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Grippe aviaire

Tamiflu : l’histoire d’un succès inespéré

Préparation de l'antiviral Tamiflu dans les laboratoires Roche de Bâle en Suisse.(Photo: AFP)
Préparation de l'antiviral Tamiflu dans les laboratoires Roche de Bâle en Suisse.
(Photo: AFP)
C’est un médicament qui végétait sur les rayons des pharmacies jusqu’à ce qu’une maladie qui touche les oiseaux, la grippe aviaire, ne le transforme en véritable saga à succès économique. Le Tamiflu est ainsi devenu en quelques mois une mine d’or pour les laboratoires Roche qui le produisent. Pourtant, cette réussite fulgurante pourrait bien être quelque peu entravée après le décès suspect de 12 enfants âgés de 1 à 16 ans et traités par l’anti-grippe Tamiflu, au Japon. Selon un rapport de l’Agence fédérale américaine, la FDA, quatre de ces décès sont des cas de mort subite.

L’autorité sanitaire américaine, la FDA, vient d’annoncer le lancement d’une enquête sur le Tamiflu suite au décès de 12 enfants japonais qui ont été traités pour une grippe avec ce médicament. La FDA souhaite établir ou écarter un éventuel lien entre ces décès et la prise du médicament. Compte tenu des informations qu’elle détient, l’Agence américaine reconnaît que déterminer la contribution du Tamiflu à ces décès sera difficile. Pour sa part, l’Agence européenne du médicament (EMEA) a également averti qu’elle surveillait les éventuels effets secondaires psychiatriques du médicament. Quelque 32 cas de troubles psychiatriques, dont 2 à l’origine de suicides d’adolescents, ont été en effet rapportés. Les marchés financiers n’ont cependant pas attendu les résultats de ces enquêtes. Dès leur annonce, le titre du groupe pharmaceutique Roche a décroché de 2,81% après avoir toutefois grimpé de 60% ces six derniers mois.

Le Tamiflu est un antiviral considéré par les spécialistes de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), comme étant le seul traitement efficace contre la grippe avec le Relanza, qui lui, moins pratique, s’administre sous forme de spray nasal. La molécule de ces antiviraux, l’oseltamivir, est d’une efficacité pourtant bien relative. Le médicament doit être en effet administré au plus tard 48 heures après la survenue des premiers symptômes, dont la sévérité est ainsi diminuée de 38%. Il raccourcit de 37 % la durée de l’infection mais surtout, il prévient 67% des complications habituelles de la grippe chez les sujets en bonne santé. Bon an mal an, la grippe classique touche de 3 à 5 millions de personnes et en tue de 250 000 à 500 000.

On produit du Tamiflu 24 heures sur 24

Autorisé en 1999 dans près de 70 pays, le Tamiflu a été prescrit depuis à 33 millions de personnes dans le monde, dont ces dernières années, 11,6 millions d’enfants au Japon, qui en est le principal utilisateur. Les choses en seraient restées à ce niveau modeste si en 2003, n’était apparu le nouveau virus de la grippe aviaire, le H5N1. Les foyers de l’épizootie qui touche surtout les poulets, se multiplient notamment en Asie. La grippe du poulet peut se transmettre à l’homme dans les conditions de proximité qu’on rencontre par exemple dans un élevage. A ce jour, le virus H5N1 a provoqué le décès d’une soixantaine de personnes en Asie, dont les deux tiers au Vietnam.

Quand l’OMS met en garde contre le probabilité croissante d’une humanisation du virus, le rendant ainsi transmissible d’homme à homme, les laboratoires Roche ne ratent pas l’occasion de promouvoir leur Tamiflu. L’Organisation encourage alors les Etats à mettre sur pied un plan grippe arguant qu’il ne s’agit plus de savoir si la pandémie aura lieu, mais quand elle aura lieu. C’est à qui aura son Tamiflu car c’est certain, il n’y en aura pas pour tout le monde. Une cinquantaine de pays constituent depuis un an des réserves justifiant que les 13 usines Roche tournent actuellement à plein rendement 24 heures sur 24.

En 2004, Roche a produit 27 millions de traitements. Cette année, elle en aura produit 55 millions, avec la perspective d’atteindre 115 millions en 2006, puis 300 millions en 2007. Cette pharamineuse réussite était d’autant plus improbable qu’elle repose sur une maladie qui n’existe pas encore puisqu’à date, aucune contamination inter-humaine n’est encore avérée. Pour ce qui concerne les personnes qui ont été contaminées par des volailles malades, le traitement par le Tamiflu n’a pas permis d’éviter le décès de la majorité d’entre elles. Selon le laboratoire Roche, c’est parce que le Tamiflu leur aurait été administré trop tardivement. Toujours est-il que la question de l’efficacité de cet anti-viral taraude bien des responsables sanitaires. En attendant un vaccin spécifique et faute d’alternative, la constitution de stocks de Tamiflu et de Relanza est le plus souvent considérée comme une mesure de prévention peut-être insuffisante mais indispensable.

par Claire  Arsenault

Article publié le 18/11/2005 Dernière mise à jour le 18/11/2005 à 19:20 TU