Algérie
Vide au sommet de l'Etat
(Photo: présidence de la République algérienne)
De notre correspondant à Alger
Ni l’annonce de son hospitalisation, ni le seul bulletin médical publié n’ont donné d’indication sur la capacité du chef de l’Etat à poursuivre l’exercice de ses fonctions. Aucune disposition constitutionnelle ne prévoit une délégation de ses pouvoirs lors d’une maladie prolongée, comme c’est le cas aujourd’hui. Par défaut, le chef du gouvernement pallie son absence en réunissant régulièrement le Conseil de gouvernement, en veillant à l’exécution des lois et règlements, et en veillant notamment au bon fonctionnement de l’administration publique. Mais, il ne peut pas promulguer une loi. Or, le projet de loi de finances 2006, adopté par les deux chambres du Parlement, ne peut être signé que par le président de la République, au plus tard le 31 décembre courant.
Cet acte présidentiel se déroule, traditionnellement, lors d’une cérémonie solennelle. Pour l’heure, le chef de l’Etat algérien n’a fait aucune apparition publique, pas plus qu’il n’a reçu de visite d’officiels à l’hôpital. Le président Chirac aurait été une des premières personnalités à se rendre à son chevet, relève-t-on au sein des milieux politiques algérois qui se demandent quel est son état de santé réel.
Présent, mais absent quand même
Des messages, en son nom, ont certes été transmis ces jours-ci à la 3ème session du sommet extraordinaire de l’Organisation de la conférence islamique (OCI) à La Mecque, et à la conférence des bailleurs de fonds en faveur des Comores. Pour les observateurs avertis, ces actes épistolaires liés à des événements programmés ne permettent pas de conclure que le président Bouteflika exerce la plénitude de ses pouvoirs. Pour étayer leurs propos, ils relèvent qu’aucun communiqué officiel n’a rapporté la tenue d’une séance de travail avec ses collaborateurs, si courte soit-elle, depuis son hospitalisation au Val de grâce, il y a quinze jours.
Faute de disposition constitutionnelle adaptée à la situation, le vide juridique risque d’être comblé par la mise en œuvre de l’article 88 de la loi fondamentale consacré à l’empêchement. Toute la classe politique y songe, secrètement. En tête, les trois partis de l’Alliance présidentielle qui habillent politiquement la ligne Bouteflika. Un seul parti a rompu cette omerta : le Front national algérien (FNA). Si l’hospitalisation du président se prolonge, «il faut recourir à cette procédure», a estimé Moussa Touati, le chef de ce petit parti politique qui siège au Parlement, cité par le Soir d’Algérie (10 décembre 2005). Pour lui, «la situation actuelle ne peut durer» et «le peuple doit être informé». Moussa Touati suggère la mise en œuvre de l’alinéa 1 de l’article 88 qui énonce : «Lorsque le Président de la République, pour cause de maladie grave et durable, se trouve dans l’impossibilité totale d’exercer ses fonctions, le Conseil constitutionnel se réunit de plein droit, et après avoir vérifié la réalité de cet empêchement par tous moyens appropriés, propose à l’unanimité, au Parlement de déclarer l’état d’empêchement».
Le silence qui plane sur la durée de la «convalescence stricte et rigoureuse» du président Bouteflika, ainsi que sur la nature de sa maladie, laisse la voie ouverte à tous les développements dont la mise en œuvre de cette procédure. Il n’y a que l’annonce de sa sortie d’hôpital et sa réapparition publique qui pourraient balayer toutes les supputations. Et, la prolongation de l’attente ne fera que rendre ces supputations plus fortes.
par Belkacem Kolli
Article publié le 12/12/2005 Dernière mise à jour le 12/12/2005 à 11:51 TU