Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Iran

Ministère du pétrole : et de trois !

Les députés conservateurs infligent une troisième gifle au président iranien, Mahmoud Ahmadinejad.(Photo : AFP)
Les députés conservateurs infligent une troisième gifle au président iranien, Mahmoud Ahmadinejad.
(Photo : AFP)
Le parlement iranien, pourtant majoritairement conservateur, a rejeté un troisième candidat au poste stratégique de ministre du Pétrole. C’est un nouvel échec politique du président Mahmoud Ahmadinejad, un peu plus de trois mois après son arrivée au pouvoir.

De notre correspondant à Téhéran

Le candidat pressenti, Mohsen Tassaloti, n'a recueilli que 77 voix sur 257 les exprimées. Il n’occupera donc pas cette position stratégique chez le deuxième producteur de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep). Le choix du ministre du Pétrole est déterminant pour défendre le développement de ce secteur, qui rapporte à l'Iran 80% de ses rentrées en devise, mais aussi son rôle d'acteur de premier plan au sein du cartel pétrolier.

«L'absence de ministre peut avoir des conséquences négatives, mais le prix à payer est moindre que si on a un ministre qui n'a pas les qualités requises», a déclaré le député conservateur Mohammad Khoshchehreh, qui est l’un des principaux économistes du Parlement. Les députés avaient déjà par deux fois rejeté les candidats du président. En août dernier, ils avaient refusé leur confiance à Ali Saïdlou, un proche de Mahmoud Ahmadinejad qui a finalement été nommé au poste de vice-président pour les Affaires exécutives. Ensuite, ils avaient contraint le président à retirer son second candidat, Sadegh Mahsouli.

Dans des attaques virulentes, plusieurs députés conservateurs n’ont pas hésité à qualifier Mohsen Tassaloti de « gestionnaire de quatrième catégorie ». Selon un autre député, le conservateur Satar Hedayat-Khah, «le ministre pressenti n'a pas une bonne connaissance du secteur pétrolier et des défis auxquels est confrontée cette industrie.»

Le président et son entourage sont décidés à ne pas céder

«Chaque candidat présenté par M. Ahmadinejad a été plus faible que le précédent. Ce processus inversé montre que M. Ahmadinejad veut choisir ses collaborateurs parmi les gens qu'il connaît personnellement et n'utilise pas les ressources du pays en matière de gestionnaires, a déclaré Mahmoud Mohammadi, un conservateur modéré. La majorité des députés estiment qu'après près de 30 ans de révolution et de régime islamique, le pays possède des cadres plus capables pour occuper ce poste», ajoute-t-il.

«Après 27 ans de révolution, ce pays n'est pas en manque de personnalités et il y a de nombreux responsables compétents pour occuper le poste du pétrole», a ajouté la députée conservatrice Maryam Behrouzi, citée par l'agence estudiantine Isna. «Ce vote montre l'incapacité du président Ahmadinejad à choisir ses collaborateurs et à s'entendre avec un Parlement qui lui est majoritairement proche», a surenchéri le député réformateur, Esmaïl Gherami Moghadam.

Ce troisième rejet affaiblit politiquement le président Ahamadinejad. Ce sont les députés conservateurs qui ont mené la fronde. Mais il a aussi des conséquences dans le secteur pétrolier. «Au sein de l'Opep, notre place légitime a été affaiblie, et les parties étrangères impliquées dans nos projets expriment des inquiétudes», a déclaré Kazem Jalali, porte-parole de la commission des Affaires étrangères du Parlement.

Selon des spécialistes, plusieurs contrats importants ont été retardés depuis près d’un an à cause de la campagne présidentielle, puis à cause de l’incapacité du président élu à choisir son ministre.

«L'année est déjà perdue et on va peut-être même avoir un retard d'un an et demi dans le développement des projets. L'objectif d'augmenter la production à 5 millions de barils d'ici quatre ou cinq ans sera difficile à atteindre», a estimé un expert occidental basé à Téhéran.  L'Iran produit actuellement environ 4,2 millions de barils par jour. Ce qui représente 5,2% de la production mondiale alors que les réserves iraniennes sont évaluées à environ 12% des réserves dans le monde. L'objectif est d'atteindre les 7% à moyen terme. «Si l'Iran veut avoir une voix plus forte à l'Opep, il faut rapidement atteindre ce niveau et pour cela il faut un ministre fort ; dans le cas contraire, on va piétiner», dit le même expert.

Mais visiblement, le président et son entourage sont décidés à ne pas céder face aux demandes des députés. « Consulter le parlement avant le vote n'est ni dans l'intérêt du peuple, ni dans celui du gouvernement », a déclaré Gholamhossein Elham, porte-parole du Conseil des Gardiens de la révolution, rejetant la demande des parlementaires.


par Siavosh  Ghazi

Article publié le 23/11/2005 Dernière mise à jour le 23/11/2005 à 17:44 TU