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Proche-Orient

Le Fatah tente de sauver les meubles

Représentant de la vieille garde du Fatah, Mahmoud Abbas cherche à mettre fin à la querelle qui oppose les jeunes militants du parti aux anciens compagnons de route de Yasser Arafat.(Photo: AFP)
Représentant de la vieille garde du Fatah, Mahmoud Abbas cherche à mettre fin à la querelle qui oppose les jeunes militants du parti aux anciens compagnons de route de Yasser Arafat.
(Photo: AFP)
La crise au sein du Fatah, le parti historique des Palestiniens, était latente depuis des années. A la mort de Yasser Arafat, en novembre 2004, une guerre de succession avait été évitée de justesse. Mais aujourd’hui la principale formation de l’OLP, l’Organisation de libération de la Palestine, est au bord de l’implosion. A un mois des élections législatives pour lesquelles le mouvement radical Hamas est crédité de 40% des intentions de vote, le président palestinien Mahmoud Abbas cherche à unir les rangs au sein du Fatah en tentant de mettre un terme à la guerre fratricide qui oppose la vieille garde du mouvement, aujourd’hui au pouvoir, à une nouvelle génération de dirigeants dont Marouane Barghouti, qui purge actuellement cinq peines de prison à vie en Israël, est le symbole.

Les hommes de Tunis n’ont plus le vent en poupe depuis des années. Les compagnons de lutte de Yasser Arafat, rentrés d’exil avec lui après la signature des accords d’Oslo en 1993 et qui depuis s’accrochent au pouvoir, traînent en effet derrière eux une réputation de corrompus et de mauvais gestionnaires. Face à eux, les quadras du Fatah, ceux que l’on appelle les Palestiniens de l’Intérieur, ceux qui ont vécu au quotidien l’occupation israélienne et qui ont bâti leur légitimité sur les ruines de la première et de la seconde Intifada. Les querelles intestines qui opposent depuis des mois ces deux clans, et qui dans certains cas se sont déplacées dans la rue, ont considérablement affaibli le Fatah, incapable notamment, lors des dernières échéances électorales locales, de présenter un visage uni. Cette désorganisation du parti historique des Palestiniens a largement profité au mouvement radical Hamas qui a ainsi raflé lors des municipales partielles du 15 décembre plusieurs importantes agglomérations de Cisjordanie, dont Naplouse, jusque-là fiefs du Fatah.

Et à un peu plus d’un mois des élections législatives, auxquelles participe pour la première fois le parti fondé il y a dix-huit ans par cheikh Ahmed Yassine, les sondages ne sont guère encourageants pour le Fatah qui a échoué une nouvelle fois à présenter un front uni. Une étude réalisée par l’Institut de recherche palestinien sur un échantillon de 2 500 électeurs de Cisjordanie révèle en effet que 40% d’entre eux se déclarent prêts à voter Hamas aux législatives contre seulement 20% pour le Fatah. Le mouvement radical, dont les membres jouissent d’une réputation d’honnêteté, a, il est vrai, présenté dans les temps une liste unique de candidats, là où son principal rival a encore une fois montré le visage de la désunion. La Commission électorale centrale, en charge de l’organisation des élections, a en effet reçu deux listes de candidats du Fatah. L’une officielle, transmise par la direction du mouvement qui a choisi à la dernière minute de désigner tête de liste Marouane Barghouti. La seconde, dissidente, baptisée l’Avenir, sur laquelle figurent des personnalités de premier plan telles Mohammed Dahlane, ministre des Affaires civiles, ou Jibril Rajoub, conseiller sécuritaire de Mahmoud Abbas, et qui est également menée par le chef du Fatah incarcéré en Israël depuis le 15 avril 2002.

Abbas sonne la fin des querelles

Conscient des dangers que représente la participation aux législatives d’un Fatah divisé, le Comité central du parti a décidé jeudi dans la nuit, lors d’une réunion présidée par Mahmoud Abbas et après d’intenses négociations, de fusionner les deux listes en une seule qui sera conduite par le très populaire Marouane Barghouti. Un compromis a été âprement conclu en vertu duquel les ministres et les députés sortants du Fatah, ainsi que les membre du Comité central, ne figureront pas sur la liste présentée par le parti au niveau national mais pourront participer au scrutin en se portant candidat dans leur propre circonscription. La moitié des 134 députés du nouveau Parlement sera en effet élue sur des listes nationales tandis que les 67 membres du Conseil législatif palestinien restants le seront par circonscription. Cet accord a, il va sans dire, provoqué des grincements de dents chez les caciques du mouvement qui accusent la direction du parti d’avoir plié face à la jeune garde. L’ancien Premier ministre Ahmed Qoreï, qui a démissionné il y a deux semaines pour se porter candidat aux législatives –il était en deuxième position sur la liste officielle–, a ainsi annoncé vendredi qu’il renonçait à se présenter.

Mais au-delà du mécontentement des militants de la première heure du Fatah, la décision du Comité central du parti de fusionner les deux listes est loin d’être acquise. Elle reste en effet tributaire de la décision d’un tribunal spécial saisi par le Fatah pour permettre une réouverture temporaire des dépôts de candidatures auprès de la Commission électorale centrale. Le parti fait valoir que cette instance avait fermé ses bureaux pratiquement toute la journée du 13 décembre à la suite de violences et qu’en conséquence elle devrait accorder un délai supplémentaire aux candidats désirant s’inscrire. La justice devrait trancher samedi 24 décembre.

Depuis plusieurs jours, les rumeurs circulent sur un probable report des élections prévues initialement fin janvier. Les divisions du Fatah mais surtout la décision d’Israël d’interdire le vote à Jérusalem-Est n’y sont pas étrangères. Les menaces des Etats-Unis ainsi que celles de l’Union européenne, principal bailleur de fonds de l’Autorité palestinienne, de suspendre leur aide financière au cas où le Hamas participerait aux législatives y ont également largement contribué. Mais le Comité exécutif de l’OLP –qui regroupe la plupart des mouvements palestiniens– a tenu jeudi à rappeler «son attachement total à la tenue des élections législatives à la date prévue, à savoir le 25 janvier 2005».  


par Mounia  Daoudi

Article publié le 23/12/2005 Dernière mise à jour le 23/12/2005 à 19:15 TU