Algérie
Bouteflika malade, les Algériens dans l’expectative
(Photo: AFP)
De notre correspondant en Algérie
Le journal télévisé de 20h00, qui diffuse essentiellement des informations officielles, n’a probablement jamais eu autant d’audience que ces jours-ci. On y attend des nouvelles du chef de l’Etat. Mais rien de substantiel ne filtre. Dans la rue, les rumeurs vont bon train. «Il a une tumeur au niveau de l’appareil digestif». «Il a un problème au niveau du rein». On savait, depuis son accession à la présidence de la République en 1999, qu’Abdelaziz Bouteflika était sous dialyse rénale. Accompagné de son frère médecin, membre de son staff, le président, tout en exerçant le pouvoir, «effectuait périodiquement ses contrôles médicaux en Suisse, sans que cela n’ait jamais été rendu public», affirment sous le sceau de l’anonymat de hauts fonctionnaires de la présidence de la République.
La discrétion n’a pu être observée cette fois-ci en raison, très vraisemblablement, de la relative gravité de son état de santé. Et ce sont vraisemblablement les risques de complications qui ont motivé la décision de son évacuation à l’étranger, indique un chirurgien des hôpitaux publics, sans autre précision. Officiellement, c’est à la «suite des troubles au niveau de l’appareil digestif» et «sur indication des médecins» que le chef de l’Etat algérien avait été transporté à Paris «pour subir un bilan médical approfondi». Un communiqué précisait également que «la situation clinique du président de la République n’est pas source d’inquiétude». Depuis la diffusion de ces informations officielles, les autorités se sont abstenues d’en dire plus. Un bulletin médical devrait être diffusé incessamment.
Majorité et opposition gardent le silence
Le silence des autorités sur la nature de la maladie d’Abdelaziz Bouteflika commence à intriguer les Algériens. Les membres de l’Alliance présidentielle (les trois partis FLN – RND – MSP), bien qu’ils soient aussi sous-informés que la population, ne montrent pas de signes d’inquiétude. Les partis de l’opposition, minoritaires, ont observé jusque là une retenue totale. Mais, dans leurs milieux, on se demande qui décide en l’absence du président. Les devants de la scène sont occupés par le chef du gouvernement Ahmed Ouyahia, tandis que le président du Conseil de la Nation (sénat), Abdelkader Bensalah, constitutionnellement deuxième personnage de l’Etat, est effacé. C’est lui qui, en cas d’empêchement du Président de la République, prend provisoirement les rênes du pays.
Personne n’évoque, pour l’instant, ce scénario. Il pourrait être d’actualité si le Président est atteint d’une «maladie grave et durable» le plaçant «dans l’impossibilité totale d’exercer ses fonctions», cas de figure prévu par la Constitution. Pour l’instant, c’est son retour qui est attendu. Selon, la publication du FLN el-Ahrar, il quitterait l’hôpital du Val-de-Grâce pour Alger ce vendredi 2 décembre. La coïncidence de son séjour médical à Paris, avec le rejet de la révision de la loi française du 23 février 2005, a heurté de nombreux Algériens. Traduisant cet état d’esprit populaire, le billettiste d’el-Watan Chawki Amari écrit: «Abdelaziz Bouteflika doit certainement avoir la télévision dans sa chambre et a dû suivre, tristement, la session de l’Assemblée nationale française. Politiquement, il a tout intérêt à rentrer très vite au pays; même si, médicalement, le risque est gros».
par Belkacem Kolli
Article publié le 02/12/2005 Dernière mise à jour le 02/12/2005 à 11:57 TU