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Commerce mondial

OMC : accord de dernière minute sur les génériques

Après plusieurs jours d’intenses tractations, les membres de l’Organisation mondiale du commerce ont finalement réussi à ratifier l’accord sur les médicaments génériques finalisé par quatre pays du Sud et les Etats-Unis en début de semaine. A quelques jours de la conférence ministérielle de l’OMC à Cancun, il s’agissait de la dernière chance de débloquer un dossier délicat.
On n’y croyait plus. Après l’annonce jeudi de la persistance de divergences entre les membres de l’OMC, la dernière chance de conclure enfin les négociations sur la commercialisation des médicaments génériques et la question des droits de propriété intellectuelle bloquées depuis deux ans, semblait s’être évanouie. Mais finalement le conseil général de l’organisation a ratifié in extremis, samedi, le texte proposé. Pour Supachai Panitchpakdi, le directeur général de l’OMC, il s’agit «d’un accord historique» qui indique que l’organisation «peut traiter des questions humanitaires aussi bien que des questions commerciales».

Dans cette négociation, l’enjeu était en effet de trouver un moyen de permettre aux pays en développement touchés notamment par de grandes épidémies comme celle du sida, de se procurer à bas prix des traitements, existants mais protégés dans bien des cas par des brevets détenus par les laboratoires. Il s’agissait donc de concilier les intérêts des firmes pharmaceutiques avec une urgence sanitaire et humanitaire, puisque sur le seul continent africain, on dénombre 30 millions de malades du sida.

L’accord entériné samedi au siège de l’OMC à Genève est donc censé aller dans ce sens. Il devrait prendre la forme d’un communiqué qui accompagnera un texte déjà approuvé par tous les Etats, à l’exception des Etats-Unis, en décembre 2002, et qui vise à permettre aux pays du Sud qui ne disposent pas d’industrie pharmaceutique d’importer des médicaments génériques pour soigner notamment leurs malades du sida, de la tuberculose ou du paludisme.

Entre satisfaction et scepticisme

Les laboratoires, soutenus dans cette négociation par un allié de poids en l’occurrence les Etats-Unis, défendaient le point de vue selon lequel une exemption sans condition de droits sur les brevets risquait d’avoir pour conséquence de permettre aux producteurs de génériques d’empiéter sur leurs marchés, au Nord notamment, et ainsi de les priver des ressources nécessaires pour financer la recherche/développement. Ils ont été rassurés par la «déclaration de confort» obtenue par les Etats-Unis qui demande aux pays désireux d’importer des génériques de le «faire de bonne foi», c’est à dire en prouvant qu’ils n’ont pas la capacité de les fabriquer et en s’engageant à éviter leur réexportation illégale.

Si les tractations ont duré aussi longtemps c’est parce que les termes employés dans la déclaration laissait une part à l’interprétation. Et que du point de vue de certains pays les conditions de «bonne foi» et de «réponse à un problème de santé grave» ne devaient pas forcément signifier un engagement à ne poursuivre aucun objectif industriel ou commercial. Et c’est cette version suggérée par les Philippines qui semble avoir bloqué les négociations pendant plusieurs jours. Avant que, comme l’a indiqué Supachai Panitchpakdi, «la dernière pièce du puzzle» ne tombe «au bon endroit, permettant aux pays pauvres d’utiliser pleinement les souplesses de la réglementation de l’OMC en matière de propriété intellectuelle afin de traiter les maladies qui ravagent leurs populations».

L’entente obtenue finalement sur la question des génériques a provoqué globalement des réactions de satisfaction. Pour Amina Mohamed, représentante du Kenya à l’OMC : «C’est une bonne nouvelle, surtout pour les peuples africains qui ont désespérément besoin d’un accès à des médicaments abordables». Le représentant américain au Commerce Robert Zoellick a quant à lui parlé d’un «grand pas en avant qui ôte une barrière majeure au succès de la réunion ministérielle de Cancun et des négociations du cycle de Doha dans leur ensemble». Même son de cloche du côté de l’Union européenne. Pascal Lamy, le commissaire européen au Commerce extérieur, a estimé qu’«à moins de deux semaines de Cancun, cela démontre de façon cruciale que l’agenda sur le développement de Doha est davantage que de simples mots».

Il semble en effet que la proximité de la réunion de Cancun, avec les risques inhérents à un blocage sur la question des génériques concernant les autres parties de la négociation sur le commerce mondial qui doivent être abordé au Mexique, a beaucoup joué pour convaincre les membres les plus sceptiques de la nécessité d’obtenir un compromis. Cela n’a pas empêché certaines voix, surtout dans les associations, de s’élever pour dénoncer les conditions dans lesquelles l’accord a été obtenu et affirmer que les contraintes mises en place risquent de le rendre très difficile à appliquer. Beryl Leache de la Coalition kenyane pour l’accès aux médicaments génériques, a estimé que le texte est «impossible à mettre en pratique», qu’il «ne permet pas de résoudre les problèmes posés» parce qu’il «va rendre à jamais difficile la promotion par les pays en développement de leur propre industrie pharmaceutique et la fabrication des médicaments génériques».

A écouter également :

Alfidja Cissé de Pharmaciens sans frontières
au micro de Pascale Lavergne. 31/08/2003, 1'

Claire de Oliveira, corresondante de RFI au Brésil
31/08/2003, 52"



par Valérie  Gas

Article publié le 31/08/2003 Dernière mise à jour le 09/07/2004 à 15:05 TU