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Environnement

Alerte sur le lac Victoria

Malheureusement, la baisse du niveau des eaux n’est que le dernier en date des problèmes auxquels ce lac est confronté depuis un demi-siècle.(Photo : DR)
Malheureusement, la baisse du niveau des eaux n’est que le dernier en date des problèmes auxquels ce lac est confronté depuis un demi-siècle.
(Photo : DR)
Le niveau des eaux du lac Victoria n’a jamais été aussi bas depuis 40 ans. Une situation potentiellement dangereuse pour quelque 30 millions de riverains. Politiques et scientifiques tirent la sonnette d’alarme.

De notre correspondant en Tanzanie

Un vent d’inquiétude souffle sur le lac Victoria. Et cette fois, la côte d’alerte semble atteinte. Si l’on en croit du moins certaines des autorités concernées par le sort du plus grand lac d’Afrique. Réunis à Arusha en Tanzanie, les experts ont été unanimes : le niveau des eaux du lac connaît une baisse notable, la plus importante des quarante dernières années. Il est urgent d’intervenir.

«C’est un désastre. Si cette baisse se poursuit, nous allons faire face à de très sérieux problèmes», souligne le Secrétaire d’État ougandais chargé des questions d’eau, de terre et d’environnement. Un haut fonctionnaire kenyan révèle que des ports et des plages situés côté kenyan du lac subissent déjà les effets négatifs de cette baisse des eaux. Inquiétude côté tanzanien enfin, où l’on appelle à la mobilisation et à la coopération régionales pour faire face au problème. Un problème qu’un expert de la Banque Mondiale analyse en des termes cliniques sans équivoques : «Le lac est de plus en plus vulnérable et sa santé se détériore. Les poissons sont menacés. L’ensablement s’aggrave, la pollution aussi».

Malheureusement, la baisse du niveau des eaux n’est que le dernier en date des problèmes auxquels ce lac est confronté depuis un demi-siècle. Dans les années cinquante déjà, l’introduction de la perche du Nil a constitué un véritable désastre écologique. Ce poisson -qui représente aujourd’hui 80% des poissons du lac- est responsable de la disparition de quelque deux cents espèces présentes dans ces eaux avant son introduction. Cette rapide disparition vaut au lac Victoria de figurer en première place au classement des lacs ayant connu l’extinction la plus rapide de vertébrés, dont certains vieux de quatorze milles ans.

Ironie de l’histoire, la perche du Nil, introduite dans les eaux du lac à des fins commerciales et destinée à l’exportation en Europe notamment, est depuis quelques années en état de surexploitation. Fin 2003, le gouvernement kenyan a dû en interdire la pêche pendant quelques mois. Et le comble est sans doute qu’un demi-siècle après son introduction, la perche du Nil rapporte de moins en moins.

Un lac de légende

Enfin, par la faute de l’activité humaine, le lac connaît un niveau de pollution inquiétant. En septembre 2003, une ONG kenyane concluait que les entreprises minières et industrielles situées sur les rives du lac contribuent grandement à en polluer les eaux. L’ONG accusait, entre autres, la société des eaux de la ville kenyane de Kisumu de déverser les eaux usées dans le lac. Dénonciation sans grande conséquence.

Pourtant, le lac Victoria est un poumon économique pour la région est-africaine. Contrôlé par la Tanzanie (à 49%), l’Ouganda (à 45%) et le Kenya (à 6%), ce lac de 68 870 Kilomètres carrés (plus grand que le Rwanda et le Burundi réunis) représente, en effet, un moyen de survie pour 30 millions de riverains. Ce qui fait de son bassin une des régions du monde les plus densément peuplées. La pêche atteint les 500 000 tonnes par an et rapporte 400 millions de dollars. À la pêche, il faut ajouter l’agriculture, l’élevage, la floriculture, le transport ou le tourisme au rang des secteurs dont l’essor est favorisé par un lac qui est rentré dans l’histoire depuis fort longtemps.

Considéré dès le XIIe siècle par des commerçants arabes comme la source du Nil, le lac Victoria est véritablement rentré dans la légende au XIXe siècle. D’abord par une querelle entre les explorateurs anglais John H. Speke et Richard F. Burton. Le premier ayant découvert en 1858 que le Nil y prenait bien source, au grand dépit du second, frustré de s’être fait volé la découverte. Découverte confirmée ensuite par  Henry Morton Stanley, parti à la recherche du docteur David Livingstone. L’histoire, maintes fois racontée, veut que lors de leur rencontre, le premier ait lancé au second : «Docteur Livingstone je présume !».

Aujourd’hui cependant, le lac Victoria alimente moins la légende que l’inquiétude. De projets en programmes, les tentatives de préservation se multiplient. Soixante-dix-huit millions de dollars ont été investis dans la première phase tout juste achevée d’un projet de gestion de l’environnement du lac. D’autres sommes, tout aussi importantes, sont annoncées pour la suite ; succédant à des initiatives du même type. Parmi elles, la mise en place de patrouilles destinées à lutter contre les pêcheurs illégaux. Mais tout cela semble bien peu en regard de ce qui devrait être fait. C’est en effet davantage d’une stratégie globale de préservation dont a besoin le lac Victoria.


par André-Michel  Essoungou

Article publié le 18/12/2005 Dernière mise à jour le 18/12/2005 à 14:37 TU