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Proche-Orient

Fatah et Hamas évaluent leurs forces aux municipales

Les municipales de mai 2005 vont permettre de mesurer le rapport de forces entre le Fatah du président Abbas et les radicaux du Hamas.(Photo: AFP)
Les municipales de mai 2005 vont permettre de mesurer le rapport de forces entre le Fatah du président Abbas et les radicaux du Hamas.
(Photo: AFP)
Malgré l’impasse dans laquelle se trouve actuellement le processus de paix au Proche-Orient, la vie politique palestinienne semble suivre son cours dans les Territoires occupés. Quelque 400 000 personnes étaient appelées jeudi à élire leurs représentants aux conseils municipaux dans 84 localités de Cisjordanie et de la bande de Gaza. Ces élections locales, dont la première phase s’était déroulée en décembre et en janvier et dont la dernière doit s’achever en août, sont les premières organisées depuis 1976. Le vote de jeudi est considéré comme un test pour le Fatah –le parti du président Mahmoud Abbas– et pour les radicaux du Hamas. Il devrait en effet permettre à ces deux principaux mouvements palestiniens de mesurer leur popularité à deux mois des élections législatives prévues le 17 juillet prochain.

Les Palestiniens doivent désigner parmi quelque 2 519 candidats, dont 399 sont des femmes, leurs 906 conseillers municipaux dans 76 circonscriptions de Cisjordanie et huit autres de la bande de Gaza. Ce scrutin, comme la plupart de ceux qui ont eu lieu dans les Territoires palestiniens, se déroule sous l’œil vigilant de la communauté internationale. Une délégation du Conseil de l’Europe ainsi que 80 élus et représentants de collectivités locales françaises, espagnoles, italiennes et néerlandaises sont en effet présents pour contrôler le déroulement de ces élections. La fondation américaine du National Democratic Institut a également dépêché sur place des observateurs internationaux dirigés par un ancien député norvégien et un sénateur canadien. Et l’Autorité palestinienne a déployé quelque 3 000 policiers pour permettre aux électeurs de voter dans les meilleures conditions de sécurité possibles. Il est vrai que l’enjeu de ce scrutin est loin d’être anodin. Sur le plan local, il va en effet permettre de renouveler le tissu politique palestinien, les dernières élections de ce type remontant à il y a près de trente ans. Or à cette époque, le mouvement radical Hamas, aujourd’hui rival sérieux du Fatah fondé par Yasser Arafat, n’existait pas encore.

Sur le plan national, ces municipales devraient permettre aux principaux mouvements en présence de mesurer leurs forces dans la perspective des législatives prévues dans un peu plus de deux mois. Lors de la première phase des élections locales, en décembre et janvier derniers, les radicaux du Hamas, qui pour la première fois de leur histoire participaient à un scrutin, avaient sérieusement mis à mal la suprématie du Fatah. Dans son fief de la bande de Gaza, le mouvement fondé par cheikh Ahmed Yassine avait en effet raflé la majorité des sièges tandis qu’en Cisjordanie il faisait jeu égal avec le Fatah de Mahmoud Abbas. Le principal mouvement palestinien, miné par les scandales de corruption et par les luttes de pouvoir entre la vieille génération, rentrée en 1994 d’exil avec Yasser Arafat, et la jeune garde, qui a vécu l’occupation israélienne de l’intérieur, avait alors accusé le coup, s’engageant à réformer en profondeur ses instances. Mais il semblerait que les divisions demeurent au point où le Fatah a été, à en croire le Jerusalem Post, incapable de présenter dans certaines circonscriptions des candidatures uniques. Ainsi, dans certaines localités, plusieurs listes affiliées au Fatah sont en compétition et certains membres du mouvement se sont même présentés en indépendants. Une configuration qui ne peut qu’être favorable aux radicaux du Hamas.

Les réformes d’Abou Mazen

Mais le Fatah ne désespère pas pour autant de réaliser une meilleure performance que celle qui fut la sienne il y a quelques mois. Il compte pour cela sur les réformes engagées par son chef Abou Mazen –nom de guerre de Mahmoud Abbas– depuis son élection triomphale du 7 janvier dernier à la tête de l’Autorité palestinienne. Le président, qui s’était fixé comme priorités le rétablissement de la sécurité sur le terrain et la lutte contre la corruption qui ronge la direction palestinienne, a déjà pris plusieurs mesures significatives. Il a notamment entamé en avril la très complexe réforme des services de sécurité palestiniens en réduisant leur nombre à trois –contre une douzaine auparavant– et en les plaçant, à l’exception des Renseignements qui restent dans son giron, sous la tutelle du ministère de l’Intérieur. Abou Mazen a également écarté la veille garde de son prédécesseur Yasser Arafat, mettant à la retraite plusieurs hauts dirigeants dont la réputation était entachée par des scandales de corruption. Une nouvelle loi, imposant au personnel des forces de sécurité de prendre sa retraite à 60 ans, va ainsi lui permettre d’écarter des centaines de personnes parmi lesquels des dizaines d’officiers dont onze généraux.

Ces changements au sein des services ont donné le coup d’envoi à la reprise en main de la situation sécuritaire dans les territoires contrôlés par l’Autorité palestinienne. «La sécurité des citoyens est notre première préoccupation. Nous avons commencé à agir et nous allons continuer», a ainsi affirmé il y a une dizaine de jours Mahmoud Abbas avant d’ordonner aux nouveaux responsables des services qu’il a nommés de mettre un terme au chaos qui règne dans certaines secteur de la bande de Gaza et de Cisjordanie. En ce qui concerne la lutte contre la corruption –fléau qui a coûté sa crédibilité au Fatah–, le chef de l’Autorité palestinienne a décidé à titre d’exemple de traduire en justice quatre hauts responsables accusés d’avoir détourner des centaines de milliers de dollars. D’autres officiels, également accusés de malversations financières, ont été marginalisés ou mis à l’écart.

Mais si sur le plan interne, Mahmoud Abbas applique, certes lentement mais sûrement, un programme de réformes des institutions, il n’a pas autant de succès en ce qui concerne le processus de paix avec les Israéliens qui viennent de geler le transfert du contrôle des villes de Cisjordanie aux Palestiniens et qui refusent toujours de libérer des prisonniers. Or en l’absence d’une perspective politique, la trêve informelle, arrachée par Abou Mazen aux groupes radicaux palestiniens et observée de fait depuis janvier, pourrait voler en éclat à tous moments et faire replonger la région dans les violences.


par Mounia  Daoudi

Article publié le 05/05/2005 Dernière mise à jour le 05/05/2005 à 17:41 TU