Irak
Le renseignement américain affiche son pessimisme
(Photo : AFP)
Le rapport d’une cinquantaine de pages a été réalisé par le Conseil national du renseignement –le National intelligence council (NIC)– dont l’une des missions est de fournir régulièrement au président des Etats-Unis des analyses stratégiques. Il a été approuvé par un comité présidé par le directeur par intérim de la CIA, John McLaughlin. Son contenu, qui établit des prévisions à la fois militaires économiques et politiques pour les dix-huit prochains mois en Irak, est certes toujours confidentiel. Mais les rares personnes qui y ont eu accès évoquent toutes «une dose significative de pessimisme». Le rapport prévoit ainsi trois développements possibles en Irak d’ici la fin 2005. Le scénario le plus optimiste table sur situation instable proche de celle qui prévaut déjà depuis quelques mois. L’hypothèse médiane, jugée la plus probable avant le récent déchaînement de violences, évoque une poursuite de l’augmentation de l’insécurité et de la destruction des infrastructures existantes, autant de facteurs qui empêcheront l’installation d’un pouvoir légitime et une relance de l’économie. Le dernier cas de figure, enfin, prédit ni plus ni moins une guerre civile généralisée entre chiites et sunnites, le pire cauchemar pour un président américain en campagne.
Ces prévisions du Conseil national du renseignement –les premières sur l’Irak depuis octobre 2002– ont été réalisées bien avant la récente flambée de violences qui a vu ces derniers jours se multiplier à travers ce pays les attentats et les prises d’otages. Elles prennent un relief particulier au regard de l’optimisme affiché depuis des mois par la Maison. Jeudi encore, lors d’une réunion électorale dans le Minnesota, George Bush saluait «la liberté en marche» en Irak. «En dépit des actes de violences, l’Irak se dirige vers la démocratie», a-t-il martelé, ajoutant qu’il n’y a pas si longtemps Saddam Hussein était encore au pouvoir avec ses «salles de tortures et ses charniers». Se montrant ouvertement confiant quant à l’avenir d’un pays pourtant plongé depuis plusieurs jours dans le chaos, il n’a pas un seul instant remis en doute le calendrier électoral qui prévoit l’organisation de consultations dans quatre mois. «Ce pays a maintenant un Premier ministre fort. Il a un Conseil national et des élections nationales prévues en janvier», a-t-il insisté ignorant ouvertement la position des Nations unies qui jugent pourtant plus qu’improbable la mise en place d’un tel scrutin.
Du pain bénit pour les démocratesDans une campagne électorale, pour le moment plutôt favorable au président sortant, l’existence d’un rapport qui contredit sa vision optimiste de la situation en Irak est inespérée pour ses rivaux démocrates. Leur candidat, John Kerry, s’est ainsi empressé d’accuser George Bush de «ne pas dire la vérité» sur ce qui se passe dans ce pays. Dans une virulente attaque, il a notamment estimé que «le président avait échoué au test fondamental de tout leadership, celui de dire la vérité». John Kerry a également accusé son rival de ne pas reconnaître que la mission américaine en Irak affrontait de «graves difficultés» alors même que «ses propres services de renseignement» l'ont mis en garde depuis des semaines, allusion à peine voilée au rapport de la NIC.
Plus direct, le sénateur démocrate Bob Graham a lui réclamé que ce document confidentiel soit «rendu public» car, a-t-il estimé, «les Américains doivent connaître la vérité». Qualifiant l'Irak «bourbier», il a également appelé l'administration Bush à cesser de mettre en avant la «fausse affirmation que la guerre en Irak est la guerre contre le terrorisme».
La révélation de l’existence de ce rapport confidentiel intervient alors que la politique menée par la Maison Blanche en Irak est ouvertement critiquée par le commission des Affaires étrangères du sénat. Démocrates mais aussi républicains au sein de cette instance ont ainsi estimé que les Etats-Unis perdront la guerre s’ils ne sont pas capables d’accroître la sécurité en Irak et de remettre réellement sur pied l’économie de ce pays. Ils rappellent que sur les 18,4 milliards de dollars attribués en 2003 par le Congrès pour la reconstruction de l’Irak, à peine un milliard a été dépensé.
par Mounia Daoudi
Article publié le 17/09/2004 Dernière mise à jour le 17/09/2004 à 15:18 TU