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Etats-Unis

Présidentielle: les candidats ôtent les gants

«<EM>Je ne vais pas laisser mon engagement à défendre ce pays être questionné par ceux qui ont refusé de servir quand ils auraient pu le faire</EM>» a répliqué John Kerry. 

		(Photo : AFP)
«Je ne vais pas laisser mon engagement à défendre ce pays être questionné par ceux qui ont refusé de servir quand ils auraient pu le faire» a répliqué John Kerry.
(Photo : AFP)
La convention républicaine de New York a donné le ton de la campagne : elle sera agressive, tournée vers la critique de la personnalité de l’adversaire plus que contre ses idées ou son programme. Après plusieurs semaines de réserve, le candidat démocrate John Kerry a décidé de rendre coup pour coup au couple Bush-Cheney.

De notre correspondant à New York

Cette fois, la coupe est pleine. Les Démocrates ne vont plus tendre l’autre joue. Sur les instructions de John Kerry, un couvercle avait été posé sur la bouillante convention démocrate de Boston. Le parti devait se montrer positif, constructif, rassembleur. Pas question de tomber dans l’ornière en servant aux militants du parti une rhétorique enflammée contre le président Bush, ses mensonges, ses liens avec l’industrie pétrolière, ou son parcours de «planqué» dans l’armée. Les attaques personnelles étaient bannies, et les références à «l’autre candidat» discrètes et implicites. La Convention républicaine qui vient de prendre fin n’aurait pas pu être plus différente. Les orateurs ont été soigneusement sélectionnés pour représenter la tendance la plus centriste du parti, mais ils ont tiré à balle réelle sur le candidat Kerry. Le discours du candidat Bush, truffé de références aux attentats du 11 septembre, n’en fut que l’apothéose.

Après avoir au grand plaisir de la foule dressé la liste des projets auxquels John Kerry s’est opposé (réforme de l’éducation, de la santé, baisse des impôts), il a interrompu les sifflets de la foule : «Non, attendez, attendez une minute. Pour être juste, il y a des choses que mon opposant soutient. Il a proposé plus de deux trillons de dépenses fédérales pour l’instant, et c’est beaucoup, même pour un gouverneur du Massachusetts. Et pour payer cette augmentation, il fait campagne sur une augmentation des impôts, et c’est le genre de promesse que généralement les politiciens tiennent.» Il a ensuite raillé John Kerry qui selon lui essaye de se faire passer pour le défenseur des valeurs conservatrices, alors qu’il est vendu à Hollywood (symbole du libéralisme chez les conservateurs). «Si vous appelez, comme mon opposant l’a fait, la présidence Reagan "huit ans d’obscurité morale", vous êtes peut-être un certain nombre de choses, mais pas le candidat des valeurs conservatrices».

Kerry riposte

Pendant une semaine, John Kerry a été présenté comme un libéral, changeant d’opinion comme de chemise, faible sur les questions de défense et trop riche ou trop snob pour comprendre l’Amérique profonde. Alors jeudi, le vétéran du Vietnam a déterré la hache de guerre : «Toute la semaine, ils ont attaqué mon patriotisme et mon aptitude à servir en tant que commandant en chef. Et bien voici ma réponse. Je ne vais pas laisser mon engagement à défendre ce pays être questionné par ceux qui ont refusé de servir quand ils auraient pu le faire, et par ceux qui ont entraîné la nation en Irak sous de faux prétextes» a-t-il répliqué. Il s’en est personnellement pris au vice-président Cheney, et à ses cinq rapports qui lui ont permis d’éviter le Vietnam. Et de marteler, dans un style Michael Moorien : «Ne rien faire pendant que ce pays perd des millions d’emplois vous rend inapte à diriger ce pays. Laisser 45 millions d’Américains sans assurance maladie vous rend inapte à diriger ce pays. Laisser la famille royale saoudienne contrôler le coût de notre énergie vous rend inapte à diriger ce pays. Donner des milliards de dollars de contrats gouvernementaux à Halliburton alors que vous êtes encore sur leur feuille de salaire vous rend inapte.»

«Pendant trois jours à New York, au lieu de parler d'emplois et d'économie, nous avons entendu de la colère et des insultes de la part des républicains. Et je vais vous dire pourquoi. C'est parce qu'ils ne peuvent pas parler des vrais problèmes auxquels sont confrontés les Américains. Ils ne peuvent pas parler de leur bilan parce que c'est un échec», a également affirmé John Kerry. Et de fait, le président Bush a décidé de ne vendre ni son bilan ni son programme, mais plutôt sa force de caractère, son aptitude à prendre des décisions difficiles et à s’y tenir. «Même lorsque nous ne sommes pas d’accord, vous savez ce en quoi je crois et quelle est ma position», a-t-il affirmé lors de la convention, pour trancher avec l’image de girouette que les Républicains ont collé avec un certain succès au candidat démocrate. Le Président américain a également tourné en dérision certains de ses défauts, une forme d’arrogance, ses gaffes, son allure de cow-boy, mais il n’a exprimé aucun doute quand à la plus controversée de ses décisions, la guerre en Irak, toujours justifiée au nom du 11 septembre. George W. Bush se pose en leader en temps de guerre, et le reste n’est que littérature : une vague liste d’idées consensuelles présentées sans détail, et un thème de "compassionate conservatism" (conservatisme compatissant) ressorti pour l’occasion du placard où il moisissait depuis quatre ans.

Le camp Kerry va essayer de ne pas tomber dans ce piège des personnalités, et de ramener la campagne sur le thème de l’économie, qui avait fait tomber Bush père en 1992. «Le président Bush est maintenant certain d'être le premier président depuis la Grande Dépression à briguer un deuxième mandat sans avoir créé le moindre emploi», a lancé le candidat démocrate, en commentant l'annonce de la création de 144 000 emplois. Ce chiffre, présenté sous un jour favorable par l’équipe Bush, est mauvais selon les démocrates. «Mes amis, au rythme où l’administration crée des emplois, vous n’aurez pas un résultat net positif dans l’Ohio jusqu’en 2011. Je ne pense pas que le moment soit à la célébration. Je crois que c’est une chose sur laquelle nous devons travailler.» Le candidat à la vice-présidence John Edwards s’est montré plus mordant encore : «Ils vont faire tout ce qu’ils peuvent pour mettre du rouge à lèvre sur ce cochon. Mais vous savez, quand vous mettez du rouge à lèvre sur un cochon, au bout du compte, c’est toujours un cochon».

par Philippe  Bolopion

Article publié le 04/09/2004 Dernière mise à jour le 04/09/2004 à 09:29 TU