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Israël

Un syndicaliste séfarade chef des travaillistes

Amir Peretz (photo) crée la surprise en remplaçant Shimon Peres à la tête du Parti travailliste.(Photo : AFP)
Amir Peretz (photo) crée la surprise en remplaçant Shimon Peres à la tête du Parti travailliste.
(Photo : AFP)
Le chef de la puissante centrale syndicale Histadrout, Amir Peretz, a été élu, mercredi dans la nuit, à la tête du parti travailliste. Il remplace l’ancien Premier ministre et Nobel de la paix Shimon Peres qui avait repris il y a deux ans les rênes de la grande formation politique de gauche. Sa désignation a provoqué un séisme politique en Israël puisque pour la première fois dans l’histoire du pays, un séfarade –Amir Peretz est d’origine marocaine– dirigera un parti qui a le plus grand mal à se débarrasser de son image de formation élitiste favorisant les juifs venus d’Europe. Sans compter que le nouveau chef des travaillistes est vigoureusement opposé à l’alliance avec le Likoud d’Ariel Sharon et menace ouvertement de quitter le gouvernement de coalition.

Les quelque 100 000 militants du parti travailliste ont choisi un quasi-inconnu sur la scène internationale pour les représenter aux prochaines élections législatives. Appelés à se prononcer au cours d’une primaire âprement disputée, ils ont sanctionné l’ancien Premier ministre Shimon Peres, pourtant figure historique du parti. Au Nobel de la paix, compagnon de route d’Yitzhak Rabin, ils ont en effet préféré un homme de terrain. Un homme visiblement craint par ses ennemis politiques. Un homme qui, ils l'espèrent, saura donner un nouveau souffle à un parti rongé par les querelles intestines et incapable de renouveler ses élites. Agé de 53 ans, Amir Peretz, chef de la puissante centrale syndicale Histadrout et membre de la Knesset, a remporté la primaire de mercredi avec 42,35% des voix contre 39,96% pour son rival, pourtant soutenu par les ténors du parti.

Visiblement éprouvé par son score –tous les sondages le donnaient largement vainqueur–, Shimon Peres a aussitôt contesté les résultats. «Il n’est pas logique que dans un certain nombre de villages, où je sais que j’ai la majorité, je sois tombé à sept voix. Je m’attendais à passer une meilleure nuit», a-t-il tenté de faire valoir, mais en vain. Le secrétaire général du parti Eitan Cabel a en effet mis un frein à toute polémique jeudi matin en rejetant les accusations de fraude proférées par les partisans de l’ancien Premier ministre. Transporté par sa victoire et jouant la carte de l’unité, Amir Peretz, de son côté, n’a pas hésité à tendre la main à son rival malheureux qui n’avait toujours pas reconnu sa défaite dans la matinée. «Shimon, j’ai besoin de toi, lui a-t-il lancé. Si ce n’est pas pour moi, fais le pour le parti. Et si ce n’est pas pour le parti, fais le pour le pays. Ne nous laisse pas tomber !»

Vers des élections anticipées

Toujours dans un souci de rassemblement, le patron de Histadrout a tenu, dans son discours aux militants prononcé peu après l’annonce de sa victoire, à placer son action dans la continuité de celle de l’ancien Premier ministre Yitzhak Rabin, assassiné en 1995 par un extrémiste juif. «Nous ne permettrons pas que la voie que vous avez tracée soit effacée. Nous n’accepterons pas que la paix soit écartée et nous n’admettrons pas que ce crime soit oublié», a lancé Amir Peretz. «Dix ans après cet assassinat, c’est le moment de rappeler à tous le testament de Rabin qui nous servira de guide», a ajouté celui qui est considéré comme une colombe. Parallèlement à son action syndicale, le nouveau chef des travaillistes a en effet longtemps milité au sein de La Paix maintenant, un mouvement opposé à la colonisation dans les Territoires palestiniens.

Epinglé pour son manque d’expérience politique, Amir Peretz a brandi son passé de syndicaliste pour faire taire ses détracteurs et, pourquoi pas, puiser dans l’électorat du Likoud. «Cet nuit, a-t-il déclaré, des citoyens israéliens qui pensaient n’avoir plus aucune chance d’être intégrés dans la société pourront enfin réaliser leur rêve». Rappelant que plus d’un million d’Israéliens vivaient en dessous du seuil de pauvreté, il s’est engagé à leur venir en aide, dénonçant au passage la droite israélienne responsable selon lui de cette situation. Pour Amir Peretz en effet, «les conditions sont mûres aujourd’hui» pour un retour des travaillistes au pouvoir. Et aux yeux de ses partisans, il est le seul capable de rallier à lui les électeurs des villes déshéritées d’Israël qui avaient porté au pouvoir Ariel Sharon. Le Likoud, «avec son capitalisme de porc», s’est coupé de son électorat, a en effet fait valoir le nouveau chef des travaillistes, qui avait paralysé le pays, il y a quelques mois, par une grève générale pour protester contre la politique économique ultra-libérale de Benyamin Netanyahou.

La victoire d’Amir Peretz risque en tout cas de poser un nouveau problème au chef du gouvernement Ariel Sharon déjà en grande difficulté en raison de l’opposition déclarée de l’aile dure de son parti, le Likoud. Le chef des travaillistes s’est en effet engagé à quitter le cabinet d’union nationale. «Nous allons signifier au Premier ministre que nous voulons partir car nous voulons recréer une alternative dont l’objectif sera la prise du pouvoir aux prochaines élections», a-t-il lancé à ses partisans. Des élections anticipées semblent désormais inévitables. Amir Peretz doit d’ailleurs rencontrer dimanche Ariel Sharon à ce sujet.


par Mounia  Daoudi

Article publié le 10/11/2005 Dernière mise à jour le 10/11/2005 à 18:24 TU