Changements climatiques
Contourner Kyoto
(Cartographie: Marc Verney/RFI, base Géoatlas)
A la fin de la réunion qui s’est déroulée à Sydney, le Premier ministre australien, John Howard, a donné la tonalité de la lutte que va entamer ce groupe inattendu pour freiner les changements climatiques : « L’idée que nous pouvons gérer le problème du changement de climat avec succès, aux dépens de la croissance économique, est non seulement irréaliste mais également inacceptable pour la population d’Australie que je représente ». « Je suis sûr que cela est tout aussi inacceptable pour la population de tous les pays qui sont autour de cette table », a encore lancé le chef du gouvernement australien.
Le gouvernement conservateur australien a, comme celui des Etats-Unis, refusé de ratifier le Protocole de Kyoto chargé d’encadrer de manière réglementaire la réduction des gaz à effet de serre rejetés dans l’atmosphère. Comme les Américains, les Australiens comptent sur l’arrivée de nouvelles technologies pour freiner les changements climatiques. « Nos sociétés nécessitent que nous trouvions des solutions qui maintiennent le dynamisme de la croissance économique», a encore expliqué John Howard.
Conformément à leurs principes, les Etats-Unis mettent en avant le secteur privé. Il doit prendre la place de l’Etat dans presque tous les domaines. Le privé est donc, une fois encore, appelé à la rescousse, cette fois pour freiner le réchauffement de la planète. Alliée privilégiée de Washington, l’Australie demande aux entreprises d’accomplir une partie du travail pour enrayer le phénomène, sans réglementation contraignante.
Pas de contrainte pour réduire les émissions
L’industrie était d’ailleurs très présente à cette réunion de Sydney. Huit groupes de travail ont été créés, associant gouvernements et entreprises. Toutes doivent trouver le moyen de réduire leurs émissions, notamment les secteurs les plus gourmands en énergie. Les compagnies minières, les fabricants d’aluminium, les cimentiers, les producteurs et distributeurs d’énergie, les sociétés de transports, vont inventer des solutions pour rejeter moins de résidus dans l’atmosphère. Les groupes de travail mis sur pied à Sydney doivent rendre leurs conclusions dans le courant de l’année 2006. Les énergies renouvelables sont sollicitées comme force de proposition.
Les Etats-Unis, la Chine, le Japon, la Corée du Sud, l’Australie et l’Inde ont donc créé le « Partenariat sur le développement propre et le climat ». Dans un communiqué final, les représentants de ces six pays ont affirmé que «les carburants fossiles sont à la base de nos économies et demeureront une réalité durant toute notre vie et au-delà. Il est donc déterminant que nous travaillions ensemble pour développer et utiliser des technologies plus propres, avec moins d’émissions de gaz polluants, pour pouvoir continuer à utiliser les carburants fossiles, tout en gérant le problème de la pollution de l’air et des émissions de gaz à effet de serre ».
La combustion de carburants fossiles comme le pétrole, le charbon ou le gaz est considérée comme responsable du réchauffement de la planète. A elle seule, la « bande des six » émet la moitié de la totalité des gaz à effet de serre. Si le Partenariat a « pour but de mobiliser les investissements intérieurs et étrangers vers des technologies propres, à émissions faibles », le défi ne se présente pas de la même manière pour tous ces partenaires.
La Chine et l’Inde, toujours à part
La Chine est le deuxième consommateur mondial de pétrole. Elle est également le deuxième émetteur de gaz carbonique, grand accusé du réchauffement climatique. Ces chiffres ont augmenté en raison de l’explosion économique du pays. Et la Chine n’a pas l’obligation de réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Elle ne fait pas partie du groupe des 39 pays riches visés par le Protocole de Kyoto. Mais Pékin commence à payer le prix de ce développement effréné et se préoccupe désormais de l’environnement. Le Partenariat de Sydney pourrait lui permettre de bénéficier de ces nouvelles technologies que les pays les plus riches et les plus pollueurs, comme les Etats-Unis, doivent absolument mettre au point pour prouver à leur opinion publique qu’ils ont fait le bon choix en misant sur l’innovation et non sur la contrainte.
L’Inde est dans la même situation économique que la Chine. Dans son communiqué final, le Partenariat rappelle d’ailleurs que sa « conviction de la nécessité urgente à poursuivre le développement et d’éradiquer la pauvreté est au cœur de sa vision ». Malgré des émissions qui explosent, les pays émergents n’ont pas d’obligations pour cause de retard de développement. Le Partenariat a repris la même idée que le Protocole de Kyoto.
Même au cours d’un sommet informel comme celui de Sydney, les pays en développement ont rappelé qu’ils ont des priorités différentes de celles des pays développés. Le ministre indien de l’Environnement, Thiru Raja, a parlé de la pauvreté et du besoin d’infrastructures de son pays. Un représentant du gouvernement chinois, Jiang Weixin, a pour sa part assuré que Pékin est « tout à fait prêt » à réduire progressivement ses émissions polluantes, tout en indiquant que pour le pays le plus peuplé de la planète, la réduction de la pauvreté passe en premier.
Réactions négatives
« Les intérêts à court terme du secteur des énergies fossiles ont été placés avant la santé et le bien-être à long terme des gens ordinaires », a regretté Catherine Fitzpatrick. Pour la représentante de Greenpeace à cette réunion de Sydney, l’accord ressemble plus à un pacte commercial qu’à une entente soucieuse de l’environnement. D’autres associations de protection de l’environnement ont qualifié ce Partenariat de « Pacte du charbon » entre les principaux pollueurs de la planète et des groupes énergétiques comme le pétrolier Exxon Mobil ou la société minière Rio Tinto.
par Colette Thomas
Article publié le 12/01/2006 Dernière mise à jour le 10/02/2006 à 12:17 TU