Etats-Unis-Irak
Allaoui vole au secours de Bush
(Photo : AFP)
Si quelqu’un avait par mégarde oublié que le Premier ministre irakien, un ancien proche collaborateur de la CIA, avait été installé à la tête de l’Irak par l’administration Bush, son discours devant le Congrès américain est venu rafraîchir les mémoires défaillantes. Iyad Allaoui a confirmé en tout point, allant jusqu’à reprendre des expressions utilisées par George Bush lui-même, la version officielle de la Maison Blanche qui depuis des semaines affiche un optimisme sans faille quant à l’avenir de l’Irak. «Je vous apporte trois importants messages, a déclaré en substance le nouvel homme fort de Bagdad devant un auditoire qui l’a acclamé debout à plusieurs reprises. Nous sommes en train de réussir. Mon peuple vous remercie pour votre rôle dirigeant et votre sacrifice. Et nous nous portons mieux, vous vous portez mieux, le monde se porte mieux sans Saddam Hussein». Au moment où l’administration Bush est attaqué de toutes parts –plusieurs élus républicains ont récemment mis en doute l’efficacité de la politique actuellement menée en Irak– le soutien d’un homme présenté comme connaissant mieux que personne le terrain était plus que bienvenu.
Reprenant l’argumentaire de la guerre contre la terreur développé par la Maison Blanche, Iyad Allaoui a ainsi défendu la présence en Irak des troupes américaines. «C’est une guerre mondiale entre les terroristes et ceux qui veulent vivre libres et en paix», a-t-il insisté. «Nous faisons face à la fois à une insurrection et à la guerre mondiale contre le terrorisme, leurs forces destructrices se recoupant parfois», a également expliqué le Premier ministre minimisant toutefois l’importance de la rébellion en Irak qu’il a réduite à «une toute petite minorité» composée «d’anciens fantassins de Saddam, de fanatiques ayant une vision pervertie de l’islam et de terroristes venus de l’étranger». Et preuve que la situation ne va pas si mal que ça, le chef de l’exécutif irakien a confirmé le calendrier électoral qui prévoit l’organisation de législatives en janvier prochain. «Quinze des dix-huit districts électoraux pourraient les organiser demain même si ce n’est pas ce que l’on voit sur vos médias», a lancé Iyad Allaoui s’en prenant une nouvelle fois à la presse internationale à qui il reproche de ne s’intéresser qu’à la violence et d’ignorer les progrès accomplis. «Falloujah n’est pas tout l’Irak», a-t-il insisté.
Kerry contre-attaqueCet optimisme sans faille a cependant été relativisé, sur le court terme du moins, par le président George Bush qui a admis que la violence pourrait augmenter dans les prochains mois. «Les suppôts de l’ancien régime et les groupes terroristes veulent empêcher les élections irakiennes et démoraliser les alliés de l’Irak. Pour cette raison, le Premier ministre Allaoui et moi-même estimons que la violence pourrait augmenter alors que se rapprochent les élections de janvier», a justifié le candidat républicain assurant du même coup ses arrières face à une probable dégradation de la situation sur le terrain. Un argumentaire qu’Iyad Allaoui a également longuement développé dans une interview au New York Times. N’ayant visiblement pas peur de la contradiction, le Premier ministre irakien a ainsi expliqué que l’augmentation des attaques terroristes en Irak traduisait la faiblesse croissante des insurgés et non leur renforcement. «Ces attaques deviennent de plus en plus meurtrières parce que nous pensons que les terroristes sont de plus en plus aux abois», a-t-il affirmé. Selon lui, ces derniers «sont sur la défensive parce que les capacités de sécurité de l’Irak s’améliorent».
Cette présentation quasi-idyllique de la scène irakienne n’a pas été du goût du candidat démocrate. Et si la vision d’un Congrès uni debout acclamant le Premier ministre irakien a été un moment difficile pour John Kerry, ce dernier ne s’est pas démonté pour autant, lançant sa contre-attaque moins d’une heure après le discours d’Iyad Allaoui. «Le Premier ministre et le président Bush sont manifestement ici pour présenter la politique irakienne sous son meilleur jour», a-t-il ironisé ajoutant que «les rapports de la CIA, les informations des médias, les opérations sur le terrain et les récits des soldats» sont autant de faits qui contredisent ces affirmations. Le candidat démocrate a également accusé le chef du gouvernement irakien de se contredire, rappelant qu’il y a quelques jours encore Iyad Allaoui affirmait que «les terroristes affluaient en masse en Irak».
Donnant sa propre interprétation de la situation sur le terrain, John Kerry a par ailleurs estimé que les choses étaient loin de s’arranger et qu’il était plus qu’urgent de «changer de cap» pour protéger les troupes américaines et pour gagner. «L’Irak est devenu un aimant pour les terroristes», a-t-il insisté s’appuyant sur un récent rapport de la CIA, qui évoque pour la première fois le scénario d’une guerre civile, et sur un document rédigé par l’ancien numéro 2 de l’Autorité provisoire de la coalition qui assure que les Etats-Unis «sont en train de perdre la paix» en Irak. «Le désordre règne dans cette administration», a en outre martelé John Kerry. «Le secrétaire à la Défense dit quelque chose avant d'être corrigé. Le président dit quelque chose qui est contredit par le Premier ministre (irakien). Le secrétaire d'Etat dit quelque chose et il est contredit par le président», a-t-il raillé avant de conclure que «l'Amérique avait besoin de dirigeants qui lui disent la vérité».
par Mounia Daoudi
Article publié le 24/09/2004 Dernière mise à jour le 24/09/2004 à 15:06 TU