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Colonisation

«Ce n’est pas à la loi d’écrire l’Histoire»

«Il faut maintenant que les esprits s'apaisent et que vienne le temps d'une réflexion sereine» a déclaré Jacques Chirac le 9 décembre dernier.(Photo : AFP)
«Il faut maintenant que les esprits s'apaisent et que vienne le temps d'une réflexion sereine» a déclaré Jacques Chirac le 9 décembre dernier.
(Photo : AFP)
Jacques Chirac intervient dans la polémique sur «le rôle positif de la présence française outre mer, notamment en Afrique du Nord», mentionné dans la loi 23 février 2005 et confie au président de l’Assemblée nationale de créer «une mission pluraliste pour évaluer l’action du Parlement dans les domaines de la mémoire et de l’histoire».

Lors d’une intervention radiotélévisée, le 9 décembre, le président de la République, Jacques Chirac a surtout voulu calmer les esprits et éviter, une fois de plus qu’une frange de la société française ne se sente exclue. Echaudé par la fameuse «crise des banlieues», le président de la République a tout de suite pris l’initiative dans une affaire qui passionne intellectuels et politiques et qui mobilise de plus en plus les Français d’outre mer. Ces derniers reprochent à la loi de février 2005 de «mépriser leur histoire» pour ne retenir que des faits flatteurs pour l’ego du Français métropolitain. Il est évident que la philanthropie n’a jamais été la philosophie de la colonisation. Et, pour les Français d’outre mer, inscrire dans une loi de la République «l’enseignement du rôle positif de la colonisation» n’est qu’une première étape vers une relecture de l’Histoire. Un collectif d’enseignants et d’historiens a aussi fait la même analyse et demande au chef de l’Etat d’abroger ladite loi. Dans le même esprit, les partis politiques de gauche ont aussi lancé une pétition sur internet. 

Ne pas opposer les Français entre eux

«Il faut maintenant que les esprits s’apaisent, que vienne le temps d’une réflexion sereine dans le respect des prérogatives du Parlement, dans la fidélité à nos idéaux de justice, de tolérance et de respect, dans un esprit d’unité et de rassemblement», a déclaré Jacques Chirac qui confie déjà à la  mission pluraliste «d’évaluer l’action du Parlement dans les domaines de la mémoire et de l’histoire». La suite de l’intervention du chef de l’Etat souligne bien son état d’esprit et les distances qu’il prend face aux affirmations de loi. «Dans la République, il n’y a pas d’Histoire officielle. Ce n’est pas à la loi d’écrire l’Histoire. L’écriture de l’Histoire, c’est l’affaire des historiens», a insisté Jacques Chirac qui rejoint ainsi son Premier ministre Dominique de Villepin.

Alors que le sujet divisait le gouvernement, l’intervention de Jacques Chirac a stoppé tous les exercices d’explication de texte auxquels se livraient les ministres qui avaient trouvé, encore là, des thèmes pour s’afficher en «pro» ou «anti» Villepin et Sarkozy. Ce dernier, le ministre de l’Intérieur et président de l’UMP, dont les parlementaires ont voté la loi incriminée, a salué l’initiative du président de la République qui ne rejette pas la loi, ce qui aurait «engagé la France dans une repentance généralisée qui n’a pas lieu d’être», a-t-il déclaré. Tous les propos tenus par le ministre de l’Intérieur lors du traitement de la «crise des banlieues» se sont ajoutés à sa prise de position en faveur de cette loi du 23 février 2005, pour susciter colère et indignation dans les départements d’outre mer. Elus et citoyens antillais ont organisé des manifestations pour dénoncer cette loi, baptisée «loi de la honte» et pour refuser de recevoir Nicolas Sarkozy qui devait se rendre en voyage officiel aux Antilles.

L’initiative de Jacques Chirac a effectivement calmé les esprits en se gardant de ne fâcher personne. Pour les défenseurs de cette loi, ils ont la satisfaction de voir qu’elle n’est pas abrogée. Pour les autres, l’initiative du président de la République constitue bel et bien une manière d’enterrer la loi du 23 février 2005, malgré l’échéance de trois mois qu’il a fixée pour recevoir les conclusions de la mission pluraliste. «Un peu plus tôt ou un peu plus tard, l’abrogation est inéluctable», a fait remarquer François Bayrou, président de l’Union pour la démocratie française (UDF).      


par Didier  Samson

Article publié le 11/12/2005 Dernière mise à jour le 11/12/2005 à 16:07 TU