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Tanzanie

Jakaya Kikwete succède à Benjamin Mkapa

Jakaya Mrisho Kikwete, le candidat du parti Chama cha Mapinduzi (CCM) au pouvoir depuis 44 ans, a remporté les élections présidentielle et législatives avec 80% des suffrages.(Photo: AFP)
Jakaya Mrisho Kikwete, le candidat du parti Chama cha Mapinduzi (CCM) au pouvoir depuis 44 ans, a remporté les élections présidentielle et législatives avec 80% des suffrages.
(Photo: AFP)
Avec la victoire facile de son candidat à la présidence de l’Union, Jakaya Kikwete, élu avec 80% des suffrages, mercredi, mais aussi, après la réélection, en octobre dernier, de son fidèle partisan Amani Abeid Karume à la présidence de l’archipel de Zanzibar, le parti au pouvoir depuis l’indépendance, le Chama Cha Mapinduzi (CCM) garde la haute main sur les institutions de la République unie de Tanzanie. Au passage, il garantit sa majorité absolue au Parlement, avec 206 des 232 sièges à pourvoir. Son rival malheureux à Zanzibar, le Front civique uni (CUF) de Seif Sharif Hamad, devra se contenter de 19 fauteuils de députés, trois autres partis se partageant une poignée de sièges: le Parti pour la démocratie et le progrès, Chadema (5), le Parti tanzanien du travail (1) et le Parti démocratique uni (1). Avec ce Grand Chlem, le CCM se pérennise à la magistrature suprême, un apparatchik, Jakaya Kikwete, succédant à un autre, Benjamin Mkapa.

La Tanzanie n’a pas éprouvé la nécessité de retoucher la Constitution pour permettre au président sortant, Benjamin Mkapa, de briguer une nouvelle fois la présidence de la République unie de Tanzanie, au terme de ses deux quinquennats successifs. Ce n’est pas dans les usages de l’Union, façonnée par le CCM et par son père fondateur, feu Julius Nyerere. Ce dernier avait du reste préparé, de son vivant, sa sortie de scène et sa succession à la magistrature suprême. Les présidents passent. Le CCM demeure, l’essentiel étant de garder sous sa férule l’Union entre le Tanganyika continental et le turbulent archipel de Zanzibar. Et sur ce terrain crucial, Benjamin Mkapa peut passer la main en toute confiance à son dauphin Jakaya Kikwete.

A 55 ans, Jakaya Kikwete parvient au sommet d’une hiérarchie dont il a gravi un à un chacun des échelons, depuis qu’il a reçu sa carte de membre permanent du CCM, il y a trente ans. Coopté au Comité national exécutif de l’ancien parti unique, en 1982, sous Julius Nyerere, Jakaya Kikwete a fait son entrée dans le saint des saints, le Comité central, en 1997, sous Benjamin Mkapa. Ce dernier lui avait déjà confié la conduite de la diplomatie, à son avènement à la tête de l’Union, en 1995. Il ne lui a jamais retiré le portefeuille des Affaires étrangères qu’il s’apprête à abandonner pour le fauteuil présidentiel.

Kikwete : Homme d’appareil et fin diplomate

Au total, Jakaya Kikwete a participé à tous les gouvernements successifs de ces 17 dernières années. C’est un homme rompu à la diplomatie et un fin connaisseur des rouages du CCM qui va reprendre les rênes, avec son sourire de bon élève, riche d’une expertise gouvernementale dans des domaines éclectiques tels que l’eau, l’énergie, les minerais ou les finances. Homme de la Côte, Jakaya Kikwete est né à Msoga, un village du district de Bagamoyo. Père de huit enfants, six garçons et deux filles, diplômé en économie de la faculté de Dar-es-Salaam, il a passé plus de la moitié de sa vie dans l’appareil du parti.

Ces dix dernières années, Benjamin Mkapa et Jakaya Kikwete ont souvent travaillé en tandem. Le président sortant avait par exemple délégué à son dauphin la gestion des relations entre la Tanzanie et les bailleurs de fonds ou bien encore l’épineuse médiation inter-burundaise, léguée par Julius Nyerere et reprise par Nelson Mandela, à Arusha, au pied du Kilimandjaro, aux confins nord de la Tanzanie, où siège le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), depuis novembre 1994.

Avec un taux de participation officiel de 72%, le 14 décembre, les 80% de suffrages consentis à Kikwete par les 35 millions d’électeurs de l’Union effacent le score contestataire des quelque 500 000 Zanzibari appelés aux urnes en octobre et qui avaient donné près de la moitié de leurs voix à la principale formation de l’opposition, le CUF. La mort d’un candidat à la présidentielle avait en effet contraint la commission électorale à repousser les scrutins dans la partie continentale sans ajourner le vote pour l’exécutif de l’archipel.

Les apparences démocratiques sont sauves

Le 14 décembre, les Zanzibari sont revenus aux urnes pour choisir le président de l’Union, de conserve avec leurs compatriotes continentaux. Dix candidats étaient en lice pour cette troisième joute présidentielle depuis l’avènement du multipartisme en 1992. Le candidat du Cuf, Ibrahim Lipumba, a recueilli 11,6% des suffrages, devant celui du Chadema, Freeman Mbowi, 5,9%. Les apparences démocratiques sont sauves. La campagne du Cuf sur la corruption, la pauvreté et le chômage a sans doute été hypothéquée par la perception continentale des turbulences identitaires zanzibari.

De leur côté, Kikwete et son mentor Mkapa avaient misé sur l’effet repoussoir des conflits qui troublent les Grands Lacs, tout en présentant un bilan économique décennal en progression, mais qui ne parvient pas à tirer la Tanzanie de son immense pauvreté. A défaut de prospérité, les Tanzaniens peuvent au moins se féliciter d’avoir la paix, ont martelé les hommes du CCM. Et, sans doute, les grenades lancées à Zanzibar pour réprimer les contestataires ont-elles produit leur effet dissuasif sur les rives insulaires et continentales de l’océan Indien.

Pour sa part, Jakaya Kikwete a voulu montrer qu’il était aussi un homme de terrain. Il s’est tellement donné dans sa campagne qu’il s’est évanoui d'épuisement, mardi, pendant son dernier meeting électoral. Il n’en a pas moins voté à l’heure, mercredi, en s’affirmant «fort comme l'acier».


par Monique  Mas

Article publié le 19/12/2005 Dernière mise à jour le 19/12/2005 à 19:23 TU