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Proche-Orient

Israéliens et Palestiniens changent de ton

Pour la première fois depuis cinq mois, des ouvriers ont pu franchir le passage d’Erez entre Gaza et Israël pour tenter de trouver du travail en Israël.(photo :AFP)
Pour la première fois depuis cinq mois, des ouvriers ont pu franchir le passage d’Erez entre Gaza et Israël pour tenter de trouver du travail en Israël.
(photo :AFP)
Les relations israélo-palestiniennes ont enregistré ces dernières heures de nouveaux progrès, les deux parties multipliant les gages de bonne volonté. Tandis que le président palestinien Mahmoud Abbas poursuivait ses discussions avec les groupes extrémistes pour tenter de les convaincre de renoncer à la violence, les autorités israéliennes rouvraient le point de passage d’Erez et annonçaient la libération prochaine de plusieurs centaines de prisonniers. Et les forces de sécurité palestiniennes devraient reprendre au cours des prochaines heures le contrôle de la ville de Jéricho.

Le changement d’attitude est net depuis le sommet de Charm al-Cheikh au cours duquel Israéliens et Palestiniens se sont engagés, la semaine dernière, à mettre fin aux violences. Dans une interview publiée lundi par le New York Times, le président palestinien Mahmoud Abbas estime qu’une «nouvelle ère» s’est ouverte et que le Premier ministre israélien Ariel Sharon a adopté «un langage différent». Et il estime que le plan israélien visant à évacuer les 21 colonies de peuplement juif de la bande de Gaza et quatre petites implantations de Cisjordanie cet été est un «bon signe pour commencer» à avancer sur le chemin de la paix. «Et désormais, il (Sharon ) a un partenaire», assène Mahmoud Abbas, qui fixe comme priorité absolue la libération des prisonniers palestiniens.

Cette demande, maintes fois émises par Mahmoud Abbas depuis son arrivée au pouvoir le 9 janvier, a été partiellement acceptée par les autorités israéliennes. Encouragées par les efforts de l’Autorité palestinienne pour réduire la violence, elles ont décidé dimanche la libération prochaine d’un premier groupe de 500 détenus. Une liste de 716 noms avaient été remises aux services de sécurité israéliens qui ont procédé à une sélection, en excluant tous les Palestiniens impliqués dans des attaques anti-israéliennes ayant fait des victimes. Qassam Barghouti, fils du dirigeant palestinien condamné à une peine de prison à vie, n’a ainsi pas pu profiter de cette mesure d’élargissement. A l’exception de quelques-uns d’entre eux, les détenus sur le point d’être libérés ont purgé les deux-tiers de leur peine et devaient de toute façon être remis en liberté dans deux ans. Avouant qu’il ne s’agissait pas «d’une décision facile», Ariel Sharon a exprimé son espoir qu’elle puisse «aider l’autorité palestinienne à assurer son contrôle et renforcer la confiance mutuelle entre les parties». Et les autorités israéliennes étudient la libération d’un deuxième groupe de 400 prisonniers, environ 8 000 Palestiniens étant actuellement détenus en Israël.

Le réchauffement des relations israélo-palestiniennes se traduit également par l’annonce de la restitution des corps de quinze activistes tués dans la bande de Gaza. De plus, une soixantaine de Palestiniens expulsés par Israël de Cisjordanie ont été autorisés à rentrer chez eux et devraient le faire au cours des quinze prochains jours. Durant ces deux dernières années, les autorités israéliennes ont expulsé 56 résidents de ce territoire vers la bande de Gaza, et treize autres vers l’Europe. Parmi eux se trouvent notamment des activistes que des pays étrangers avaient accepté d’accueillir après le siège de l’Eglise de la Nativité à Bethléem.

Le passage d’Erez rouvert

Fort des promesses du gouvernement israélien, Mahmoud Abbas poursuit ses conversations avec les groupes radicaux palestiniens dans le but d’obtenir le respect de la trêve. Deux d’entre eux, le Hamas et le Jihad islamique, ont annoncé samedi qu’ils maintiendraient «l’accalmie» et se sont engagés à ne pas riposter d’emblée à des raids israéliens éventuels. Pour la poursuite de ces entretiens, Mahmoud Abbas pourra s’appuyer sur les premiers résultats concrets enregistrés, tels que la réouverture dimanche du point de passage d’Erez entre Gaza et Israël. Pour la première fois depuis cinq mois, des ouvriers ont pu le franchir et venir chercher du travail en Israël. Des permis ont été délivrés à 210 Palestiniens selon des critères sévères, seuls les hommes âgés de 35 ans, mariés et père de famille  ayant été autorisés à entrer sur le territoire de l’Etat hébreu. Et le président palestinien espère pouvoir célébrer au cours des prochaines heures une mesure très importante sur le plan symbolique, la reprise du contrôle de la ville de Jéricho par les services de sécurité de l’Autorité palestinienne. Ce transfert, qui devrait avoir lieu après le redéploiement des militaires israéliens, avait été négocié lors du sommet de Charm al-Cheikh.

Toutes ces décisions ont déchaîné en Israël la colère de ceux qui rejettent l’idée d’un règlement pacifique du conflit. Certains d’entre eux ont même choisi de s’en prendre directement aux membres du gouvernement d’Ariel Sharon qu’ils considèrent comme des traîtres. Le chef du gouvernement en personne est visé par une violente campagne de dénigrement accompagnée de menaces, le slogan «Sharon, on aura ta peau» ayant fleuri sur les murs des villes du pays. Et plusieurs membres du gouvernement, dont le ministre de la Défense Shaoul Mofaz, auraient, selon la presse israélienne, reçu des menaces de mort. Une campagne d’intimidation face à laquelle le gouvernement a décidé de réagir dimanche. «Il y a parmi nous des gens dangereux que je préconise d’arrêter dès aujourd’hui et de placer en détention administrative», a déclaré Gidéon Ezra, ministre de la Sécurité intérieure.

Désireux de priver de tout appui les organisations radicales palestiniennes recourant à la violence, les autorités israéliennes ont lancé une initiative diplomatique visant à isoler complètement le Hezbollah chiite libanais. Elles cherchent l’appui de la France et du Royaume-Uni pour obtenir l’inscription de ce mouvement sur la liste des organisations terroristes établie par l’Union européenne. Le comité de l’UE chargé de réexaminer régulièrement cette liste doit se réunir cette semaine et le gouvernement israélien espère ardemment qu’y figure le nom du Hezbollah, une organisation qu’il accuse «d’être derrière la plupart des projets d’attentats». Sylvan Shalom, ministre des Affaires étrangères, a eu l’occasion de s’entretenir lundi directement de ce sujet avec le président français Jacques Chirac qu’il a rencontré à Paris. Le chef de l’Etat a «rappelé que cette question était complexe et devait être examinée au regard du contexte régional dans tous ses aspects et en particulier le Liban», a déclaré Jérôme Bonnafont, porte-parole du président, à l’issue de cet entretien. Une réunion au cours de laquelle Jacques Chirac a réaffirmé son attachement à la feuille de route, assurant que la France était «bien décidée à tout faire» pour que les espoirs de paix se concrétisent.


par Olivier  Bras

Article publié le 14/02/2005 Dernière mise à jour le 14/02/2005 à 16:31 TU