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Economie

OMC-UE : le non-dit de l’agriculture

La chancelière allemande, Angela Merkel, médiatrice du sommet sur le budget.(Source: Bundestag allemand)
La chancelière allemande, Angela Merkel, médiatrice du sommet sur le budget.
(Source: Bundestag allemand)
A Bruxelles, capitale de l’Union européenne, les 25 pays membres ont réussi à trouver un budget à l’Europe. En même temps, dans la grande métropole chinoise, les négociateurs décidaient d’attendre la fin de l’accord agricole actuel en Europe pour s’attaquer au démantèlement des subventions dans le monde.

L’accord qui encadre l’agriculture européenne avait été difficile à trouver en 2002. Qu’ils soient français, allemands, danois, ou italiens, les agriculteurs des quinze pays qui constituaient alors l’Union, avaient vu les aides attribuées par Bruxelles continuer à baisser. La dernière révolution avait fait grand bruit puisque les aides n’étaient plus à la production mais fixées par exploitation. Ces subventions, une fois encore, avaient diminué. La nouvelle PAC, pérennisée jusqu’en 2013, dégageait de l’argent pour protéger des milieux abîmés après plusieurs décennies d’agriculture intensive.

Les agriculteurs avaient donc onze ans de revenus stables devant eux. Le temps d’accepter de devenir des salariés de Bruxelles et de décider, ou non, de programmer des investissements. La course à la production restait de mise puisque le lait néo-zélandais, le bœuf argentin, les céréales ukrainiennes finiraient bien par entrer dans l’Union européenne pour cause de mondialisation. 

Trois ans ont passé. Les paysans se sont adaptés tandis que la négociation continuait sur les aides que les pays riches donnent à leurs secteurs agricoles pour les protéger et les aider à exporter. Et puis la Politique agricole commune est devenue le point de blocage de la conférence ministérielle de l’OMC, à Hong Kong. Surveillé par les pays les plus agricoles de l’Union, le commissaire européen au Commerce Peter Mandelson, ne pouvait rien concéder aux Américains et aux pays émergents.

Après six jours de négociations, la conférence des ministres des pays membres de l’Organisation mondiale du commerce a finalement décidé de remettre à 2013 la discussion sur les subventions agricoles. Pendant ce temps, l’Europe des 25 aura commencé à payer directement ses agriculteurs, notamment ceux des dix derniers pays entrés dans l’UE. Ces aides destinées à subventionner leurs productions, comme en Europe de l’Ouest, et à se restructurer, monteront en puissance jusqu’en 2013. A cette date, les nouveaux auront le maximum et les anciens, le minimum. C’est donc à ce moment-là que les subventions mondiales seront mises sur la table.

Statu quo pour 7 ans

Les Etats-Unis, comme le G20, groupe des grands pays en développement, et le groupe de Cairns, groupe des grands pays exportateurs de denrées agricoles, voulaient que cette négociation mondiale s’ouvre plus tôt, en 2010. Les deux commissaires européens présents à Hong Kong n’ont pas cédé, même si ce résultat représente une petite victoire. L’inconvénient, c’est de reporter à plus tard le grand déballage des subventions. L’avantage, l’échéance coïncidera avec la disparition, ou du moins la refonte, de la politique agricole européenne.

Y aura-t-il des subventions agricoles en Europe après 2013 ? C’est du domaine de l’incertitude. Certains pays membres décideront peut-être de renationaliser les aides, pour protéger leurs paysans et sécuriser l’approvisionnement en denrées alimentaires. L’Union européenne, en tout cas, changera d’horizon puisqu’un tiers de son budget sera libéré. A travers ce nouveau budget, des politiques nouvelles en matière de recherche et d’innovation, seront peut-être décidées, celles que Tony Blair voulait privilégier dès maintenant. Et la stratégie de Lisbonne sera peut-être mise en œuvre. Son ambition est de faire de l’Europe la première économie mondiale.

