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Etats-Unis-Irak

La volte-face de l’administration Bush

Le secrétaire d'Etat Colin Powell a créé la surprise en appelant à l'organisation d'une conférence internationale sur l'Irak. 

		(Photo : AFP)
Le secrétaire d'Etat Colin Powell a créé la surprise en appelant à l'organisation d'une conférence internationale sur l'Irak.
(Photo : AFP)
L’optimisme sans faille affiché depuis des semaines par la Maison Blanche sur l’avenir de l’Irak n’est aujourd’hui plus de mise, Washington reconnaissant désormais que la situation sécuritaire, déjà chaotique dans ce pays, risque de s’aggraver. Pour la première fois en outre, l’administration Bush s’est tournée vers la communauté internationale, appelant de ses vœux la mise en place rapidement d’une conférence régionale, soutien implicite à l’organisation des élections de janvier que le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, avait encore récemment jugée plus qu’improbable. Ce virage soudain dans la politique menée jusque-là par la Maison Blanche n’est pas innocent dans le contexte électoral actuel, la question irakienne occupant désormais une place prépondérante dans la campagne américaine.

Les assauts du candidat démocrate contre la politique menée par la Maison Blanche en Irak auraient-ils déstabilisé l’administration Bush ? John Kerry, qui avait dans un premier temps centré sa campagne sur l’économie et le social, a en effet opéré il y a une dizaine de jours un brusque revirement vers l’international, multipliant les critiques contre la gestion de l’après-guerre et surtout dénonçant les «mensonges» de son adversaire qui jusqu’à la fin de la semaine dernière s’obstinait à minimiser la dégradation de la situation affirmant que l’Irak était sur le chemin de la démocratie. Non sans danger pour son rival républicain, la stratégie du sénateur du Massachusetts a consisté à marteler auprès des électeurs que la guerre contre le régime de Saddam Hussein n’était pas justifiée dans la mesure où elle a nui à la guerre contre le terrorisme pourtant chère au président Bush. Sans compter que ce conflit, a insisté John Kerry, risquait désormais de mener la région entière dans le chaos et de menacer par là-même la sécurité des Etats-Unis. Poussé par ses conseillers, pour la plupart issus de l’ancienne équipe Clinton, le candidat démocrate n’a pas hésité à présenter un éventail de propositions pour sortir de la crise, appelant notamment à la mise en place d’une conférence internationale et s’engageant surtout à rapatrier les troupes américaines dès le mois de juin prochain s’il était élu.

Il faut croire que cette brusque offensive de John Kerry sur l’Irak, combinée à l’aggravation de l’insécurité sur le terrain –cinq soldats américains ont encore été tués ce week-end dans des attaques diverses– a été jugée suffisamment dangereuse dans le contexte électoral actuel pour que la Maison Blanche se contraigne, à son tour, à changer de stratégie. D’autant plus que la visite aux Etats-Unis du Premier ministre irakien, Iyad Allaoui, venu apporter son soutien à George Bush et répéter que contrairement aux apparences l’Irak et le monde se portent mieux sans Saddam Hussein, n’a vraisemblablement pas convaincu. N’ayant pas peur de se contredire, l’administration Bush a donc décidé de répondre aux attaques du candidat démocrate, allant jusqu’à reprendre les idées avancées par ce dernier pour sortir du bourbier irakien.

Une conférence internationale avant la présidentielle

Face à l’incertitude qui pèse sur l’organisation d’élections en Irak dès janvier prochain et malgré les affirmations d’Iyad Allaoui sur le maintien du calendrier électoral, l’équipe de George Bush a ainsi fini par reconnaître que l’insécurité risquait de s’aggraver et de compromettre la mise en place d’un tel scrutin. Le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld a même laissé entendre que ces élections pourraient n’être que partielles. «Imaginons que vous tentiez d’organiser des élections et que vous ne puissiez le faire que dans trois ou quatre cinquièmes du pays parce que la violente est trop importante», avait-il lancé avant de conclure : «Eh bien ainsi soit-il !»

Alors que l’administration Bush avait pourtant préparé les Américains à une longue présence en Irak –au moins cinq années à en croire le Commandement central– l’engagement de John Kerry à rapatrier les boys dès le mois de juin prochain a brusquement changé la donne. Donald Rumsfeld a en effet lui-même laissé entendre la semaine dernière que les Etats-Unis pourraient commencer à retirer leurs troupes d'Irak avant que le pays ne soit complètement pacifié. «Toute idée selon laquelle le pays doit être parfaitement pacifié avant que nous ne réduisions les forces américaines et de la coalition serait évidemment, je pense, déraisonnable, car ce pays n'a jamais été parfaitement paisible et ne le sera vraisemblablement pas», a-t-il déclaré, revenant sans état d’âme sur les engagement antérieurs de son administration.

Mais plus spectaculaire encore a été la décision de la Maison Blanche de faire appel à la communauté internationale pour trouver une solution à la crise irakienne alors que Washington avait pourtant rejeté une proposition similaire émanant, il y a plus d’un an, de la France et de la Russie. Là encore les critiques de John Kerry sur la politique de George Bush qui a eu, selon lui, comme seule conséquence d’isoler les Etats-Unis de leurs alliés naturels ont porté leurs fruits. La proposition du candidat démocrate d’organiser une conférence internationale a en effet été reprise par le secrétaire d’Etat américain qui a créé la surprise en annonçant samedi que des négociations allaient bon train pour que cette rencontre puisse se tenir dès le mois d’octobre. Et même si Colin Powell a fait porter la paternité de cette proposition à Iyad Allaoui –«c’est ce qu’il veut, c’est sa conférence», a-t-il affirmé samedi au New York Times– personne n’est dupe quant aux implications qu’une telle conférence pourrait avoir sur le plan intérieur à quelques jours d’une élection présidentielle.

L’insistance du secrétaire d’Etat pour que cette rencontre se tienne dès le mois d’octobre semble en effet davantage liée à la présidentielle du 2 novembre qu’aux élections irakiennes de janvier. Elle permettrait non seulement au candidat républicain de montrer qu’il n’est pas aussi isolé que le laisse entendre son rival John Kerry mais surtout elle donnerait l’illusion qu’une solution est en passe d’être trouvée au problème irakien. Dans ce contexte le duel télévisé qui doit opposer jeudi les deux candidats sur les questions internationales risque d’être à bien des égards capital. Un sondage publié lundi dans Time révèle que depuis qu’il a axé sa campagne sur l’Irak, John Kerry a réduit son retard sur le président sortant dans les intentions de vote à 42% contre 48%. Il montre également que seul 37% des électeurs estiment que George Bush dit la vérité sur la situation en Irak.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 27/09/2004 Dernière mise à jour le 27/09/2004 à 15:32 TU