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Grippe aviaire

En Turquie, la menace aux portes de l’Europe

Deux adolescents de 14 et 15 ans sont morts des suites de la grippe aviaire. Une vingtaine de personnes soupçonnées d'être porteuses du virus H5N1 sont hospitalisées en Turquie.(Photo : AFP)
Deux adolescents de 14 et 15 ans sont morts des suites de la grippe aviaire. Une vingtaine de personnes soupçonnées d'être porteuses du virus H5N1 sont hospitalisées en Turquie.
(Photo : AFP)
Le virus de la grippe aviaire a déjà causé la mort de deux adolescents dans l’est de la Turquie, où l’on recense plusieurs autres malades et où les autorités prennent des mesures exceptionnelles pour éviter l’extension de l’épidémie, et surtout une éventuelle transmission de personne à personne, ce qui pourrait marquer le début de la pandémie tant redoutée. Ces deux décès sont les premiers cas mortels chez l'homme dus à cette maladie hors de l'Extrême-Orient.

De notre correspondant à Istanbul

A la croisée de plusieurs voies migratoires d’oiseaux sauvages, la Turquie se savait sérieusement menacée par le virus de la grippe aviaire, notamment après la découverte d’un foyer d’infection dans un élevage de dindes début octobre, à l’ouest du pays. Aussi les médecins de l’hôpital de Van, où sont morts dimanche Muhammet Ali Koçyigit, 14 ans, puis jeudi sa soeur Fatma, 15 ans, se sont dit « pas surpris » du verdict des laboratoires confirmant la responsabilité du virus H5N1. Des cas qui ne sont malheureusement pas isolés, puisque au moins une vingtaine de personnes sont traitées dans cet établissement désormais uniquement réservé au cas avérés ou suspectés de grippe aviaire, pour éviter toute contamination. Les jeunes Ali Hasan et Hülya, frère et soeur des deux premières victimes, y étaient jeudi soir dans un état critique.

 Moins de trois mois après l’apparition du premier foyer d’infection de grippe aviaire dans une ferme entre Ýstanbul et Izmir (ouest), et moins d’un mois après l’annonce officielle de son éradication, le H5N1 a effectué un bond de géant entre l’Asie du Sud-Est, où il a déjà tué 74 personnes, et le continent européen, où seuls des volatiles infectés avaient été détectés cet automne. « Nous ne craignons pas de véritable épidémie », a pourtant affirmé le ministre de la Santé jeudi, affichant un optimisme de bon aloi pour éviter la panique. Mais les précautions sont à la mesure du risque, après quelques attermoiements entourant la confirmation du virus responsable : de large ampleur.

La pauvreté incite les gens à conserver leur volaille

Une enveloppe de 7,5 millions d’euros a été immédiatement débloquée par le gouvernement pour faire parvenir une dizaine d’appareils d’assistance respiratoire, du matériel de protection (gants, combinaisons, masques), et des produits de décontamination. De même, le gouvernement a dépêché des renforts de médecins dans la région et multiplie les équipes de confiscation et d’élimination des volailles de basse-cour, pas toujours avec facilité. Le ministre de l’Agriculture Mehdi Eker, en tournée dans la région, affirme de son côté que tout nouveau foyer potentiel sera à partir de ce jour immédiatement placé en quarantaine, par mesure de précaution. Il n’y a en tous cas, pour l’instant, « aucune pénurie de médicaments », explique le médecin-chef de l’hôpital de Van, puisque la région détient un stock de 3 000 boîtes de Tamiflu, seul antigrippal jugé efficace pour lutter contre la maladie.

Le virus semble en tous cas bien implanté dans l’est du pays, où les foyers semblent se multiplier. Après la province de Igdir (frontière arménienne) où les premiers cas apparurent le 26 décembre, c’est dans la province de Agri (immédiatement au sud) que les premiers cas de transmission à l’homme ont été détectés en fin de semaine, alors que de nouveaux cas de volailles infectées se déclaraient en milieu de cette semaine. Jeudi, le ministre Eker annonçait que 5 nouveaux foyers étaient repérés, indiquant un renforcement du risque. En octobre en effet, la contamination d’une ferme avait été parfaitement circonscrite, grâce à une réaction rapide des autorités sanitaires du pays, manifestement bien préparées.

Une simulation de situation de crise avait en effet été organisée fin septembre, et la région touchée, où sont implantés de nombreux élevages industriels, était paradoxalement plus facile à contrôler. Dans l’est du pays, pas de ferme avicole, la pauvreté incite les gens à conserver leur volaille, source de viande bon marché, en la cachant facilement, dans les maisons parfois à cause du froid ambiant. Ce qui rend la tâche plus difficile.


par Jérôme  Bastion

Article publié le 05/01/2006 Dernière mise à jour le 05/01/2006 à 18:19 TU