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Ethiopie

Meles Zenawi garde la main

Le Premier ministre, Meles Zenawi.Photo : AFP
Le Premier ministre, Meles Zenawi.
Photo : AFP

Mardi, trois mois après les législatives du 15 mai dernier, la Commission électorale nationale (Nebe) a donné la victoire à la coalition organisée autour du parti du Premier ministre Meles Zenawi, le Front populaire révolutionnaire démocratique éthiopien (EPRDF), au pouvoir depuis 1991. Selon la Nebe, l’EPRDF obtient «296 sièges, ce qui lui permet de former le gouvernement fédéral». Ses alliés en emportent 22. Ses adversaires décuplent leurs résultats précédents, avec 174 sièges. Ces résultats portent sur 492 des 524 sièges en jeu (sur 547) de la Chambre des représentants du peuple, la chambre basse du parlement bicaméral éthiopien. L’opposition conteste ces résultats. Le pouvoir n’en a cure et rejette toute idée de partage du pouvoir.


L’Agence de presse éthiopienne indique que, fort d’une majorité absolue, puisqu’il passe la barre des 274 sièges, le parti de Meles Zenawi est en droit de former le nouveau gouvernement fédéral (en septembre, selon la Constitution), mais aussi quatre gouvernements régionaux sur huit. L’EPRDF conserve en effet la majorité des sièges, dans les Etats Amhara, Oromo, du Tigré et des Nations du Sud. Le parti «des Tigréens» cède en revanche la majorité des 23 sièges d’Addis-Abeba à la Coalition pour l'unité et la démocratie (CUD). Il accuse le coup en traitant la CUD de «parti régional ancré dans la seule capitale». Reste que la Nebe reconnaît quand même 109 sièges à la CUD et 52 au Front démocratique éthiopien uni (UEFD). Avec ces résultats inédits, les deux principales formations d’opposition démontrent que les Ethiopiens ne marchent pas comme un seul homme sous la férule du parti au pouvoir depuis quatorze ans.

Dans le Parlement précédent, l’opposition occupait seulement 12 sièges contre 481 pour la coalition au pouvoir. Ensemble, les formations qui se réclament de l’opposition, avec la CUD et l’UEFD, totalisent désormais 174 sièges. Le verdict de la Nebe les placent donc à un fil de la minorité de blocage (183 sièges). Le 21 août prochain, les urnes vont s’ouvrir à nouveau dans 55 circonscriptions, dans les 23 circonscriptions de l’Etat Somali notamment, où des motifs d’empêchement logistique avaient été invoqués le 15 mai, mais aussi dans une trentaine d’autres circonscriptions où le scrutin avait été reporté, après le décès d’un élu. La Nebe assure que les résultats de ces élections partielles seront connus le 5 septembre prochain. Mais pour l’opposition, cela ne fait pas de différence. Depuis l’annonce des résultats provisoires, fin mai, elle dénonce des fraudes. Le 8 juin, la contestation s’étaient soldée par au moins 37 morts, à Addis-Abeba.

Pas question de partager le pouvoir

«Avec toutes les preuves et les témoins que nous avons, nous allons contester les résultats devant la justice», déclare le vice-président de l'UEDF, Beyene Petros. Même son de cloche du côté de la CUD. Son président, Hailu Shewal, dénonce un «processus illégitime où le gagnant est déclaré perdant» et vice-versa, «du vol pur et simple». Face à ces récriminations, le pouvoir durcit le ton, agitant la Constitution qui «ne prévoit pas de place pour la désobéissance», menaçant de «punir» les protestataires, s’ils ne se suffisent pas des tribunaux. Dans un communiqué acerbe diffusé par l’agence d’information officielle, le régime Zenawi pointe ce qu’il considère comme une manœuvre et une preuve de mauvaise foi de l’opposition, une «déclaration commune» du CUD et de l’UED datée du 19 juillet. Après avoir annoncé «qu’ils n’accepteraient pas les résultats des élections et après avoir réclamé la reprise des scrutins dans 299 circonscriptions», dit le texte, les deux partis d’opposition «réclament désormais la formation d’un gouvernement de réconciliation nationale consistant en un partage du pouvoir avec l’EPRDF, et cela sur la base des suffrages qu’ils ont recueillis en mai».

Il n’est pas question pour l’EPRDF de «partager le pouvoir par la négociation, étant donné que l’EPRDF a gagné les élections démocratiquement». Pour la première fois, en effet, l’opposition avait pu mener une campagne électorale sous l’œil d’observateurs internationaux. De son côté, le pouvoir avait négligé la bataille, paraissant compter sur ses seuls administrateurs locaux pour rappeler leurs ouailles à la discipline électorale. Mais finalement, Meles Zenawi peut retourner le «mauvais score» de son parti à son avantage. Il le présente déjà comme une preuve de démocratie, un gage concédé à la bienveillance internationale.

Depuis que ses compagnons d’armes ont renversé Mengistu Haïlé Mariam, l’ancien disciple de l’Albanais Henver Hodja, l’ex-rebelle tigréen, Meles Zenawi s’est reconverti à l’économie de marché. Cela n’a pas vraiment amélioré l’ordinaire de ses 70 millions d’administrés. Mais les bailleurs de fonds ont apprécié. Ils financent 40% du budget éthiopien, grevé par le conflit avec l’Erythrée. Reste à faire taire les griefs de l’opposition. Meles Zenawi dispose d’un nouveau quinquennat.


par Monique  Mas

Article publié le 10/08/2005 Dernière mise à jour le 10/08/2005 à 18:05 TU