Etats-Unis
Bush défend la guerre en Irak
(Photo: AFP)
De notre correspondante à New York
Jusque-là, la Maison Blanche avait eu tendance à ignorer ou marginaliser les critiques sur la guerre en Irak. Changement de stratégie, le président George W. Bush a lancé, selon les mots de l’éditorialiste du Washington Post Dam Froomkin, «sa troisième campagne présidentielle». Celle-ci est destinée à sauver sa réputation et ce qui reste de son deuxième mandat. Premières cibles : les critiques de plus en plus nombreux à accuser le gouvernement actuel d’avoir menti au public américain pour justifier une entrée en guerre contre l’Irak. Le vice-président Dick Cheney s’est chargé de monter au front à l’arme lourde. «Les suggestions de certains sénateurs américains selon lesquelles le président des Etats-Unis ou d’autres membres du gouvernement auraient pu tromper le peuple américain en matière de renseignements avant l’entrée en guerre sont parmi les accusations les plus répréhensibles et malhonnêtes jamais entendues dans cette ville», a-t-il déclaré dans un dîner de Républicains. Féroce, il a rappelé que «certains de ces commentaires irresponsables émanent, évidemment, de politiciens qui ont voté en faveur de l’usage de la force contre Saddam Hussein». Le président a abondé dans son sens pendant son périple asiatique, traitant aussi ces détracteurs d’«irresponsables».
Ripostes
La campagne de défense n’est pas sans risque. D’abord parce qu’elle continue à nourrir le débat sur la justification de l’entrée en guerre en Irak. Ensuite parce que quelques démocrates, irrités d’entendre la Maison Blanche se défendre en leur rappelant leurs déclarations alarmistes d’avant la guerre, ont réagi encore plus violemment. Exaspéré de voir ses anciennes déclarations citées par la Maison Blanche pour étayer les dangers que représentait le régime de Saddam Hussein, l’ancien président Bill Clinton qui jusqu’à présent n’avait critiqué que la conduite du conflit, a pour la première fois déclaré que la décision même d’entrer en guerre avait été «une grosse erreur».
La Maison Blanche s’est lancée dans cette contre-attaque alors que le président sombre dans les sondages : le dernier publié par USA Today ne lui accorde plus que 37% d’opinions positives, son plus bas niveau depuis son entrée en fonction. La semaine dernière, JD Hayworth, un parlementaire républicain d’Arizona confiait à un animateur radio ne pas vouloir du soutien du président pour sa campagne de l’an prochain.
Le Congrès demande des comptes
Pour la première fois, les partisans du retrait des troupes américaines d'Irak ont un écho au Congrès : au sein d’un Sénat majoritairement républicain, un texte démocrate exigeant un état des lieux trimestriel de la guerre et des capacités de l’armée irakienne y a été voté par 79 voix contre 19.
En terme de conduite des opérations militaires, le gouvernement ne bénéficie plus non plus de la confiance aveugle du Congrès. Malgré les résistances du gouvernement, le sénateur républicain John McCain, héros patenté du Vietnam, tente d’y faire adopter un texte interdisant explicitement la torture.
Pour prouver que la Maison Blanche garde bien le contrôle de la situation irakienne, la secrétaire d’Etat Condoleezza Rice est allée y faire une visite surprise la semaine dernière. Des rumeurs laissent entendre que le président Bush pourrait faire étape en Afghanistan ou en Irak sur le chemin du retour de sa tournée d’Asie. Mais même en Afghanistan, souvent donné en modèle de la guerre contre le terrorisme, la situation de l’armée américaine semble plus fragile: 87 GIs y ont été tués cette année, deux fois plus que l’an dernier.
Le «Plamegate» entretient les doutes
Le reste de l’actualité n’est guère plus souriant pour l’administration Bush. Le mois dernier, Scott Libby, le directeur de cabinet de Dick Cheney a été mis en examen, accusé d'obstruction de justice dans l’enquête sur l’origine des fuites ayant grillé la couverture de Valerie Plame, une agente de la CIA. L’affaire est loin d’être close : il y a deux jours, le journaliste héros du Watergate Bob Woodward a reconnu avoir eu accès à la même information via une autre source du gouvernement. Or, l’identité de Valerie Plame ayant été révélée pour discréditer une tribune du New York Times dans laquelle son mari Joe Wilson remettait en cause les renseignements dont disposait la Maison Blanche pour justifier l’invasion irakienne, plus le «Plamegate» traîne en longueur, plus il prolonge le débat sur ce que la Maison Blanche savait quand elle a appelé à attaquer l’Irak au nom des armes de destruction massive.
par Guillemette Faure
Article publié le 18/11/2005 Dernière mise à jour le 21/12/2005 à 09:26 TU