Proche-Orient
Sharon multiplie les gestes de soutien à Abbas
(Photos: AFP)
Alors que le mandat de Mahmoud Abbas avait commencé sous de bien mauvais auspices –un attentat meurtrier au poste frontière de Karni qui a coûté la vie à six Israéliens avait mis fin à tout contact entre les deux parties– le dialogue entre Israéliens et Palestiniens est de nouveau sur les rails. Mais il est vrai que le nouveau chef de l’Autorité palestinienne a multiplié depuis sa prise de pouvoir les initiatives pour lutter contre la violence, une des principales revendications du cabinet Sharon. Il a commencé par déployer quelque 2 000 policiers au nord de la bande de Gaza pour mettre fin aux tirs de roquettes sur le sud d’Israël. Il a également décidé d’intégrer, pour mieux les contrôler, les membres des Brigades des martyrs d’al-Aqsa dans les services de sécurité. Et parallèlement, il a poursuivi ses pourparlers avec les groupes radicaux du Hamas et du Jihad islamique dans le but de leur arracher une trêve dans les attaques anti-israéliennes. Et s’il n’a pu obtenir une trêve formelle, le président palestinien a néanmoins réussi à arracher une «tahdia», une période de calme qui de facto a conduit à une nette amélioration de la situation sécuritaire.
Sur le plan politique enfin, Abou Mazen –nom de guerre de Mahmoud Abbas– a organisé à Gaza, fief du Hamas, la seconde phase des municipales palestiniennes poursuivant ainsi le retour à des institutions civiles légitimes qui devrait se parachever avec les législatives du 17 juillet prochain. Cette soudaine reprise en main des affaires palestiniennes, après des années de déliquescence du pouvoir incarné par Yasser Arafat, semble avoir convaincu la partie israélienne. Dans une interview au quotidien à grand tirage Yediot Aharonot, le Premier ministre Ariel Sharon s’est ainsi pour la première fois déclaré jeudi «très satisfait» de la politique menée par Mahmoud Abbas. «Il ne fait aucun doute qu’Abou Mazen s’est mis au travail. Je suis très satisfait d’entendre ce qui se passe du côté palestinien et j’ai la sérieuse intention de faire progresser le processus avec lui», a-t-il notamment confié.
Il a même évoqué jeudi soir, devant un parterre d’hommes d’affaires, la possibilité d’«une percée historique» dans le conflit israélo-palestinien. «Il y a une approche et des développements positifs concernant la lutte de l'Autorité palestinienne contre la violence et le terrorisme, et dans la promotion du processus politique», a notamment souligné Ariel Sharon en estimant que cela conduira «peut-être à l'avenir et à la paix que nous souhaitons et à laquelle nous avons droit».
Collaboration en vue du retrait de GazaDans ce contexte, le Premier ministre israélien s’est ouvertement déclaré prêt à travailler avec les Palestiniens dans le cadre de son plan de désengagement de la bande de Gaza après s’être pourtant il y a encore peu prononcé pour un retrait unilatéral des 21 colonies juives de ce territoire et de quatre autres implantations isolées du nord de la Cisjordanie. «Nous sommes prêts à aller loin, nous sommes prêts à beaucoup de concessions, mais nous ne ferons pas la moindre concession dans le domaine de la sécurité d'Israël et de ses ressortissants», a-t-il cependant averti.
La première prise de contact officielle entre les deux parties a eu lieu mercredi lors d’une rencontre du ministre palestinien en charge des négociations, Saëb Erakat, et de l’un des plus proches conseillers du chef du gouvernement israélien, Dov Weisglass. Les deux hommes ont évoqué à cette occasion la tenue dans un très proche avenir –la date du 8 février a été évoquée– d’un sommet Sharon-Abbas. L’ordre du jour portera essentiellement sur les questions de sécurité même si Abou Mazen a d’ores et déjà fait savoir qu’il comptait bien aborder la question de la libération des prisonniers palestiniens –Israël se serait déjà engagé à libérer 900 détenus– ou encore le problème de la barrière de sécurité que l’Etat hébreu continue d’ériger en Cisjordanie.
Mais quoiqu’il en soit et malgré la méfiance affichée de part et d’autres le contact est désormais renoué et chacun semble vouloir rivaliser de bonne volonté. Israël a ainsi a annoncé vendredi qu’il cessait «ses opérations offensives dans les secteurs où les forces de sécurité palestiniennes se sont redéployées». Le chef d'état-major, le général Moshe Yaalon, «a ordonné que les tirs contre des terroristes en Cisjordanie soient limités aux seuls cas de menace imminente émanant de cellules terroristes actives et seulement avec son autorisation expresse», a notamment précisé un communiqué de l’armée. La veille, le Premier ministre palestinien, Ahmed Qoreï, avait quant à lui signé un décret interdisant le port d’armes dans les Territoires palestiniens, le réservant aux seuls membres des services de sécurité. Et même si rien ne garantit que cette mesure sera appliquée, le seul fait de l’avoir prise est une avancée en soi. Enfin, à en croire Mohamed Dahlan, l’un des proches conseillers de Mahmoud Abbas, le gouvernement Sharon serait prêt à retirer ses forces de plusieurs villes de Cisjordanie dans les dix jours et de laisser la responsabilité de la sécurité dans ces zones aux Palestiniens. Selon la radio publique israélienne, l’ancien chef de la sécurité préventive dans la bande de Gaza devrait même rencontrer dès la semaine prochaine le ministre israélien de la Défense, Shaoul Mofaz, pour discuter de ces modalités de redéploiement.
C’est dans ce contexte de reprise du dialogue israélo-palestinien que doit commencer la semaine prochaine la première visite dans la région de la secrétaire d’Etat américaine, Condoleezza Rice qui n’a pas caché que le règlement du conflit du Proche-Orient était une des priorités de l’administration Bush II.
par Mounia Daoudi
Article publié le 28/01/2005 Dernière mise à jour le 12/09/2005 à 08:31 TU