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Rabin : dix ans pour quoi ?

Buste d'Yitzhak Rabin à Tel Aviv.(Photo: AFP)
Buste d'Yitzhak Rabin à Tel Aviv.
(Photo: AFP)
Les commémorations marquant la disparition d’Yitzhak Rabin, assassiné il y a dix ans par un extrémiste juif, ont commencé en Israël. Ces cérémonies à la mémoire de l’ancien Premier ministre vont s’étaler sur une dizaine de jours. Le pays, la paix, sont dans l’impasse.

La famille, les proches de Rabin et le vice-Premier ministre Shimon Pérès se sont recueillis vendredi sur la tombe d’Yitzhak Rabin, enterré au cimetière militaire du Mont-Herzl à Jérusalem. Dans le même temps, des centaines de personnes, à Tel Aviv, ont-elles aussi commémoré la disparition de l’ancien Premier ministre en se rendant sur la place qui porte désormais son nom, là où le chef du gouvernement israélien fut abattu à bout portant il y a tout juste dix ans. Yitzhak Rabin participait alors à un rassemblement «pour la paix et contre l’incitation à la violence».

D’autres cérémonies sont prévues dans les jours à venir, notamment le 12 novembre. Un grand rassemblement aura lieu, toujours sur cette place baptisée Yitzhak Rabin, cette date étant, selon le calendrier hébraïque, le jour anniversaire de l’assassinat. Deux jours plus tard, une cérémonie officielle sera organisée par le gouvernement en présence de personnalités étrangères notamment l’ancien président américain Bill Clinton, et l’actuelle secrétaire d’Etat américaine Condoleezza Rice.

Selon un sondage publié jeudi dans la presse israélienne, 76% des personnes interrogées se prononcent contre la libération d’Yigal Amir, extrémiste religieux qui a assassiné Yitzhak Rabin le 4 novembre 1995. Le président israélien Moshe Katzav a pour sa part totalement exclu d’accorder une grâce ou une remise de peine à cet Israélien. «Yigal Amir est un scélérat qui ne mérite ni grâce ni pardon», a-t-il indiqué. Emprisonné à vie, l’assassin de Rabin vient de demander une révision de son procès. «Il n’a tiré que deux fois. Ce n’est pas lui qui a tiré la troisième balle à bout portant, qui a provoqué la mort», a déclaré sa femme pour motiver cette demande. La polémique autour de la troisième balle accrédite la thèse d’un complot, organisé par les services de sécurité israéliens, pour tuer le Premier ministre et torpiller les avancées dans le processus de paix avec les Palestiniens.

Deux ou trois balles

Un documentaire diffusé jeudi soir sur une chaîne de télévision privée a évoqué cette thèse en montrant la chemise maculée de sang que portait Rabin le jour de son assassinat. La chemise avait trois trous, deux dans le dos, et un autre devant. Un expert en balistique indiquait dans le reportage : «Il n’est pas possible qu’il y ait un tel (troisième) trou et qu’il n’y ait pas eu de trace sur le corps, et il n’est pas possible que ce trou n’ait pas été causé par une balle». Selon cet expert, le troisième trou semble avoir été causé par une balle totalement différente de celles qui ont été extraites du corps de Rabin. De son côté, le médecin légiste qui a examiné le corps de Rabin après son assassinat a déclaré : «J’ai trouvé deux balles que j’ai extraites…J’ai examiné chaque centimètre du corps de Rabin et il n’y avait aucune autre blessure que celles causées par ces deux balles».

Pour sa part, le soir du meurtre, le ministre de la Santé de l’époque, Ephraïm Sneh avait déclaré «que Rabin avait été touché par trois balles : une à la poitrine, une à l’estomac, et une dans la moelle épinière». Interrogé après la diffusion du documentaire, l’ancien ministre de la Santé a déclaré qu’il n’avait pas vu le corps du Premier ministre et que les informations concernant le cadavre de Rabin lui avaient été transmises par le directeur de l’hôpital. L’enquête officielle a établi que si Yigal Amir avait bien tiré trois balles, seules deux avaient atteint Rabin, la troisième ayant touché l’un de ses gardes du corps.

Le sondage réalisé dix ans après la disparition de Rabin montre également que, pour l’opinion publique, il reste le meilleur Premier ministre qu’aie jamais eu Israël depuis sa création en 1948. L’institut de sondage en a profité pour interroger les Israéliens sur la sécurité de leur chef de gouvernement. Pour 84% des personnes interrogées, un nouvel attentat comme celui qui a coûté la vie à l’ancien leader travailliste est possible en Israël.

Evacuation ou colonisation ?

Des journaux israéliens d’extrême droite ou ultra orthodoxes ont passé sous silence les commémorations marquant le dixième anniversaire de la mort de Rabin. Dans le même temps, les spécialistes du Proche Orient rappellent que le Premier ministre, Ariel Sharon, a reçu à plusieurs reprises des menaces de mort. Ils remarquent que l’ambiance actuelle rappelle l’atmosphère avant l’assassinat de Rabin. Contre une grande partie de la classe politique de son pays et contre l’avis d’une partie aussi de l’opinion publique, Sharon vient d’imposer le retrait de Gaza tout en médiatisant les opérations donnant une bonne image d’Israël. Avant d’être tué par l’un de ses compatriotes, Rabin, lui, avait, un an auparavant, reçu le prix Nobel de la Paix. Il avait réussi à trouver un accord avec Yasser Arafat, avec lequel il partageait ce prix prestigieux. La récompense venait après les accords d’Oslo de 1993, dénoncés violemment par la droite israélienne, qui protestait contre ce principe d’échanger «la terre contre la paix». En 1995, quelques semaines avant sa mort, Rabin avait signé un nouvel accord avec Arafat qui devait étendre l’autonomie de la Cisjordanie. Une partie du pays désapprouvait.

La disparition de Rabin fait repartir à zéro le processus de paix. Et un an après sa mort, la droite revient au pouvoir. La tension entre les deux peuples remonte en crescendo au rythme des attentats et des opérations de représailles. En 2000, c’est la deuxième Intifada.

Aujourd’hui, si Gaza a été totalement évacuée, la colonisation continue en Cisjordanie. Si 8 500 colons ont quitté la bande de Gaza depuis le début de l’année, 14 000 se sont installés en Cisjordanie. Et la construction du mur est en train de morceler un peu plus les territoires où vivent les Palestiniens. Le parti travailliste se cherche un leader, le parti de droite a le sien, mais d’un âge avancé.


par Colette  Thomas

Article publié le 04/11/2005 Dernière mise à jour le 04/11/2005 à 16:26 TU

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Jean Frydman

Ancien conseiller d'Yitzhak Rabin

«En tuant Rabin, ils ont tué les accords d’Oslo, mais pas l’espoir de la paix.»

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