Etats-Unis
Anti-terrorisme : la fin justifie encore les moyens
(Photo : AFP)
«Le terrorisme ne va pas expirer à la fin de l’année». L’argument a visiblement fait mouche, et George W. Bush a réussi à battre le rappel des sénateurs, afin que ces derniers votent une prolongation du Patriot Act. Ce texte englobe tout le dispositif législatif anti-terroriste. Concrètement, il élargit les pouvoirs du gouvernement fédéral en lui ouvrant la possibilité d’effectuer des fouilles secrètes, d’obtenir des enregistrements privés, d’intercepter des appels téléphoniques, etc. Il avait été adopté au lendemain des attentats du 11 septembre 2001. Il arrive à expiration à la fin de l’année. D’où l’urgence de se prononcer sur l’avenir de ce dispositif.
Le président américain s’est engagé résolument pour une prolongation de ce texte. La Chambre des représentants l’a suivi sans trop rechigner la semaine dernière. Mais c’est au Sénat que plusieurs parlementaires ont émis des réserves. Dans le camp démocrate, minoritaire, certains estiment que ce Patriot Act ne présente pas suffisamment de garanties en matière de droits et de libertés civils. Et de souligner, en exemple, la récente polémique autour des écoutes téléphoniques, perpétrées par l’administration américaine. Plusieurs sénateurs proposaient donc de limiter à trois mois, la prolongation du texte. Proposition rejetée. Faire obstruction à un renouvellement de ce Patriot Act est «inexcusable», a même lancé le président Bush. Finalement, le texte a été prolongé pour une durée de six mois, suite à un accord entre républicains et démocrates.
Pour la présidence américaine, même si le texte n’a pas été reconduit à long terme, le fait qu’il soit prolongé est déjà «une victoire pour le peuple américain», selon les termes de Scott McClellan, porte-parole de la Maison Blanche.
Un milliard de dollars par semaine
Avec ce vote, George W. Bush conserve une certaine marge de manœuvre dans sa guerre contre le terrorisme, au niveau intérieur. Il en est de même au niveau des opérations extérieures. Les sénateurs ont approuvé hier à l’unanimité le budget de la Défense pour l’année à venir. Ce budget militaire s’élève à 453 milliards de dollars. Il était de 265 milliards en 1998, 343 milliards en 2002 et 420 milliards pour l’année 2005. En constante augmentation.
Dans le détail, ce budget prévoit des acquisitions de matériel, notamment 24 avions chasseurs F-22 et 15 appareils de transport C-17. Et puis, il y a la grosse part représentée par les émoluments des militaires. Peut-être pour mobiliser davantage les volontaires pour partir au front, ces paies vont être augmentées de 3,1%. Mais surtout, sur le budget total, 50 milliards de dollars serviront à financer les guerres en Irak et en Afghanistan. Cela représente environ 1 milliard de dollar par semaine, soit près de 553 milliards de FCFA.
Cela ne va pas manquer de susciter la désapprobation des mouvements pacifistes qui constatent depuis des années que le budget militaire américain est supérieur à lui seul aux budgets de Défense de tous les autres pays au monde réunis. «Le Pentagone perd tout sens des proportions», affirmaient déjà en janvier dernier plusieurs observateurs indépendants, à l’occasion du vote du précédent budget. Et cette «folie générale» pourrait se poursuivre, à en croire Lawrence J. Korb. Vice-secrétaire à la Défense sous la première administration Reagan, il affirmait récemment dans The New York Times, que le budget militaire entre 2006 et 2011 devrait être de l’ordre de plus de 2500 milliards de dollars.
A surveiller aussi, la réaction des contribuables américains, qui constatent le coût des guerres en Irak et en Afghanistan, et qui s’interrogent dans le même temps sur leurs résultats concrets dans la lutte contre le terrorisme.
Rumsfeld justifie la lutte anti-terroriste
Mais visiblement, ces interrogations ne sont pas à l’ordre du jour. De passage en Afghanistan, ce jeudi, le secrétaire américain à la Défense, Donald Rumsfeld, a justifié le déploiement des troupes militaires, en invoquant la lutte contre le terrorisme. S’adressant à ses soldats, Donald Rumsfeld a expliqué que «pendant la période des fêtes, il y a des gens à Washington qui se demandent pourquoi notre pays mène cette difficile guerre contre le terrorisme. Je pense que les raisons sont claires. Vous êtes ici sur le front pour protéger leur liberté». Et le secrétaire américain à la Défense d’ajouter : «si nous nous retirons d’Irak et d’Afghanistan précipitamment, les terroristes nous attaqueront en premier, ailleurs dans la région et ensuite, ils nous attaqueront sur notre sol».
Signalons par ailleurs que le budget du Pentagone, voté ce mercredi par le Sénat, inclut un amendement sur la torture, en interdisant «les traitements ou punitions cruels, inhumains ou dégradants» de personnes détenues par les Américains.
par Olivier Péguy
Article publié le 22/12/2005 Dernière mise à jour le 22/12/2005 à 17:32 TU