Changements climatiques
Lutte atone
(Photo : AFP)
Une centaine de ministres de l’Environnement ont fait le déplacement à Montréal sans avoir un mandat fort de leur chef de gouvernement pour faire avancer la lutte contre le réchauffement de la planète. Résultat, la conférence de Montréal a fait du sur place et n’a pris aucune décision nouvelle pour lutter contre les changements climatiques. Seul accord concret : lancer un « dialogue sur des actions de coopération à long terme » pour donner corps à la lutte. Les Etats-Unis et l’Arabie saoudite n’ont pas accepté cet accord informel.
Montréal se présentait pourtant sous les meilleurs auspices : un célèbre Protocole porte déjà le nom de la métropole canadienne, celui qui a programmé la disparition des chlorofluorocarbones. Ces gaz utilisés dans la chaîne du froid abîmaient la couche d’ozone. Leur disparition progressive a été organisée. Ces produits ont été remplacés par d’autres, moins nocifs pour la haute atmosphère.
Evidemment les ambitions de ce Protocole-là étaient moins difficiles à réaliser. Une dizaine de groupes industriels dans le monde fabriquaient les CFC. Les gouvernements ont pu les convaincre assez facilement de changer la nature des fluides de refroidissement utilisés, tout en faisant une campagne auprès du public pour qu’il abandonne les sprays fonctionnant avec des CFC.
Pour les changements climatiques, les enjeux sont plus vastes et plus complexes. Il faut trouver les moyens de remplacer les énergies fossiles, dont les rejets polluent l’atmosphère, par d’autres, innovantes, qu’il faut mettre en œuvre dans les transports, l’habitat et l’industrie.
Les contradictions des négociateurs
Malgré la menace sur les climats, les pays où les lobbies pétroliers sont puissants s’inquiètent d’une possible baisse de cette activité. A Montréal, par exemple, comme dans les précédentes réunions, l’Arabie Saoudite, dont l’économie repose sur le pétrole, s’est retrouvée aux côtés des Etats-Unis pour refuser d’aller de l’avant dans la lutte contre les changements climatiques. Car cette lutte suppose une réduction de l’utilisation du pétrole dans tous les secteurs.
Le retrait américain a le mérite de la franchise («le mode de vie américain n’est pas négociable»), mais la position de l’Arabie saoudite est plus ambiguë. Elle défend sa richesse, mais dans cette négociation, elle est dans le groupe des 77. Un groupe de pays en développement très hétéroclite car il représente les pays les moins avancés, les pays émergents, et d’autres pays pétroliers. Tous savent que laisser les climats changer pénalisera davantage les pays les plus pauvres, les moins armés pour faire face.
La négociation internationale sur le climat fait depuis le début avec ces contradictions et ces rapports de force. Pourtant, la Convention et son instrument, le Protocole de Kyoto, commencent à faire du chemin. C’est à Montréal, à la fin de la conférence, que le Canada, dont les émissions explosent, et le Maroc, qui cherche à se développer, ont annoncé la signature d’un accord de coopération dans le cadre du Protocole.
Agir sans rien signer
Le contenu de l’accord entre les deux pays n’est pas encore connu mais il sera un exemple concret de Mécanisme de développement propre (MDP). Cet outil a été inventé pour faire du développement sans polluer. Un pays du Nord, cette fois, le Canada, et un pays du Sud, ici le Maroc, montent un projet commun. Le pays riche le finance et en retour, bénéficie d’un crédit d’émission de gaz à effet de serre. Des expériences pilotes ont déjà eu lieu en Europe. Une cimenterie a été construite dans un ancien pays de l’Est, financée par un pays d’Europe de l’Ouest. L’idée est toujours la même, faire baisser la quantité de gaz rejetés par un pays industrialisé, avoir un crédit d’émissions.
Autre paradoxe de cette négociation sur les changements climatiques : ce sont les Etats-Unis qui avaient voulu la création de ce mécanisme d’entraide, alors que les Européens étaient plutôt favorables à la mise en œuvre de politiques publiques de réduction des émissions. La création des permis négociables, qui commencent à s’échanger sur le marché du carbone, est aussi une idée américaine. Le système existe depuis longtemps aux Etats-Unis, il a permis de réduire la pollution industrielle en donnant une valeur monétaire à des polluants atmosphériques.
La forêt entrera dans la négociation
La forêt, qui stocke le carbone, n’a pas été prise en compte dans la lutte internationale contre l’effet de serre. Pourtant, lorsque l’option s’est ouverte, les pays industrialisés se sont mis à comptabiliser tout le végétal pouvant être le réceptacle de gaz carbonique, principal accusé du réchauffement. Les scientifiques ont été priés de s’intéresser même aux racines des plantes, et de sortir des statistiques dignes d’apparaître dans les grands rendez-vous internationaux.
L’idée des puits de carbone est également apparue. Des pays comme la Russie, avec la taïga, ou le Brésil, avec l’Amazonie, se sont engouffrés dans cette nouvelle appréciation de leur richesse forestière. Et c’est à Montréal que le Brésil vient d’annoncer une réduction de 30% du défrichage de sa forêt tropicale. Les zones protégées vont désormais atteindre une surface de 9 millions d’hectares.
Le gouvernement brésilien fait d’une pierre deux coups. Car il existe au Brésil des communautés indiennes qui souhaitent toujours vivre selon leur tradition, dans la forêt. Elles verront donc leur milieu de vie préservé. La ministre brésilienne de l’Environnement, Marina Silva, présente à Montréal, a expliqué comment le Brésil fait maintenant la guerre aux coupes illégales de bois, comment l’Amazonie est surveillée à l’aide d’un satellite chinois qui donne des informations en temps réel. La ministre a déclaré : «Nous avons le devoir de lutter contre le déboisement et de préserver la biodiversité. Nous cherchons une forme d’indemnisation ou de crédits sur ce point».
«Nous avons montré clairement que nous étions capables de contribuer à la diminution mondiale des émissions de CO2. Ce que nous demandons maintenant, c’est la mise en place d’un cadre et d’incitations», a expliqué de son côté le ministre brésilien des Affaires étrangères. Luis Alberto Figueiredo Machado espère bien que le stockage de gaz carbonique dans la forêt amazonienne sera quantifié dans les émissions de gaz à effet de serre du Brésil. Comme la Chine et l’Inde, il n’est pas concerné par les engagements contraignants. Brasilia sait cependant que son tour viendra puisque les émissions des pays émergents augmentent désormais plus vite que celles des pays développés. Personne ne signe rien mais tout le monde sait qu’il faut prendre en compte les effets de l’industrialisation sur la santé de la planète.
par Colette Thomas
Article publié le 09/12/2005 Dernière mise à jour le 09/12/2005 à 17:19 TU