef de la CUD, Hailu Shawel, de chercher à le renverser dans la rue. Les arrestations de militants avaient déjà repris en septembre et début octobre, par dizaines. Il y a quelques jours, selon la CUD, une vingtaine de militants ont été tabassés par les forces de l'ordre qui les attendaient à la sortie du siège du parti. Mardi, un palier a été franchi avec l'arrestation de la direction de la CUD.

En juin dernier, quelques figures de la CUD avaient déjà été jetées en prison. Mais en même temps, certains poids lourds du parti étaient laissés en liberté. On pouvait même en rencontrer quelques uns au siège du parti, largement déserté quand même par de nombreux militants, soucieux d’éviter les représailles promises à ceux qui seraient vus là. Aujourd’hui, politiquement, la répression est beaucoup plus sévère. Elle a consisté mardi en une véritable décapitation de la première force d'opposition éthiopienne.

Apparemment, le régime Zenawi a été ébranlé par la tournure que prenaient les dernières élections. Selon certains experts, il avait pressenti qu'il risquait de perdre le vote urbain dans ce scrutin, mais il ne s'attendait pas du tout à ce que la CUD puisse percer dans les zones rurales. A moins qu’il se soit refusé à croire sa propre défaite possible, étant donné le quadrillage étroit du pays par le PRDF. Or, la CUD a su gagner le suffrage des campagnes, en s'appuyant d'ailleurs sur l'ignorance des populations. Celles-ci ont voté pour la Coalition, sans bien comprendre ce qu'elle représentait vraiment, mais parce qu'elle semblait constituer la seule alternative possible.

Les campagnes, c'est plus ou moins 85% de l'électorat éthiopien. Le pouvoir Zenawi était donc bel et bien en danger. En outre, comme on peut le constater aujourd’hui, la Coalition dispose également d’une réelle capacité à mobiliser les foules dans certains quartiers de la capitale. Visiblement, le pouvoir a décidé de frapper fort, à titre préventif, pour tenter d’anéantir une opposition qui le menace finalement davantage qu’il ne l’aurait cru.


par Laurent  Correau

Article publié le 02/11/2005 Dernière mise à jour le 02/11/2005 à 17:20 TU

Audio

Léa-Lisa Westerhoff

Correspondante à Addis-Abéba

«Toutes les 5, 10 minutes, une ambulance, un taxi apporte un blessé.»

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