France
Taxe sur les billets d’avion : Paris cherche des soutiens
(Photo : AFP)
La générosité ne fait pas encore recette. L’idée lancée par le président français de mettre en place une taxe de solidarité sur les billets d’avion n’a pas provoqué un grand élan d’enthousiasme dans la communauté internationale. A l’heure d’aujourd’hui, seuls quatre Etats ont déclaré être prêts à suivre cette initiative destinée à lever des fonds pour l’aide aux pays pauvres. Il s’agit du Chili, du Brésil, de la Grande-Bretagne et de l’Allemagne. Et encore, pour ce qui concerne les deux voisins européens de la France, l’engagement n’est pas aussi direct que celui qui est envisagé par Paris. En Grande-Bretagne, le gouvernement pense réaffecter les recettes de taxes existantes mais pas en créer une nouvelle. Quant à l’Allemagne, plutôt intéressée au départ, elle n’est pas décidée à franchir le cap et attend de voir ce qui va se passer.
La tiédeur des réactions de ses homologues -voire l’opposition énergique de certains d’entre eux comme George W. Bush- n’a pas empêché Jacques Chirac de poursuivre son idée depuis le sommet du G8 de Gleneagles. A l’issue du conseil des ministres au cours duquel la taxe sur les billets d’avion a été approuvée¸ le porte-parole du gouvernement a annoncé que l’objectif était de la rendre applicable d’ici le 1er juillet 2006, après son adoption par le Parlement dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2005. Les conditions de mise en oeuvre ont aussi été précisées. La taxe s’appliquera à tous les embarquements ayant lieu en France mais pas aux correspondances. Elle sera de 1 euro pour un vol économique intérieur ou vers un pays européen et de 4 euros pour les mêmes vols vers d’autres destinations. Concernant les billets en classe affaires et première, le montant de la taxe sera multiplié par 10. Paris espère ainsi engranger 200 millions d’euros pour aider notamment la lutte contre le sida.
«Montrer la voie à nos partenaires»
Ce montant est bien loin des besoins, évalués à plusieurs milliards. Mais il s’agit avant tout pour Jacques Chirac d’essayer d’inciter les partenaires internationaux à suivre l’exemple français de manière à mobiliser des ressources plus significatives par la suite. «Ce dispositif-pilote montrera la voie à nos partenaires», a-t-il estimé. Le chef de l’Etat espère d’ailleurs que des vocations se feront jour d’ici février 2006, date à laquelle une grande conférence internationale doit avoir lieu à Paris pour regrouper l’ensemble des quelque 70 Etats ayant manifesté une approbation de principe sur l’initiative française. Jacques Chirac a d’ailleurs appelé son gouvernement à aller au charbon pour «obtenir l’adhésion du plus grand nombre de pays» avant ce grand rendez-vous.
Il est vrai que la France ne peut pas se permettre de rester isolée dans cette affaire. Cela représenterait tout d’abord un camouflet diplomatique. Mais surtout, cela rendrait l’application de la taxe particulièrement difficile à faire passer en France, notamment auprès des professionnels des transports aériens et du tourisme. D’ores et déjà, ils sont montés au créneau pour dénoncer cette mesure en mettant en avant le danger qu’elle représente sur le plan économique et social. Lionel Guérin, le président de la Fédération nationale de l’aviation marchande (FNAM), a été particulièrement critique. Il estime que la taxe fait peser le risque d’une «distorsion de concurrence» avec les pays qui ne la mettront pas en œuvre et que cela aggravera encore une situation où «les parts de marché du pavillon français sont en décroissance permanente». Lionel Guérin affirme même que l’augmentation des tarifs des billets d’avion envisagée par la France «fera perdre un million de passagers par an, dont 600 000 sur les vols intérieurs» et que cela provoquera la disparition de «3 000 ou 4 000 emplois». Du côté du tourisme, la réaction est identique. Georges Colson, le président du Syndicat national des agents de voyage (Snav), a déclaré : «C’est généreux mais inopportun. Les français iront grâce à Internet acheter leurs billets d’avion en Allemagne, en Italie ou en Belgique. Il y aura une fuite de clientèle».
Apaiser les craintes
A en croire les professionnels des secteurs concernés, la France pourrait donc se tirer une balle dans le pied en appliquant ce que Christian Blanc, ancien président d’Air France, aujourd’hui député apparenté UDF, appelle «une très mauvaise idée». Une appréciation partagée par Jean-Cyril Spinetta, le pdg du groupe Air France-KLM qui, s’il adhère à «l’objectif de la solidarité Nord-Sud», estime néanmoins que la taxe sur les billets d’avion n’est pas «la bonne approche».
Face à ces critiques virulentes, Jacques Chirac a essayé de calmer les esprits à l’issue du conseil des ministres en assurant que la taxe «a été conçue de façon à n’affecter ni la compétitivité dans les aéroports français, ni l’emploi dans le secteur aéronautique». Reste que malgré ces paroles rassurantes, il ne sera pas facile d’apaiser les craintes des Français dans un contexte social très tendu où le problème de l’emploi est particulièrement sensible. Même si comme l’a rappelé le chef de l’Etat, il s’agit «d’un effort de solidarité international auquel les Français attachent beaucoup d’importance».
par Valérie Gas
Article publié le 23/11/2005 Dernière mise à jour le 23/11/2005 à 17:52 TU