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Etats-Unis

La CIA endosse les échecs de la Maison Blanche

George Tenet annonce sa démission à ses collaborateurs. 

		(Photo AFP)
George Tenet annonce sa démission à ses collaborateurs.
(Photo AFP)
Sur la sellette depuis des mois, le patron de la CIA a, semble-t-il, été sacrifié par l’administration Bush alors que le président est au plus bas dans les sondages à cinq mois de l’élection présidentielle de novembre. Officiellement, c’est George Tenet qui a présenté sa démission pour des «raisons personnelles». George Bush, qui a personnellement annoncé son départ s’est déclaré «désolé». «C’est un homme fort, résolu. Il a été un chef fort et capable à la tête de l’Agence. Il va me manquer», a-t-il assuré. Le départ de George Tenet, fusible idéal, ne mettra toutefois pas fin aux ennuis d’une administration en difficulté. Un second haut responsable de la CIA, James Pavitt -en charge des opérations spéciales de l’Agence- devait annoncer vendredi sa démission.

George Bush a-t-il provoqué la démission de George Tenet ? La plupart des analystes s’accordent à le croire. Car sinon comment expliquer autrement la démission de l’homme fort du renseignement américain à quelques mois d’une échéance électorale majeure et alors que le pays, à en croire l’administration Bush elle-même, est peut-être à la veille d’une attaque terroriste de grande ampleur ? Stanfield Turner, qui a dirigé la CIA entre 1977 et 1981, et qui reconnaît en son successeur un fonctionnaire extrêmement respectueux de la fonction présidentielle estime ainsi que George Tenet a été acculé à la démission. «Je ne pense pas qu’il aurait pu claquer la porte en pleine année électorale sans qu’on lui ait dit de le faire», a-t-il commenté soulignant que Tenet «a été poussé dehors». Selon lui, il «sert de bouc émissaire à la Maison Blanche». 

Voyant sa crédibilité chaque jour un peu plus entamée, l’administration Bush se devait en effet de réagir. Et il semblerait que le départ du patron de la CIA ait été jugé le moins coûteux en cette période pré-électorale. Attaqué de toutes parts après le scandale des prisonniers irakiens torturés d’Abou Ghraïb, George Bush avait refusé de se séparer de son secrétaire à la Défense comme le réclamait l’opposition démocrate mais aussi certains républicains. Un départ de Donald Rumsfeld, l’homme qui incarnait le plus la guerre en Irak, aurait en effet été l’aveu d’un échec de la politique menée par la Maison Blanche. A contrario, la démission d’un homme, nommé par l’administration Clinton et dont les services n’ont pas su prévenir les attentats du 11 septembre, semblait politiquement moins risquée.

Un rapport encombrant pour Tenet

La CIA et son patron sont en outre dans le collimateur de deux commissions indépendantes. La première chargée d’enquêter sur les attaques terroristes du 11 septembre 2001 contre Washington et New York doit rendre son rapport définitif fin juillet. Mais une évaluation intermédiaire, rendue publique il y a quelques semaines, a été déjà très critique sur le travail de l’Agence avant les attentats. La seconde commission a pour mission de déterminer les raisons qui ont conduit au fiasco des armes de destruction massive irakiennes dont la supposée existence a justifié la guerre contre le régime de Saddam Hussein. Si son rapport ne doit pas être présenté avant mars 2005, le New York Time croit savoir qu’un document confidentiel de 400 pages sur ce dossier, impitoyable pour la CIA, va bientôt être rendu public. Selon le quotidien, qui estime que ce document pourrait avoir précipité le départ de George Tenet, le rapport est «un compte-rendu détaillé des erreurs et des mauvaises appréciations de l’Agence» concernant le présumé arsenal de Saddam Hussein où «il est fait notamment état d’une collection inadéquate d’informations, faites par des espions ou par satellite, d’analyses bâclées, souvent fondées sur des sources non corroborées».

Devançant un nouveau scandale, l’administration Bush aurait donc préféré contrer les critiques en se séparant du patron de la CIA. Mais si dans les rangs de la majorité républicaine, ce départ a été jugé «opportun» pour mettre en oeuvre les réformes structurelles nécessaires de la communauté du renseignement, les démocrates, eux, n’ont pas ménagé leurs critiques. La sénatrice Dianne Feinstein a ainsi jugé qu'il était «très inhabituel de voir le directeur de la CIA démissionner à quelques mois de la présidentielle et en plein milieu d'une alerte à une possible attaque terroriste majeure». Plus menaçant, son collègue Carl Levin a rappelé que la démission de George Tenet «ne devait pas distraire ou empêcher le Congrès de poursuivre son enquête pour faire la lumière sur cette gigantesque défaillance du renseignement en Irak». Selon lui en effet, «le mauvais usage et l'exagération du renseignement en Irak remontent bien au-delà de la CIA, jusqu'au plus haut niveau de l'Etat». Autant dire que la Maison Blanche a encore du souci à se faire.

par Mounia  Daoudi

Article publié le 04/06/2004 Dernière mise à jour le 04/06/2004 à 16:42 TU