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Proche-Orient

Gaza sombre dans la violence

Des policiers de Gaza défilent devant le Conseil législatif palestinien après le décès de l'un des leurs suite à de violents heurts avec le Hamas. (Photo: AFP)
Des policiers de Gaza défilent devant le Conseil législatif palestinien après le décès de l'un des leurs suite à de violents heurts avec le Hamas.
(Photo: AFP)
La ville de Gaza a été dimanche le théâtre de très violents affrontements qui ont opposé, pendant plusieurs heures, des policiers palestiniens à des activistes du mouvement radical Hamas. Trois personnes ont été tuées, deux civils et un officier de police. Ces incidents meurtriers révèlent, s’il en était encore besoin, l’étendue des difficultés auxquelles fait face depuis des semaines l’Autorité palestinienne, incapable d’instaurer l’ordre dans la bande de Gaza depuis que ce territoire a été évacué, après trente-huit ans d’occupation, par l’Etat d’Israël. Sanctionnant l’action du gouvernement d’Ahmed Qoreï, le Conseil législatif palestinien a adopté lundi une motion enjoignant le président Mahmoud Abbas à former un nouveau cabinet dans les quinze jours.

Le chef de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a beau affirmé contrôler la situation sécuritaire dans la bande de Gaza, la réalité sur le terrain apporte chaque jour un démenti cinglant à ces déclarations. Et les incidents meurtriers de dimanche, au cours desquels trois personnes ont été tuées –dont deux civils– et une cinquantaine d’autres blessées, ne laissent présager rien de bon pour l’avenir dans ce territoire en proie au chaos depuis son évacuation par l’armée israélienne le 12 septembre dernier. La façon dont la situation a dégénéré hier en dit d’ailleurs long sur la tension qui règne sur le terrain. Tout a en effet commencé par une simple altercation impliquant Mohammed Rantissi, le fils de l’ancien dirigeant du Hamas Abdelaziz Rantissi, abattu par l’armée israélienne en 2004. Ce dernier a contesté à un Palestinien le droit d’utiliser avant lui un distributeur de billets. Le ton est très vite monté et Mohammed Rantissi a alors mobilisé les militants armés qui l’accompagnaient, contraignant la police à intervenir pour les arrêter puisque, selon une loi récemment entrée en vigueur, le port d’armes est interdit en public dans la bande de Gaza.

La banale querelle entre deux usagers de la Bank of Palestine s’est alors transformée en bataille rangée. Les activistes du Hamas ont attaqué au lance-roquettes anti-chars un poste de police. Ils ont également lancé des grenades et tiré à l’arme automatique contre les forces de l’ordre qui ont riposté. Les affrontements ont duré plusieurs heures et se sont déplacés jusque dans l’enceinte de l’hôpital Chifa, le plus gros établissement de la ville de Gaza. Et la plupart des personnes blessées dans ces violences étaient des enfants «atteints par des éclats de roquettes», a déploré un médecin de cet hôpital.

Comme de coutume, policiers et miliciens du Hamas se sont rejeté la responsabilité de ces affrontements. Dans un communiqué, le mouvement radical a ainsi affirmé que lorsque «Mohammed Rantissi a refusé de se rendre, les forces de l’ordre ont ouvert le feu sur son véhicule, faisant plusieurs blessés». La version du ministère de l’Intérieur est bien sûr tout autre. Elle confirme que l’escalade a bien commencé par «une altercation entre M. Rantissi et un client de la Bank of Palestine». Mais l’affaire aurait dégénéré quand «les hommes armés du Hamas ont lancé des grenades contre les policiers qui étaient intervenus, blessant deux d’entre eux». Le communiqué du ministère précise également que la police a ensuite pris en chasse les quatre activistes du mouvement radical «équipés d’armes automatiques et de grenades» qui s’étaient enfuis en voiture. Et si elle a ouvert le feu, c’est uniquement pour les empêcher d’entrer aux urgences de l’hôpital Chifa. «Le Hamas porte l’entière responsabilité de ce qui s’est passé. Il a violé la loi et le consensus national», a conclu le ministère de l’Intérieur.

Des policiers au Parlement

Signe de l’exacerbation des forces de l’ordre, des dizaines de policiers, certains en uniforme, d’autres en civil, ont fait irruption lundi à Gaza dans l'immeuble du Conseil législatif palestinien –Parlement– pour protester contre la mort la veille de l’un des leurs et surtout contre la liberté d'action laissée, selon eux, aux activistes du Hamas. «Soit l'Autorité, soit le Hamas!», ont notamment scandé ces agents furieux devant l'incapacité de l'Autorité palestinienne à désarmer le mouvement radical. «Nous voulons que l'Autorité palestinienne prenne une position ferme sur le Hamas. Notre sang coule pour l'Autorité et elle ne fait rien», a expliqué un des officiers de police.

Une chose est sûre, l’anarchie qui règne depuis plusieurs semaines dans la bande de Gaza a sérieusement fragilisé le gouvernement d’Ahmed Qoreï. Une commission parlementaire, formée pour enquêter sur le chaos sécuritaire dans ce territoire, a estimé lundi que le ministre de l'Intérieur et de la Sécurité nationale Nasser Youssef avait «échoué dans sa mission» de rétablir l’ordre. Dans un rapport sans complaisance, elle a recommandé «le vote d'une motion de censure contre le gouvernement» ainsi que le «limogeage de tous les chefs incompétents des services de sécurité et de leurs adjoints».

Sans aller aussi loin que le réclamait la commission d’enquête parlementaire, les députés palestiniens n’ont en pas moins adopté lundi une motion appelant le président Mahmoud Abbas à mettre en place un nouveau gouvernement en raison de l'incapacité du cabinet actuel à mettre fin au chaos sécuritaire. Sur les députés présents, 43 ont voté en faveur de la motion, cinq contre et cinq se sont abstenus. Cette motion contraignante enjoint le chef de l’Autorité palestinienne à mettre en place «dans un délai de deux semaines un nouveau gouvernement transitoire jusqu'aux élections législatives», prévues le 25 janvier prochain. En adoptant cette formulation, les députés ont laissé une porte de sortie à Mahmoud Abbas, qui pourra, s’il le souhaite, garder Ahmed Qoreï comme Premier ministre. Les relations entre les deux hommes sont tendues depuis des mois et une mise à l’écart de l’actuel chef du gouvernement risquerait d’accentuer les luttes de pouvoir au sein du Fatah qui a plus que jamais besoin d’unir ses rangs pour faire face au Hamas lors du scrutin de janvier.


par Mounia  Daoudi

Article publié le 03/10/2005 Dernière mise à jour le 03/10/2005 à 17:27 TU

Audio

Dominique Roch

Envoyée spéciale permanente de RFI au Proche-Orient

«Des roquettes antichars ont été utilisées...»

Frank Weil-Rabaud

Journaliste à RFI

«Ce grave incident vient confirmer le chaos sécuritaire qui règne dans les territoires palestiniens. »

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