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Indonésie

Tsunami: les risques d'une reconstruction trop rapide

Pour traverser les rivières, on utilise des radeaux de fortune.(Photo : Jocelyn Grange/RFI)
Pour traverser les rivières, on utilise des radeaux de fortune.
(Photo : Jocelyn Grange/RFI)
180 000 morts et 500 000 sans-abris. La province indonésienne d’Aceh a payé le plus lourd tribu au tsunami du 26 décembre 2004. Sur la côte ouest, la zone la plus dévastée, la reconstruction des infrastructures débute mais les défis sont nombreux.

De notre envoyé spécial sur la côte ouest d’Aceh

Ridwan a la mine des mauvais jours. Assis sur un rocher, il fume une kretek, une cigarette au clou de girofle, en scrutant la vallée de Desa Layn. D’un côté, son village, ou du moins ce qu’il en reste, c’est-à-dire pas grand chose. Le tsunami a entièrement rasé les maisons et tué la moitié des 900 habitants. De l’autre côté, à 500 mètres à l’intérieur des terres, des travaux de terrassement sont en cours. Un pan de montagne s’est écroulé et forme un petit plateau surélevé.

C’est ici que sera reconstruit le nouveau village. Les survivants de Desa Layn auraient préféré rebâtir au même endroit mais l’ONG (organisation non gouvernementale) américaine qui a pris en charge les travaux dans cette localité a conditionné son financement au choix d’un emplacement plus éloigné du rivage. Les villageois ont cédé mais pour Ridwan, le maire, les ennuis ont commencé. « Il faut que chaque habitant rachète un lopin de terre sur ce nouvel emplacement », explique-t-il. « J’ai discuté avec le propriétaire, il a fixé le prix à 250 euros les 10 m², c’est beaucoup trop cher, personne ne peut acheter à ce prix là », constate le vieil homme.

Les habitants d’un autre village, situé sur l’autre versant de la montagne qui borde l’océan, ont plus de chance. « Nous avons juré de rebâtir nos maisons au même endroit », explique Eri, le commerçant du coin. « Une ONG nous a suggéré de déplacer le village de 500 mètres. Mais nous avons refusé et elle a cédé ». Une dizaine de maisons parasismiques se dressent déjà à l’ombre des quelques cocotiers qui ont résisté aux vagues de quinze mètres de haut. « Je remercie Dieu. Ces maisons sont de très bonne qualité et elles sont plus sûres qu’avant », se réjouit Eri.

Les risques de la précipitation

Sur la côte ouest, les voitures s'embourbent sur les pistes transformées en marécages boueux par la pluie.(Photo : Jocelyn Grange/RFI)
Sur la côte ouest, les voitures s'embourbent sur les pistes transformées en marécages boueux par la pluie.
(Photo : Jocelyn Grange/RFI)

Les inégalités de traitement, visibles d’un village à l’autre de la côte ouest, vont se résorber avec le temps. Mais il n’est pas certain que les plus rapidement servis soient les plus chanceux. Le formidable élan de générosité mondial suscité par le tsunami a permis de récolter 4 milliards d’euros pour Aceh. Mais cet afflux de dons a mis une énorme pression sur les Nations unies et les 300 ONG internationales déployées dans la province. Celles-ci doivent montrer aux donateurs qu’elles agissent concrètement. Mais à vouloir aller trop vite, elles pourraient rater l’objectif qu’elles ont elles-mêmes fixé dans leur slogan : « Reconstruire Aceh, en mieux ».

« En reconstruisant des villages trop vite, on risque de les déconnecter du futur réseau routier », explique ainsi Reino Niimi, une conseillère des Nations unies pour la reconstruction, en rappelant qu’il « faudra au moins cinq ans pour reconstruire la route de la côte ouest et dix ans pour achever la réhabilitation de toutes les infrastructures ». Le chantier est titanesque. Pour remplacer les tronçons submergés par les eaux, des bulldozers militaires indonésiens ont tracé des pistes de sable qui se transforment en bourbier à la moindre averse. Même les véhicules les plus puissants, 4x4 ou camions à treuil, s’y embourbent constamment en cette saison des pluies.

« Il faut être patient »

A la sortie de Lamno, base permanente d’une quinzaine d’ONG, le pont qui enjambe le cours d’eau est encore détruit. La traversée se fait sur un radeau de fortune qui s’amarre à un ponton d’embarquement conçu sommairement avec quelques rondins de bois tropicaux.« Quand les véhicules embarquent, le ponton peut céder sous la pression du poids, il faut le remblayer plusieurs fois par jour avec de la terre pour éviter les accidents », explique Ahmad qui assure la maintenance avec une pelle et beaucoup de bonne volonté.

Sur la berge, une petite bicoque s’est improvisée en restaurant. On y sert du riz frit, une spécialité locale, du café et des boissons pas fraîches. Assis sur des chaises en plastique, les candidats au passage attendent patiemment. Entre amarrage et débarquement sur l’autre rive, la traversée, 200 mètres à peine, dure en moyenne une heure. Le système ne fonctionne que dans la journée. Résultat : la circulation est considérablement ralentie. « On fait passer, au maximum, une trentaine de véhicules  par jour… A chaque traversée, on transporte un camion ou deux voitures », confirme le « capitaine » du radeau.

Seules les ONG les plus expérimentées sont présentes dans cette région. Elles seules ont les moyens d’affronter les défis logistiques qui s’y posent. « Il faut être patient », plaide Marco Lenzi, le coordinateur du programme local de l’Union européenne. «On ne pouvait pas reconstruire en un an ce qui a été construit dans cette région en dix, trente ou cinquante ans», conclut-il.


par Jocelyn  Grange

Article publié le 25/12/2005 Dernière mise à jour le 25/12/2005 à 14:27 TU

Audio

Richard Werly

Journaliste au quotidien suisse Le Temps

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