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Burkina Faso

Une avenue pour Thomas Sankara

L'avenue Thomas Sankara à Ouagadougou.(Photo : Alpha Barry/RFI)
L'avenue Thomas Sankara à Ouagadougou.
(Photo : Alpha Barry/RFI)
C’est le premier hommage officiel à l’ancien président Thomas Sankara. Une avenue porte désormais son nom dans la capitale, Ouagadougou. Est-ce la conséquence de la dernière élection présidentielle qui a vu une montée en puissance des partis sankaristes ? Les interprétations ne manquent pas sur ce geste inédit des autorités burkinabè.

De notre correspondant au Burkina Faso

C’est le 28 décembre dernier que la municipalité de Ouagadougou a baptisé des avenues de la ville du nom des cinq anciens chefs d’Etat du Burkina. Il s’agit de Maurice Yaméogo, du général Sangoulé Lamizana, du colonel Saye Zerbo, du médecin-commandant Jean-Baptiste Ouédraogo et du capitaine Thomas Sankara. C’est une première dans l’histoire du Burkina puisque jusque-là, aucune rue, aucune place ni aucun édifice public ne portait le nom d’un ancien chef d’Etat. Dans un pays où toutes les successions à la tête de l’Etat l’ont été par des coups de force, toute référence au passé a toujours été considérée comme un sujet tabou. Mais plus que les quatre premiers présidents, le cas du capitaine Sankara – assassiné dans le coup d’Etat qui a porté l’actuel chef de l’Etat Blaise Compaoré au pouvoir en octobre 1987 – était problématique.

Son nom est synonyme de totem pour le pouvoir. On ne l’évoque presque jamais. Figure emblématique de la révolution burkinabè (1983-1987) il exerce, plus de 18 ans après sa mort, un charisme sur bon nombre de ses compatriotes et d’Africains. Au Burkina donc, son nom dérange dans les cercles du pouvoir. Si bien que, pour de nombreux observateurs, le conseil municipal ne peut pas à lui seul décider de dédier une rue à l’ancien président révolutionnaire. « La décision est sans doute venue d’en haut », dit-on. Pour les uns, le pouvoir tire ainsi les leçons de la montée en puissance des partis sankaristes. En effet, lors de l’élection présidentielle du 13 novembre 2005, quatre candidats se réclamaient des idéaux de Thomas Sankara. Et c’est l’un d’entre eux, maître Bénéwendé Sankara – sans lien de parenté mais avocat de la veuve et des orphelins Sankara –  qui est arrivé deuxième derrière Blaise Compaoré. Mais s’il n’a obtenu qu’un peu plus de 4 % des suffrages contre plus de 80 % pour Blaise Compaoré, ce dernier n’a pas caché son agacement face au discours des sankaristes. Il s’est même vu obligé de s’expliquer sur le « divorce tragique » entre lui et son prédécesseur durant la campagne électorale.

Réhabiliter le capitaine Sankara ?

A peine réélu, Blaise Compaoré veut-il relancer au plus vite le processus de réhabilitation du capitaine Sankara ? C’est possible. Décrétée en 2000 dans le cadre d’un processus de réconciliation engagé à la suite de l’assassinat du journaliste Norbert Zongo, en décembre 1998, la réhabilitation de Thomas Sankara est en panne. Le mausolée qui lui a été dédié par décret présidentiel n’a toujours pas vu le jour. La famille, notamment sa veuve Mariam, rejette tout processus de réconciliation. D’ailleurs, aucun membre de la famille n’était présent à la cérémonie de baptême organisée par le conseil municipal.

Pour elle, la réconciliation ne devrait intervenir qu’après la « vérité et la justice » dans l’assassinat de Thomas Sankara. Or, la procédure enclenchée devant la justice burkinabè en septembre 1997 est bloquée depuis plus de deux ans. Renvoyé théoriquement devant la justice militaire, le dossier n’a plus bougé. Selon la loi burkinabè, le ministre de la Défense est désormais le seul à ordonner l’enrôlement de cette affaire. Mais jusque-là, aucune action publique n’a été engagée.


par Alpha  Barry

Article publié le 09/01/2006 Dernière mise à jour le 09/01/2006 à 13:01 TU