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Territoires palestiniens

A Gaza, les élections prises en otage

Des militants du Hamas collent des affiches à Gaza. Pourtant, on parle de plus en plus d'un report des élections législatives.(Photo : AFP)
Des militants du Hamas collent des affiches à Gaza. Pourtant, on parle de plus en plus d'un report des élections législatives.
(Photo : AFP)
Le climat quasi-insurrectionnel qui règne dans la bande de Gaza et les entraves posées par Israël à l’organisation du vote à Jérusalem-Est remettent en cause la tenue des élections législatives palestiniennes le 25 janvier prochain.

De notre correspondant dans les Territoires palestiniens

Dans la nuit de lundi à mardi, les murs des villes palestiniennes se sont couverts d’affiches et de banderoles électorales. La campagne en vue du scrutin législatif du 25 janvier prochain a officiellement commencé. Onze listes sont désormais lancées dans la course aux cent trente-deux sièges du futur parlement palestinien. Et pourtant, paradoxalement, la probabilité que le vote se tienne à la date prévue, ou du moins qu’il se déroule dans des conditions de régularité satisfaisantes, n’a jamais paru aussi faible.

Le premier obstacle vient du climat quasi-insurrectionnel entretenu par les milices proches du Fatah, le parti au pouvoir, dans la bande de Gaza. Pas un jour ne passe sans que ces gangs ne kidnappent un étranger, ne prennent d’assaut des bâtiments publics ou n’obligent les bureaux de la commission électorale à fermer. Téléguidées en sous-main par des chefaillons du Fatah déçus par la composition de la liste nationale du mouvement, ces exactions quotidiennes ne se heurtent à aucune opposition. Peu payées, mal équipées, discréditées par cinq années d’impuissance face à la machine de guerre israélienne, les forces de sécurité palestiniennes préfèrent garder l’arme au pied que d’affronter des bandes mieux entraînées et plus déterminées. Une inertie qui confine à la mutinerie, car certains policiers n’hésitent pas à faire le coup de feu des deux côtés. Lundi, Alaa Hosni, le chef de la police palestinienne, a reconnu l’étendue du désastre. « Les miliciens sont en train de planifier des attaques contre les bureaux de vote », a-t-il déclaré, avant d’appeler à un report du scrutin.

Arrière-pensées politiques

La direction du Fatah partage son analyse. Dans une noté adressée au président Mahmoud Abbas, des membres du comité central, l’instance suprême du parti, ont conseillé de différer les élections si le chaos venait à persister. Selon Abbas Zaki, l’un des signataires de la note aux côtés d’Ahmed Qoreï, le Premier ministre, et de Nabil Sha’ath, le vice-Premier ministre, le déchaînement de violence « constitue une sérieuse menace pour le processus démocratique ». A Jérusalem, les candidats du Fatah appellent eux aussi à la suspension du processus électoral, en signe de protestation contre les entraves posées par Israël à la tenue du scrutin dans les quartiers arabes de la ville sainte. Après avoir refusé d’autoriser le vote du fait de la participation du Hamas, le gouvernement d’Ariel Sharon a fait machine arrière, sans préciser toutefois le dispositif auquel il était prêt à consentir, ce qui entretient des doutes sur ses intentions réelles. « S’il n’y a pas d’élections à Jérusalem, il n’y aura pas d’élections tout court, a prévenu Ahmed Ghneim. Sans les garanties de la communauté internationale, nous boycotterons le scrutin ».

Des préoccupations légitimes qui se doublent parfois d’arrière-pensées dans la mesure où certains des plus vifs partisans du report, comme Ahmed Qoreï, ont été exclus de la liste nationale au profit des jeunes cadres du mouvement. « De nombreux membres influents du Fatah sont opposés à la tenue des élections, dit Ali Jarbawi, un analyste politique. Ce n’est pas la montée du Hamas qui les inquiète. Même si les sondages accordaient 60% des intentions de vote au Fatah, ils continueraient d’appeler au report. Ce qui leur fait peur, c’est de perdre leur statut et leur assise à la faveur du vote. Ils luttent pour leur survie politique ».

Pendant longtemps, Mahmoud Abbas a fait mine d’ignorer ces pressions partisanes, martelant à occasions régulières que les élections se tiendraient à la date prévue. Mais lundi, pour la première fois, le président palestinien a menacé de les repousser si Israël n’autorisait pas le vote des Palestiniens à Jérusalem. Cette déclaration peut être lue comme une manœuvre destinée à faire pression sur Ariel Sharon. Ou comme une tentative de se ménager une porte de sortie si la poursuite du chaos à Gaza rendait la tenue des élections définitivement impossible.


par Benjamin  Barthe

Article publié le 03/01/2006 Dernière mise à jour le 03/01/2006 à 15:12 TU