Pétrole
Le pétrole du Kazakhstan coule vers la Chine
(Photo: AFP)
De notre correspondant à Almaty
Malgré le vent froid qui balayait Atasu, jeudi matin, au beau milieu de la steppe kazakhe, M. Zhou Jipin ne cachait pas sa joie. En inaugurant l’oléoduc Atasu- Alashankou, dans la région autonome chinoise du Xinjiang-Ouïghour, le vice-président de la China National Petroleum Corporation (CNPC) savourait une belle victoire de son pays dans la bataille qu’il mène pour s’assurer la sécurité énergétique. Une sécurité, jugée «stratégique» à Pékin, dans laquelle les anciennes républiques soviétiques d’Asie centrale jouent un rôle de premier plan.
La zone représente en effet une arrière-cour bien pratique pour Pékin dans son approvisionnement en hydrocarbures. Seules les distances constituent un handicap pour que le pétrole et le gaz de la mer Caspienne, où se concentre l’essentiel des gisements centre-asiatiques, alimentent une industrie chinoise qui a connu plus de 9% de croissance en 2004. D’autant que l’essentiel de l’activité se déploie à l’Est du pays, autour de Shanghai et Pékin. D’où la construction de ce premier oléoduc en deux temps.
Trois millions de barils par jour d’ici 2015
Jeudi, c’est un tronçon de 988 kilomètres de tubes qui a été inauguré. Le projet date de 1997. Dans un premier temps, le pipeline fournira 10 millions de tonnes de brut par an aux Chinois. Soit 5% des besoins de l’«Empire immobile». Ensuite, d’ici 2011, sa capacité devrait être doublée. Un pétrole qui pourrait provenir de Russie dans une première phase. «Actuellement nous examinons une offre russe pour pomper du pétrole de Sibérie pour alimenter ce pipeline», déclarait jeudi, à Atasu, Kairat Krymov, le directeur général de KazTransOil. A terme, l’oléoduc devrait être relié à Atyrau, sur la côte nord-ouest de la Caspienne, au Kazakhstan. Le tube parcourra alors une distance de 3 000 km.
La liaison Atasu-Alashankou a coûté 700 millions de dollars (586 millions d’euros), cofinancés à égalité par la CNPC et KazMunaiGaz, la compagnie nationale kazakhe. Pour ce faire, elles ont créé une société commune, la Kazakh-Chinese Pipeline. Voilà qui en dit long sur l’intérêt du Kazakhstan dans ce projet. La jeune république d’Asie centrale, qui a pour ambition d’exporter 3 millions de barils de brut par jour d’ici 2015, ce qui en ferait l’un des plus grands exportateurs du monde, sait qu’il faut diversifier les routes d’évacuation de son or noir. Histoire de ne pas dépendre d’une seule zone consommatrice. Une politique initiée par le président Noursoultan Nazarbaev, qui vient d’être réélu à la tête du pays, le 4 décembre dernier, pour un troisième mandat.
Trois grandes routes d’exportation
Depuis 2001, le Kazakhstan exporte l’essentiel de son pétrole, soit 1,3 million de barils par jour, via la Russie et l’oléoduc CPC. (Caspian Pipeline Consortium). Mais, malgré de bonnes relations avec Moscou, pas question de ne dépendre que du grand frère du Nord. D’autant que d’ici 2008, ce pipeline ne sera plus suffisant. A cette date, le Kazakhstan commencera à pomper dans le gisement éléphant de Kashagan. La plus grosse découverte mondiale de ces trente dernières années. Entre 9 et 13 milliards de barils récupérables.
C’est pourquoi Astana négocie aussi actuellement avec le consortium de l’oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan qui opère de l’autre côté de la Caspienne. Un pipeline qui, en débouchant à Ceyhan, port méditerranéen de Turquie, doit alimenter les marchés occidentaux. Un projet qui implique de gros investissements pour que le brut kazakh puisse traverser, avec des tankers, cette mer intérieure qu’est la Caspienne. Ainsi, le Kazakhstan devrait jouir de trois grandes routes d’exportation d’ici quelques années.
par Régis Genté
Article publié le 15/12/2005 Dernière mise à jour le 15/12/2005 à 14:46 TU