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Proche-Orient

Sharon et Abbas mis à l’épreuve

Ariel Sharon et Mahmoud Abbas doivent maintenant faire face à leur opposition.(Photo : AFP)
Ariel Sharon et Mahmoud Abbas doivent maintenant faire face à leur opposition.
(Photo : AFP)
Loin de l’optimisme affiché par la communauté internationale à l’issue du sommet de Charm al-Cheikh, Israéliens et Palestiniens manifestaient une certaine prudence après leur rencontre mardi même si l’officialisation de leur engagement à travailler ensemble est en soi un succès indéniable. Car maintenant que les bases pour une reprise des pourparlers de paix sont enfin installées, les difficultés commencent réellement pour Ariel Sharon et Mahmoud Abbas. Le Premier ministre israélien doit en effet faire face à une fronde de l’aile dure de son parti qui semble déterminée à saboter son plan de retrait de la bande de Gaza tandis que le président de l’Autorité palestinienne doit de son côté s’atteler à consolider la trêve pour laquelle il s’est engagé devant la communauté internationale et à laquelle les mouvements radicaux palestiniens ne s’estiment pour l’instant pas tenus.

Ariel Sharon n’aura pas eu le temps de savourer sa victoire au sommet de Charm al-Cheikh où il est parvenu à arracher à la partie palestinienne l’engagement de mettre fin aux violences sans aucune contrepartie d’ordre politique. Tous les dossiers sensibles qu’ils concernent la colonisation israélienne, la construction controversée en Cisjordanie de la barrière de sécurité ou encore le statut final de Jérusalem ont en effet été purement occultés. Mais à peine rentré de son expédition égyptienne, le Premier ministre israélien a dû affronter une crise orchestrée par l’un de ses ministres, membre de son propre parti le Likoud, qui pourrait s’avérer dangereuse pour l’avenir même de son gouvernement. Alors qu’il réaffirmait encore quelques heures auparavant devant les participants au sommet de Charm al-Cheikh sa détermination à mettre en œuvre son plan de retrait de la bande de Gaza, son chef de la diplomatie, Sylvan Shalom, prenait la tête d’une campagne réclamant que ce projet soit soumis à référendum.

Dans une déclaration à la télévision publique, le ministre des Affaires étrangères –qui n’a pas été invité par le Premier ministre à l’accompagner dans la station balnéaire de la mer Rouge– a ainsi annoncé son «intention de mener une initiative publique, parlementaire et politique» pour parvenir à ce que le désengagement des vingt et une colonies de la bande de Gaza ainsi que le démantèlement de quatre petites implantations de Cisjordanie soient au préalable entérinés par la population israélienne. Sylvan Shalom a même fait valoir que la tenue de cette consultation –sans précédent en Israël– «ne devrait pas remettre en cause le calendrier de retrait» qui doit débuter dès l’été prochain.

Une «bombe politique»

L’initiative de ce faucon du Likoud –qui a d’ores et déjà reçu le soutien du président de la Knesset, Réouven Rivlin, et de plusieurs ténors du parti comme le ministre des Finances Benyamin Netanyahou– a été interprétée comme une volonté de faire chuter le cabinet d’union nationale. Ariel Sharon l’a d’ailleurs bien compris lorsqu’il a émis une fin de non recevoir à cette idée de référendum. «Les propos à ce sujet ressemblent à des menaces et je n’ai jamais cédé aux menaces», a-t-il rétorqué. Le Premier ministre n’en est pas moins dans une situation délicate car il ne dispose pas de véritable majorité parlementaire malgré l’entrée le mois dernier au gouvernement des travaillistes. Treize des quarante députés de son parti ont en effet voté contre son plan de retrait et menacent aujourd’hui de ne pas voter le budget 2005. Or si la loi de finances n’est pas adoptée avant le 31 mars, le cabinet Sharon tombera automatiquement et des élections anticipées seront organisées dans la foulée, repoussant d’autant le désengagement de la bande de Gaza et cela même si une majorité d’Israéliens –près de 60%– y sont favorables

Les difficultés auxquelles doit faire face Ariel Sharon ne font donc que commencer. La radio militaire israélienne ne s’y est d’ailleurs pas trompée lorsqu’elle a qualifié la démarche de Sylvan Shalom de «bombe politique». Plus ironique, la radio publique a quant à elle estimé que si le Premier ministre avait réussi à désamorcer l'Intifada palestinienne, il semblerait qu’il soit désormais confronté à une «Intifada dans son propre camp».

Côté palestinien, les défis qui attendent Mahmoud Abbas ne sont pas moindres. A peine proclamé son engagement en faveur de l’arrêt des violences, le président palestinien était démenti par les groupes radicaux du Hamas et le Jihad islamique qui ont tenu à souligner que ces déclarations n'engageaient que l'Autorité palestinienne. Mais ces deux mouvements ont également paru soucieux de ne pas embarrasser Abou Mazen –nom de guerre du président palestinien– faisant notamment savoir qu'ils continueraient à respecter la «période d'accalmie» comme convenu fin janvier avec le chef de l'Autorité palestinienne. «Le Hamas a souscrit à l'accalmie et va la respecter pour permettre à Abbas d'assumer son rôle et de faire pression sur l'ennemi», a ainsi déclaré un porte-parole du Hamas, Mouchir Al-Masri. Selon lui, Mahmoud Abbas doit très prochainement s’entretenir avec les dirigeants des différents mouvements palestiniens sur les résultats du sommet de Charm al-Cheikh. Ces derniers arrêteront leur position sur la trêve seulement à l’issue de cette rencontre.

Cette position est largement soutenue par le Jihad islamique dont l’un des porte-parole, Khader Habib, a notamment assuré que sa formation allait s'abstenir à ce stade de toute action susceptible de saboter les efforts d’Abou Mazen. «Le Jihad a adhéré à une accalmie d'un mois et nous allons la respecter», a-t-il souligné. Un autre dirigeant de ce mouvement, Mohamed Al-Hindi, a pour sa part laissé entendre que l'adhésion à un véritable cessez-le-feu n'était pas seulement tributaire d'un arrêt des attaques israéliennes. Selon lui, la question des prisonniers palestiniens est fondamentale pour qu’une trêve dans les attentats contre les intérêts israéliens soit finalisée. «La libération de tous les prisonniers palestiniens, y compris ceux qui ont du sang sur les mains, est parmi les priorités du Jihad car ces détenus ne sont pas des criminels mais des combattants pour la liberté de la Palestine», a-t-il insisté. Un dossier sensible dont le chef de l’Autorité palestinienne semble avoir pris toute la mesure.


par Mounia  Daoudi

Article publié le 09/02/2005 Dernière mise à jour le 09/02/2005 à 17:36 TU