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Commerce mondial

Etats-Unis et Europe s’accordent sur l’agriculture avant Cancun

Les Etats-Unis et l’Union européenne sont parvenus à une proposition commune sur la libéralisation de l’agriculture, afin d’éviter un échec au sommet de l’OMC, en septembre à Cancun. Ce geste euro-américain de relance du dialogue ne fait pas l’unanimité parmi les autres membres de l’OMC, pays gros exportateurs ou pays en développement.
Le blocage des négociations sur la libéralisation du commerce mondial agricole ont quelque peu relégué au second plan les autres dossiers à l’ordre du jour du sommet de l’Organisation mondiale du commerce, du 10 au 14 septembre à Cancun (Mexique) : services et produits industriels. L’enlisement des discussions, à un mois de l’ouverture de la rencontre, risquait même de mettre le sommet en péril. Afin d’éviter un échec, du genre de celui du sommet de Seattle en 1999, les réunions de conciliation se sont poursuivies. Une première étape a été franchie quand, fin juillet, l'Union européenne et les Etats-Unis ont annoncé, à Montréal, leur volonté d’avancer une proposition commune avant Cancun.

Voilà qui est fait. Union européenne et Etats-Unis ont présenté aux 144 autres membres de l’OMC un document abordant les questions controversées de l’accès des produits agricoles aux marchés, des mesures de soutien internes aux agriculteurs et des subventions à l’exportation. Les deux puissances agricoles sont accusées par les autres pays, dont les pays en développement, de subventionner leur agriculture à hauteur de 300 milliards de dollars par an, empêchant ainsi l’exportation des productions agricoles du Sud. Aucun accord mondial ne peut cependant s’établir contre l’avis de ces deux blocs économiques de premier plan.

La proposition commune prévoit la réduction globale des droits de douane allant jusqu’à leur suppression sur certains produits présentant un intérêt particulier pour les pays en développement. La question des subventions à l’exportation, y compris sous la forme empruntée par les Etats-Unis du financement de programmes d’aide alimentaire, devraient être revues. Enfin, les subventions internes devront être réduites, pour celles qui ont le plus fort impact sur les marchés mondiaux, et davantage contrôlées pour les autres.

Accueil mitigé

C’est un pas dans la direction des revendications des pays pauvres, mais aussi des grands exportateurs agricoles ultra-libéraux réunis au sein du groupe de Cairns qui compte 18 pays dont l’Australie, le Canada, le Brésil. Pour les Etats-Unis comme pour l’Union européenne, cela représente un effort dans la mesure où l’agriculture est un dossier politiquement épineux. L’Union européenne vient à peine, en juin dernier, de parvenir difficilement à un accord sur la réforme de la politique agricole commune (PAC) qu’elle ne souhaite pas voir remis en cause par des engagements internationaux ultérieurs. Pascal Lamy, commissaire européen chargé du commerce et négociateur au nom de la communauté, en est d’ailleurs bien conscient quand il souligne que rien, dans la proposition concoctée avec les Etats-Unis, ne dépasse le mandat de négociation qui lui a été fixé par les Quinze. Il estime également que la proposition commune peut permettre de boucler la moitié de la négociation à Cancun.

Cela sera-t-il pour autant suffisant ? L’accueil réservé à la proposition américano-européenne peut en laisser douter. Les Indiens qui, au précédent sommet de l’OMC à Doha en 2001, ont pris la stature de chef de file des pays en développement, ont fait savoir qu’elle ne prenait pas en compte les intérêts de leurs agriculteurs. Pour les exportateurs libéraux du groupe de Cairns, la proposition ne va pas assez loin. A l’inverse, pour les Japonais, l’exonération des droits de douane ne saurait concerner le riz qu’ils taxent à près de 500% afin de protéger leurs riziculteurs aux coûts très supérieurs aux prix mondiaux.

Le volet agricole de Cancun ne connaîtra le succès que si les autres pays membres de l’OMC trouvent satisfaction de leurs propres intérêts et l’approuvent. De plus, à Doha en 2001, les membres de l’OMC ont adopté un programme de négociation sur la libéralisation des échanges mondiaux qui comporte une vingtaine de thèmes. L’accord final ne pourra intervenir qu’à la conclusion d’un accord sur tous les sujets en discussions. D’où la nécessité impérative d’aboutir sur le dossier agricole. Faute de quoi c’est l’ensemble du «cycle de Doha» qui courrait à l’échec.



par Francine  Quentin

Article publié le 14/08/2003