Médicaments génériques
L’OMC entérine l’exception sanitaire
(Photo: AFP)
Faire durer le provisoire : c’est ce que les pays membres de l’OMC ont décidé à propos des médicaments génériques. A quelques jours de la conférence ministérielle de l’organisation qui doit se réunir à Hong Kong, une entente a été obtenue entre pays du Nord et du Sud sur ce dossier délicat. Après deux ans de négociations et de blocages, ils s’en sont finalement tenus aux termes de l’accord conclu in extremis avant la réunion de Cancun en 2003. Les Etats africains avaient pourtant déposé, en avril 2005, une demande de simplification de la procédure prévue dans ce texte destiné à permettre aux pays sans industrie pharmaceutique d’importer, grâce à des «licences obligatoires», des médicaments génériques d’Inde ou du Brésil, afin de faire face à une urgence sanitaire (Sida, paludisme…). Et donc de ne pas respecter la réglementation sur les brevets. Ils n’ont pas obtenu gain de cause. L’Union européenne ayant refusé la modification du système en novembre.
L’avancée se situe donc dans le fait que le texte, conçu au départ comme un compromis d’attente, va être définitivement adopté par l’ensemble des pays de l’OMC et entrera en vigueur d’ici le 1er décembre 2007, après ratification par au moins les deux tiers des 148 Etats de l’organisation. Elle ne consiste pas en une amélioration du système défini en 2003. C’est ce qui fait dire aux associations comme Act Up que cet accord est «impraticable», car la démarche administrative pour obtenir le droit d’importer est beaucoup trop lourde et compliquée.
Une procédure complexe
Au-delà de la complexité des formulaires à déposer auprès de l’OMC pour demander l’octroi d’une licence obligatoire et des obstacles juridiques, la mise en place des importations parallèles nécessite, par exemple, de changer les emballages des médicaments à chaque nouvelle commande. Ce qui demande une organisation et des moyens dont les pays concernés ne disposent pas. Act Up ou Médecins sans frontières, qui avaient insisté dès l’origine sur le caractère trop contraignant de la procédure d’octroi des licences obligatoires, ont donc réaffirmé que ce système ne permettrait pas de régler les problèmes d’accès aux traitements à bas prix. Act Up en veut pour preuve que depuis 2003, aucun Etat n’a utilisé cette procédure pour s’approvisionner malgré la progression de l’épidémie de sida et le nombre croissant de malades.
Les conditions à remplir pour obtenir le droit d’importer des traitements à bas prix ont été définies de manière à protéger aussi les intérêts des laboratoires. Ceux-ci craignent, en effet, que les médicaments génériques envoyés dans les pays d’Afrique ou d’Asie qui en ont besoin, soient illégalement réexportés vers les marchés des pays industrialisés, où les molécules sous brevet sont vendues au prix fort. Les firmes pharmaceutiques font, en effet, valoir que ce sont les revenus des brevets qui leur permettent de dégager les bénéfices nécessaires pour financer leurs efforts de recherche et donc la mise au point de nouvelles molécules contre le sida ou d’autres maladies. Elles affirment donc vouloir se protéger contre des trafics qui compromettraient leur capacité à investir dans la recherche. C’est en vertu de cet argument que les Etats-Unis et l’Europe ont tenu à ce que les conditions définies en 2003 pour obtenir le droit d’importer des génériques ne soient pas modifiées, de manière à garantir à la fois le principe du droit au traitement pour tous et les intérêts financiers des détenteurs de brevets.
Satisfaction des Etats-Unis et de la France
Si les organisations humanitaires ont fait part de leurs réserves face au véritable impact de la pérennisation de l’accord sur les médicaments génériques, les émissaires des pays industrialisés s’en sont en revanche félicités. Le représentant américain pour le Commerce, Rob Portman, a parlé de «décision historique». Et la Française Christine Lagarde, ministre déléguée au Commerce extérieur, a vu dans cette annonce «un excellent signal à la veille de la conférence de Hong Kong», ajoutant que «l’accès aux médicaments répond à une urgence sanitaire que la France a maintes fois rappelée». Le directeur de l’OMC, le Français Pascal Lamy, a quant à lui a salué la volonté des Etats de «faire en sorte que le système commercial de l’OMC contribue à des objectifs humanitaires et de développement».
par Valérie Gas
Article publié le 07/12/2005 Dernière mise à jour le 09/12/2005 à 10:16 TU