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Colonisation

La loi qui fait débat

La loi qui évoque les «<EM>aspects positifs</EM>» de la colonisation de nouveau à l'Assemblée.(Photo: AFP)
La loi qui évoque les «aspects positifs» de la colonisation de nouveau à l'Assemblée.
(Photo: AFP)
La loi sur les rapatriés qui évoque dans son article 4 les «aspects positifs» de la colonisation sans parler des pages les plus sombres de cette période historique, n’en finit pas d’être critiquée depuis son adoption en février 2005. Dans les ex-colonies, et en Algérie surtout, elle a été très mal ressentie. En France, les partis de gauche, les associations et un certain nombre d’historiens estiment que la formulation de l’article 4 est en contradiction avec la réalité historique. C’est pourquoi le groupe socialiste a décidé de déposer, à l’Assemblée nationale, une proposition de loi visant à abroger cet article. Elle est examinée mardi 29 novembre par les députés.

L’histoire aux historiens. C’est un peu le sens de la démarche du groupe socialiste à l’Assemblée nationale qui a déposé une proposition de loi pour supprimer de la législation sur les rapatriés, adoptée en février 2005, l’article qui indique que «les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, et accordent à l’Histoire et aux sacrifices des combattants de l’armée française issus de ces territoires la place éminente à laquelle ils ont droit». Jean-Marc Ayrault, le président du groupe, est d’ailleurs particulièrement sévère lorsqu’il explique les motivations de cette demande : «L’article que nous voulons abroger est une faute politique et une aberration éducative. Il n’aide pas notre pays à regarder lucidement son histoire. Il réhabilite ‘le bon vieux temps de la Coloniale’ et occulte les violences, les exactions». Et d’ajouter : «Il n’appartient pas au législateur d’écrire l’histoire».

Au départ, la formulation de l’article était plus nuancée. Elle ne faisait pas mention «du rôle positif» de la France mais demandait simplement que les programmes scolaires «accordent à l’histoire de la présence française outre-mer, en Afrique du Nord notamment, la place qu’elle mérite». Le dépôt d’un nouvel amendement a finalement modifié les termes du texte suscitant la naissance d’une véritable polémique.

Pouvoir et histoire

Le débat se situe à, au moins, deux niveaux. Tout d’abord, il pose la question de l’influence du pouvoir politique sur l’élaboration des programmes scolaires, voire sur le travail pédagogique des enseignants. Et sur ce point, ces derniers ont fait part de leur indignation. Ils ont même lancé une pétition contre la loi qui ne retient que le côté «positif» de la colonisation et impose une histoire «officielle». Tant et si bien que le ministre de l’Education nationale, Gilles de Robien, a fait une mise au point destinée à les rassurer. Il a déclaré notamment que «l’article 4 de la loi du 23 février 2005 n’implique aucune modification des programmes actuels d’histoire qui permettent d’aborder le thème de la présence française outre-mer dans tous ses aspects et tous ses éclairages». Il a aussi précisé qu’il n’y avait aucune volonté d’imposer «une histoire officielle».

D’autre part, la formulation de l’article 4 de la loi peut, selon ses détracteurs, être interprétée comme une tentative de nier tout ce que la colonisation a eu de néfaste et de violent pour les populations indigènes. Aucune mention n’étant faite, en effet, des aspects négatifs la présence française dans les ex-colonies. Jean-Marc Ayrault estime que cela «marque un mépris inacceptable à l’égard des populations des pays autrefois colonisés» mais aussi, du coup, que cela «met en cause l’image et le rayonnement politique de la France».

Bouteflika parle de «cécité mentale»

En Algérie, l’adoption de la loi a été ressentie comme le signe d’un refus de Paris de reconnaître son passé colonial. Le président Bouteflika n’a d’ailleurs pas hésité à attaquer le texte avec des mots très durs parlant de «cécité mentale confinant au négationnisme et au révisionnisme». Il a ensuite poursuivi dans la voie de la virulence à l’occasion du soixantième anniversaire des émeutes de Sétif, le 8 mai, en comparant les fours utilisés par les Français pour incinérer les corps des Algériens tués dans les affrontements «aux fours crématoires des nazis».

Dans le contexte des relations toujours difficiles entre la France et l’Algérie, l’adoption de la loi sur les rapatriés a donc engendré un nouveau refroidissement. Tout comme elle a vraisemblablement contribué à retarder la signature d’un traité d’amitié entre les deux pays, pourtant envisagée depuis 2003. D’autant qu’au-delà de l’évocation des «aspects positifs» de la colonisation, la loi fait aussi état de la «reconnaissance» de la France aux harkis (ces Algériens qui ont combattu pour elle), toujours considérés comme des traîtres par Alger. Reste que malgré ces tensions, les discussions en vue de la signature du traité se poursuivent. Le président Chirac a d’ailleurs, de nouveau, fait part lors du Sommet Euromed, à Barcelone, de son souhait de voir ce projet destiné à sceller la réconciliation entre les deux pays, aboutir avant la fin de l’année 2005.


par Valérie  Gas

Article publié le 28/11/2005 Dernière mise à jour le 28/11/2005 à 16:57 TU