Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Commerce mondial

OMC : échec de la tentative de compromis sur les génériques

Malgré le compromis trouvé entre les Etats-Unis et quatre Etats du Sud (Brésil, Inde, Afrique du Sud, Kenya) sur la question de l’accès des pays pauvres aux médicaments génériques, le conseil général de l’Organisation mondiale du Commerce n’a pas entériné le texte jeudi soir. A quelques jours de l’ouverture de la conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du Commerce à Cancun (10-14 septembre), l’espoir de régler l’un des dossiers les plus épineux de la négociation sur le commerce mondial a été déçu.
Le Brésil, l’Inde, l’Afrique du Sud et le Kenya qui étaient chargés de faire avancer la négociation sur les médicaments génériques à l’OMC, ont finalement trouvé un compromis avec les Etats-Unis. Un projet de texte rédigé par le président du comité Adpic (Accord sur les droits de la propriété intellectuelle), le Singapourien Vanu Gopala Menon, a donc été proposé à l’approbation des 146 membres de l’organisation. Sans succès.

Les Etats-Unis ont accepté de négocier sur la base des propositions du document qu’ils avaient rejeté en décembre dernier. Malgré tout, ils ont obtenu un certain nombre d’aménagements et de conditions qui devraient rassurer les firmes pharmaceutiques détentrices des brevets sur les médicaments. Le principe selon lequel les pays du Sud qui n’ont pas la capacité de fabriquer eux-mêmes des médicaments génériques (copies des spécialités sous brevet vendues à bas prix) auront désormais le droit de les importer, a été confirmé. Il devrait pouvoir être cette fois-ci suivi d’effet puisque les pays producteurs de génériques, qui jusqu’ici n’étaient pas autorisés à exporter leurs molécules vers les pays du Sud qui en avaient besoin, le seront désormais. Mais en échange de cette exemption de paiement des droits sur les brevets, les pays doivent faire une déclaration selon laquelle ils utilisent ce mécanisme «de bonne foi» et seulement pour «répondre à des problèmes de santé graves», en clair en cas d’urgence sanitaire. D’autre part, les pays importateurs mais aussi exportateurs se trouvent dans l’obligation d’adopter une «licence obligatoire» et surtout, ils doivent s’engager à empêcher toute «réexportation» vers d’autres pays en développement ou développés.

Eviter les «abus»

De cette manière, le risque de voir les pays producteurs de génériques comme le Brésil ou l’Inde utiliser de tels mécanismes d’exemption des droits sur les brevets pour investir de nouveaux marchés en fabriquant des copies de médicaments dits «de confort» devrait être limité, sans que la liste des maladies concernées par ces mesures n’ait été officiellement restreinte au sida, au paludisme et à la tuberculose, comme l’avaient souhaité les Etats-Unis jusque-là. Tout comme celui de voir les génériques, contre le sida par exemple, destinés aux pays du Sud arriver finalement en contrebande dans les pays du Nord où les laboratoires réalisent l’essentiel de leurs profits (par exemple, en utilisant un conditionnement ou un étiquetage spécifique).

Du point de vue des organisations non gouvernementales (ONG) qui plaident depuis le début de ces négociations pour que les pays du Sud puissent bénéficier d’un accès sans restriction aux médicaments génériques, le compromis proposé est trompeur. Et la déclaration censée protéger des «abus» imposée aux Etats instaure dans les faits de nombreux obstacles à la diffusion des génériques à ceux qui en ont besoin. Pour Céline Charveriat d’Oxfam, il s’agit «d’un simulacre d’accord présenté comme un acquis merveilleux pour les pays en développement». Les ONG estiment que les concessions acceptées par les Etats-Unis masquent en fait un effort constant pour limiter au maximum les possibilités de recours aux génériques.

Malgré tout, le dossier des médicaments sur lequel les pays du Sud ont résisté de longs mois n’est qu’une des questions au programme de la conférence de Cancun. Et il semble que certains pays membres auraient souhaité trouver un accord sur ce point pour ne pas compromettre l’ensemble de la négociation sur le commerce mondial. L’ambassadrice du Kenya à l’OMC, Amina Chawahir Mohamed, a ainsi estimé : «Il faut que nous ayons réglé ce dossier, de telle sorte que nous puissions nous concentrer à Cancun sur d’autres sujets importants». Mais les différences «d'interprétation» entre les pays du Nord et certains pays du Sud (notamment les Philippines) ont fait échoué cette tentative de compromis. Il faudra donc attendre le rendez-vous de Cancun pour essayer de débloquer la situation.



par Valérie  Gas

Article publié le 29/08/2003