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Territoires palestiniens

Barghouti, l'atout maître du Fatah

Marwan Barghouti, tête de liste du Fatah, s'impose comme le rassembleur de la population palestinienne.(Photo : AFP)
Marwan Barghouti, tête de liste du Fatah, s'impose comme le rassembleur de la population palestinienne.
(Photo : AFP)
A la veille des élections palestiniennes, on s’interroge sur la capacité du Fatah à recueillir les faveurs des électeurs et à conserver la direction de l’appareil politique palestinien. En choisissant comme tête de liste le héraut de l'Intifada emprisonné en Israël, le parti au pouvoir espère ainsi empêcher le Hamas de s'arroger le monopole de la résistance et de l'intégrité.

De notre correspondant dans les Territoires palestiniens

Dimanche dernier, Marwan Barghouti est apparu sur l'écran de la chaîne de télévision qatari Al Jazeera. Barbu, les cheveux courts et vêtu de la tunique marron des prisonniers, il a répondu aux questions des journalistes depuis sa cellule de la centrale de Hadarim, dans le nord d'Israël. L'ancien héraut de l'Intifada, qui purge cinq peines de prison à vie, a appelé la population palestinienne à participer en masse aux législatives de mercredi. Alors que le Hamas talonne le Fatah dans les sondages et que la course aux sièges est plus serrée que jamais, il s'est placé au-dessus de la mêlée en conviant toutes les factions à former un gouvernement de salut national. A quelques heures de la clôture de la campagne, le coup était parfaitement joué. En une interview, la tête de liste du Fatah s'imposait en rassembleur. Comme si le président, ce n'était pas Mahmoud Abbas, cet homme déjà las du pouvoir, mais bien lui, Marwan Barghouti, à qui sa petite taille et sa francophilie valurent, quand il était jeune, le surnom de Napoléon.

Il est né en 1959 à Kober, un village des environs de Ramallah. Son père, un paysan communiste, lui a transmis l'amour de la terre et le virus de la rébellion. Sur le campus de l'université de Bir Zeit, la capitale de l'activisme palestinien dans les années 70, il se découvre vite fait l'étoffe d'un chef. Ses harangues enflammées attirent l'attention de l'armée israélienne qui l'expédie au cachot entre 1978 et 1983. Il y retourne en 1985, avant d'être expulsé des Territoires quand la première Intifada éclate. Depuis Amman et Tunis, le banni aide l'OLP de Yasser Arafat à encadrer les actions des militants du Fatah sur le terrain. A son retour en 1994, dans le sillage du raïs, il est désigné secrétaire général du parti pour la Cisjordanie.

Le soulèvement lui échappe

Un titre qui ne tarit pas sa gouaille et sa pugnacité. Sur les bancs du Parlement où il est élu en 1996, il pourfend les abus du nouveau régime et harcèle la clique de caciques qui prospèrent dans l'orbite de Yasser Arafat. Son enthousiasme pour la paix d'Oslo s'éteint à mesure que les colonies s'étendent. Les conférences internationales auxquelles il participe aux côtés de députés israéliens du Likoud comme du Meretz (gauche) ne le grisent plus. Dès 1998, il appelle au boycott des négociations et quand la seconde Intifada éclate, il en prend naturellement la tête.

L'objectif qu'il lui assigne est double : ramener les Palestiniens à la table des négociations en position de force et imposer l'agenda de la jeune garde du Fatah aux barons de l'Autorité. Sur ces deux plans, Barghouti échoue. Le soulèvement qu'il rêvait de contrôler lui échappe à mesure qu'il monte en puissance et dans la rue, les kamikazes du Hamas dament le pion des fantassins du Fatah. Quand celui-ci décide à son tour de commettre des attentats-suicide, le piège se referme. Considéré comme le chef des Brigades des martyrs Al-Aqsa, Barghouti est capturé en avril 2002, inculpé dans le meurtre de quatre Israéliens et d'un moine grec et expédié derrière les barreaux pour le restant de ses jours.

Dans la réalité de l'isoloir…

Paradoxalement, c'est de là qu'il orchestre et réussit la revanche des quadras du Fatah sur leurs aînés. En déposant une liste dissidente pour les législatives, il menace le parti de Mahmoud Abbas d'une raclée face au Hamas, qui caracole de succès en succès aux municipales. Survient alors un étrange ballet autour du parloir de la prison de Hadarim. Chaque jour, un nouveau visiteur vient instruire Barghouti des tractations en cours ou bien recueillir des consignes à destination d'Abbas. La crise est finalement dénouée lors d’un coup de téléphone d'une demi-heure entre la Moqataa, le siège de la direction palestinienne, et le local des gardiens. Le président cède et compose la liste unique sous la dictée de son insolent cadet.

Quel sera son succès ? En privilégiant les candidatures des jeunes cadres comme lui, parfois impliqués dans les combats de l'Intifada, au détriment de celles des vétérans compromis dans l'échec d'Oslo, Barghouti espère empêcher le Hamas de s'arroger le monopole de la résistance et de l'intégrité. Voilà pour la théorie. Dans la réalité de l'isoloir, la tentation de punir le parti au pouvoir sera peut-être beaucoup plus forte que l'aura personnelle du prisonnier de Hadarim.


par Benjamin  Barthe

Article publié le 24/01/2006 Dernière mise à jour le 24/01/2006 à 18:22 TU

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Lucas Menget et Manu Pochez

Envoyés spéciaux de RFI à Ramallah et à Hébron

«Nous n’avons jamais voulu imposer un Etat islamique tout simplement parce qu’il n’y a pas d’Etat pour les Palestiniens. D’abord mettons fin à l’occupation et créons un Etat et à ce moment-là nous ferons un référendum.»

[24/01/2006]

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