Espace
Galileo : espace, commerce et politique
(Photo : AFP)
Le satellite Giove A n’est que le premier élément d’un gigantesque puzzle spatial, mais c’est déjà tout un symbole. Ce gros cube de 602 kg ne suffira pas, en effet, à doter l’Europe des moyens de son indépendance spatiale mais, après tant d’années d’efforts, on conçoit la satisfaction de ses promoteurs d’avoir réussi leur pari technologiques et leur montage financier. Le projet Galileo, piloté par l’Union européenne (UE) et l’Agence spatiale européenne (ESA), est un dispositif de navigation terrestre (et maritime) par satellite, l’équivalent du fameux GPS (Global positioning system) américain, désormais indispensable pour soutenir une activité humaine mondialisée.
Nul n’imagine aujourd’hui un avion, un bateau, sans son GPS. Cet instrument équipe même les derniers modèles automobiles. Il permet de localiser n’importe quel objet, n’importe quelle personne, pourvu qu’ils soient dotés d’un capteur. Il permet de suivre à la trace un conteneur, un voyageur, d’anticiper sur les délais de livraison, d’élaborer des projets d’équipements avec une précision de moins d’un mètre seulement. Ses multiples applications en font le projet d’infrastructures le plus rentable engagé par l’Europe, estiment les techniciens de l’ESA, avec des bénéfices minimum qui devraient être 4,6 fois supérieurs à l’investissement consenti, soit 3,8 milliards d’euros prévus à l’horizon 2010. Plusieurs milliards de clients sont attendus d’ici 2020.
Symbole de la réussite communautaire
Jusqu’à présent, le GPS américain régnait sans partage sur l’activité. Plus exactement : l’armée américaine qui conserve la haute main sur le navigateur. Si, depuis 1993, le Pentagone a autorisé l’accès, gratuit, des civils au GPS, le service reste néanmoins soumis aux aléas de la conjoncture. A la moindre menace de conflit ou de simple détérioration de la conjoncture internationale, Washington peut décider de dégrader les signaux de son GPS, ou de les interrompre. Il y a donc également dans le projet européen la manifestation d’une forte volonté d’indépendance stratégique, même si Galileo est un projet conduit et dirigé par les civils. Ce n’est donc pas seulement une bonne affaire, c’est aussi un outil stratégique essentiel. Les Russes l’ont d’ailleurs bien compris : depuis 1980 ils travaillent à la mise en place de leur propre système de navigation, Glonass, conduit aussi par les militaires. Avec le lancement de trois nouveaux engins, le 25 décembre, celui-ci dispose déjà d’un réseau de 17 satellites. Mais, faute de moyens, le dispositif bien qu'opérationnel est encore incomplet.
Pour engager cette toute première phase de Galileo, qui accuse déjà un retard de deux ans, les Européens ont dû dégager 1,6 milliard d’euros. C’est le prix qu’il a fallu débourser pour monter le projet, définir les priorités et construire les « démonstrateurs » Giove A et B, les deux premiers éléments expérimentaux de l’escadrille spatiale qui comptera une trentaine de satellites au-delà de 2010, date de l’entrée en service commerciale de Galileo. D’ici là, les Européens espèrent bien recruter des partenaires financiers pour les accompagner dans l’aventure. La Chine et Israël sont d’ores et déjà associés au projet. Des négociations avancées sont en cours avec l’Inde, le Maroc et l’Ukraine. Le Brésil, la Corée du Sud, le Canada et l’Australie sont intéressés. A l’heure où la construction européenne semble marquer le pas, Galileo s’apprête à incarner la réussite scientifique, technologique, diplomatique et industrielle communautaire.
par Georges Abou
Article publié le 27/12/2005 Dernière mise à jour le 27/12/2005 à 17:55 TU