Avant d’imaginer ce qui se passera dans sept ans, les Européens se sont plongés dans la réalité. Ils ont trouvé un accord sur le budget pour la période 2007-2013. Ce budget sera de 862,4 milliards d’euros, soit 172, 4 milliards par an. Un budget petit, selon les spécialistes de la politique européenne, obtenu grâce au rôle de médiateur d’Angela Merkel, la chancelière allemande, encore peu rompue aux négociations marathon. C’est elle qui a trouvé la solution de compromis, s’étonnant, selon les observateurs présents à Bruxelles, d’un tel conflit pour 21 milliards d’euros de plus ou de moins, dans ce futur budget.

Angela Merkel a par ailleurs obtenu que tout le monde, même l’Allemagne, paie plus, pour aider les dix derniers pays arrivés à se mettre à niveau. Enfin elle a sauvé le sommet en obligeant Londres à payer sa part de l’élargissement. Le chèque, la ristourne accordée à la Grande-Bretagne depuis 1984, va diminuer de près de 20%. Ce chèque, qui devait atteindre 50 à 55 milliards d’euros, sera amputé de 10,5 milliards d’euros.

Lundi, le président de la Commission, José Manuel Barroso, a rendu hommage à Tony Blair. C’est lui, le chef du gouvernement britannique, qui a fait le plus de concessions au cours de ce sommet consacré au budget. «Si on veut être juste vis-à-vis de Monsieur Blair, on doit reconnaître qu’il a montré du courage pour accepter de faire un compromis à un niveau qui est vu par beaucoup comme insuffisant, mais qui, dans son propre pays, devant l’opinion publique à laquelle il doit répondre, a été considéré sûrement comme excessif», a-t-il déclaré. Le président de la Commission a par ailleurs évoqué les «critiques» dont Tony Blair fait l’objet ce lundi dans la presse britannique. Elle l’accuse d’être allé trop loin dans les concessions qui ont permis l’adoption du futur budget.

Plus de PAC, plus de chèque

Une fois encore, 2013 est une date décisive car à cette échéance, interviendra la baisse la plus forte du chèque britannique. Un chèque amené de toute façon à disparaître s’il n’y a plus de Politique agricole commune et donc plus de compensation pour un pays non agricole.

L’accord enfin trouvé sur le budget au cours de ce sommet a également un avantage politique : montrer que l’Europe n’est plus en panne, qu’elle se remet de l’épisode négatif de la Constitution européenne. Dominique de Villepin, le Premier ministre français, a déclaré lundi que cet accord à 25 sur le budget représentait «une véritable relance pour l’Europe, qui peut ouvrir de nouvelles perspectives».

Le président Chirac pour sa part a indiqué qu’il ferait des «propositions ambitieuses» pour rendre les institutions de l’Europe plus démocratiques et plus efficaces.

Le ministre polonais aux Affaires européennes a rendu hommage à la chancelière allemande Angela Merkel qui a «bien voulu partager avec la Pologne» une partie des fonds initialement destinés à la modernisation de l’ex-Allemagne de l’Est. «Nous aurions pu jouer notre va-tout, et réclamer encore 50, 100 ou 150 millions d’euros de plus. Mais nous ne l’avons pas fait, prouvant ainsi à l’Europe et au monde que nous sommes un partenaire sûr», a déclaré sur une radio polonaise Jaroslaw Pietras.

A Bruxelles, les 25 ont adopté un budget représentant, en fait, des sommes relativement dérisoires pour les membres de l’Union les plus riches. L’enveloppe budgétaire est fixée à 1,045% du Produit intérieur brut moyen de l’UE. Le Parlement européen voulait 1,18% de ce PIB, on en est loin. La solidarité est maintenue avec les pays les moins avancés de l’Union.  L’anachronisme du chèque britannique est en régression. Reste les autres, hors du cercle européen. Pour les plus riches de la planète, le statu quo tient jusqu’en 2013. Pour les plus pauvres, après le rendez-vous de l’OMC, il est presque aussi difficile qu’avant de pousser la porte du développement. 


par Colette  Thomas

Article publié le 19/12/2005 Dernière mise à jour le 19/12/2005 à 19:22 TU