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Proche-Orient

Qoreï malmené par la jeune garde du Fatah

Ahmed Qoreï a été violemment critiqué lundi lors de la séance du Conseil législatif palestinien, au cours de laquelle il a présenté son nouveau cabinet.(Photo : AFP)
Ahmed Qoreï a été violemment critiqué lundi lors de la séance du Conseil législatif palestinien, au cours de laquelle il a présenté son nouveau cabinet.
(Photo : AFP)
L’avenir du Premier ministre palestinien était des plus incertains mercredi. Confronté à une fronde sans précédent de l’aile réformatrice de son parti, le Fatah, Ahmed Qoreï n’était en effet toujours pas parvenu à obtenir l’investiture de son nouveau cabinet, pourtant remanié en profondeur après les virulentes critiques dont avait fait l’objet lundi sa première proposition de remaniement ministériel. Confirmé à son poste par Mahmoud Abbas après son élection le 9 janvier à la tête du l’Autorité palestinienne, le chef du gouvernement pourrait être la première victime de la crise qui oppose de plus en plus ouvertement au sein du Fatah la jeune garde, partisane des réformes, et l’ancienne garde, représentée par les proches collaborateurs de l’ancien raïs Yasser Arafat, dont certains sont impliqués dans des affaires de corruption.

La jeune garde du Fatah semble décidément déterminée à en finir avec les apparatchiks du parti dont Ahmed Qoreï est certainement l’un des symboles les plus emblématiques. Violemment critiqué lundi par les députés de son propre parti qui ont rejeté la composition de son nouveau gouvernement, incapable selon eux de mener à bien les réformes dont les institutions palestiniennes ont un besoin vital, le Premier ministre s’est empressé de revoir sa copie. Il est vrai que la première équipe qu’il a soumise à l’approbation du Conseil législatif palestinien avait un air de déjà  vu avec seulement quatre nouveaux arrivants et des personnalités qui ont été aux affaires dans l’un des précédents gouvernements de l’Autorité palestinienne et dont certaines ont la réputation entachée par des affaires de corruption.

Abou Alaa –nom de guerre d’Ahmed Qoreï– n’avait donc guère le choix que de remanier radicalement son cabinet. Et pour tenter de mettre un terme à la fronde de l’aile réformatrice de son parti, il s’est très vite engagé à former un gouvernement de technocrates. Seuls deux députés du Conseil législatif palestinien devaient ainsi y entrer et occuper de nouveaux postes : l’ancien ministre des Affaires étrangères Nabil Chaath –à la réputation sulfureuse puisque son nom a été cité dans un rapport parlementaire sur la corruption– et le très médiatique ministre en charge des Négociations Saëb Erakat, qui a toutefois refusé l’offre d’entrer au gouvernement. Les noms d’une dizaine de nouveaux ministres, n’ayant apparemment jamais participé à la conduite des affaires de l’Autorité palestinienne, avaient également été arrêtés, de même qu’ont été confirmés des proches du président palestinien Mahmoud Abbas. Mais malgré tous ces changements, Ahmed Qoreï n’est visiblement pas parvenu à convaincre ses détracteurs qui menacent toujours de ne pas voter l’investiture de son nouveau cabinet.

Vers une démission d’Ahmed Qoreï

Ainsi à en croire le quotidien israélien Haaretz, plus d’une vingtaine de députés, parmi lesquels plusieurs membres du Fatah, se sont retrouvés dans la soirée de mardi dans un hôtel de Ramallah et ont décidé de ne pas apporter leur soutien à la nouvelle liste présentée par Abou Alaa. Il semblerait en effet que ce soit la personnalité même du Premier ministre qui est aujourd’hui contestée. Plusieurs voix au sein du Conseil législatif palestinien se sont en effet élevées pour réclamer son départ. «La majorité est pour un gouvernement de technocrates mais le problème réside dans son chef», a ainsi affirmé l’ancien ministre de la Justice et député du Fatah Freih Abou Medein.

L’éventualité d’un départ du Premier ministre est d’ailleurs de plus en plus ouvertement évoquée à Ramallah. Plusieurs de ses proches collaborateurs ont même laissé entendre qu’Abou Alaa n’avait aucune intention de présenter un nouveau cabinet à l’approbation des députés palestiniens. Selon eux en effet, il existerait au sein du Fatah un complot destiné à rejeter toute nouvelle liste proposée par Ahmed Qoreï. Et signe que son maintien à la tête du gouvernement est aujourd’hui des plus aléatoires, des noms de personnalités en vue circulent d’ores et déjà dans la perspective de son remplacement. L’actuel ministre des Finances Salam Fayyed –très apprécié par la communauté internationale pour les réformes qu’il a mises en place pour assainir les comptes de l’Autorité palestinienne– pourrait ainsi lui succéder ou encore, Raouhi Fattouh, l’actuel président du Conseil législatif palestinien.

Toujours est-il qu’un départ d’Ahmed Qoreï représenterait une victoire incontestable pour la jeune garde du Fatah qui voit ainsi consacrées ses revendications de réformes et de démocratie. Et cela même si la mise en place d’un gouvernement de technocrates –dont il ne faut pas non plus exagérer l’importance puisqu’il ne devrait gérer les affaires du pays que pendant quelques mois, d’ici les législatives de juillet– signifie aussi la fin de l’ère Arafat puisque ce sont ses proches collaborateurs –les hommes de Tunis– qui seront désormais écartés du pouvoir. Mais tant que les affrontements qui opposent réformateurs et ancienne garde se dérouleront dans l’enceinte du Conseil législatif ou dans celle des partis politiques, la démocratie palestinienne ne pourra qu’en sortir renforcée. Encore faut-il que les acteurs de la scène politique jouent le jeu. Un mystérieux groupe se faisant appeler Les fils loyaux de Yasser Arafat s’est en effet récemment fait connaître par des tracts distribués à Ramallah menaçant de représailles la jeune génération du Fatah. «Faites attention, notre patience a des limites. Le fait que vous ayez été élus ne vous aidera pas car nous ne vous laisserons pas jouer avec l’avenir de notre nation», peut-on notamment lire sur ces tracts.


par Mounia  Daoudi

Article publié le 23/02/2005 Dernière mise à jour le 23/02/2005 à 18:11 TU