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Proche-Orient

Pas de négociations politiques à Charm al-Cheikh

Le Premier ministre Ariel Sharon et le chef de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas doivent sceller à Charm al-Cheikh la reprise des contacts israélo-palestiniens.(Photo: AFP)
Le Premier ministre Ariel Sharon et le chef de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas doivent sceller à Charm al-Cheikh la reprise des contacts israélo-palestiniens.
(Photo: AFP)
La convocation la semaine dernière par le président Hosni Moubarak d’un sommet quadripartite –réunissant Israéliens, Palestiniens, Jordaniens et Egyptiens– dans la station balnéaire de Charm al-Cheikh a surpris plus d’un observateur de la scène politique proche-orientale. Certes les principaux acteurs du conflit israélo-palestinien se sont empressés d’accepter l’invitation, mais certains responsables palestiniens ont regretté la précipitation égyptienne qui est intervenue au moment où les conseillers de Mahmoud Abbas tentaient d’arracher aux Israéliens l’engagement de relancer enfin les pourparlers sur un plan politique et pas uniquement sécuritaire. Mais le nouvel intérêt que porte désormais les Etats-Unis à ce conflit ignoré pendant le premier mandat de George Bush devrait toutefois contribuer à rassurer la partie palestinienne. La secrétaire d’Etat Condoleezza Rice a en effet multiplié, au cours de son séjour dans la région, les gestes de soutien à Mahmoud Abbas.

Sur le plan symbolique, le sommet de Charm al-Cheikh est déjà un succès dans la mesure où il entérine officiellement et au plus au niveau la reprise des contacts entre Israéliens et Palestiniens. Et même si la présence américaine s’y fera des plus discrètes, cette rencontre peut d’ores et déjà se prévaloir du soutien de l’administration Bush qui semble déterminée, comme en témoigne le tout récent voyage en Israël et en Cisjordanie de la nouvelle secrétaire d’Etat, à peser de tout son poids pour la résolution de ce conflit vieux de plus d’un demi-siècle. Cet événement revêt cependant des airs de déjà vu qui pousse à la plus grande prudence. Le sommet d’Aqaba en juin 2003 –auquel a notamment participé le président George Bush en personne ainsi que le Premier ministre israélien, Ariel Sharon, et son homologue palestinien de l’époque, Mahmoud Abbas– n’avait-il pas en effet relancé l’espoir d’une reprise des négociations de paix ? Un espoir de bien courte durée qui s’était évanoui en moins d’une semaine dans une flambée de violences qui avait coûté la vie à près de 70 personnes.

Mais aujourd’hui, la situation est différente sur bien des points. La disparition le 11 novembre dernier du président Yasser Arafat –considéré par Israël et par son allié américain comme un obstacle à la paix– et l’élection dans les soixante jours qui ont suivi de Mahmoud Abbas à la tête de l’Autorité palestinienne –un homme considéré comme un partenaire sérieux– ont en effet considérablement changé la donne. Depuis son arrivée au pouvoir, Abou Mazen –nom de guerre du président palestinien– a en effet multiplié les initiatives pour faire baisser les violences dans les Territoires en redéployant notamment ses services de sécurité dans la bande de Gaza ou encore en arrachant aux groupes radicaux palestiniens «une accalmie» qu’il compte bien transformer en trêve durable. Sur le plan intérieur, le Premier ministre a également cherché à consolider les institutions palestiniennes en organisant notamment des élections locales qui ont été marquées par une entrée dans la vie politique des mouvements radicaux comme le Hamas ou le Jihad islamique dont Mahmoud Abbas espère qu’elle sera le prélude à une reconversion de ces groupes extrémistes.

Les positions restent inchangées sur le fond

De leur côté, les Israéliens ont eux aussi multiplié les gestes d’encouragement à Mahmoud Abbas en renonçant notamment aux incursions des forces de Tsahal dans les Territoires et en abandonnant pour le moment le recours aux opérations ciblées contre les activistes palestiniens. Le gouvernement Sharon s’est également engagé à retirer ses soldats de plusieurs villes de Cisjordanie et à rouvrir plusieurs points de passage. Il a enfin donné son accord pour la libération de 900 prisonniers palestiniens sur les quelque 8 000 actuellement détenus dans les prisons israéliennes. Ce nombre a toutefois été jugé «insuffisant» par l’entourage de Mahmoud Abbas pour qui ce dossier représente un enjeu crucial grâce auquel il espère consolider l’actuelle «accalmie». Un enjeu que la secrétaire d’Etat américaine semble avoir parfaitement saisi comme ont pu en témoigner ses amicales pressions sur le gouvernement Sharon afin qu’il accepte la mise en place d’une commission mixte israélo-palestinienne pour résoudre cette épineuse question. 

Grâce à toutes ces avancées qui ont précédé sa tenue, le sommet de Charm al-Cheikh se présente donc sous les meilleurs auspices. Mais les gestes de bonne volonté concédés de part et d’autres ne sauraient occulter les positions de principe auxquelles ni les autorités israéliennes, ni les dirigeants palestiniens, ne semblent aujourd’hui prêts à renoncer. Alors qu’Ariel Sharon compte faire de la rencontre de Charm al-Cheikh une simple réunion sur les questions de sécurité liées notamment à son plan de retrait de la bande de Gaza,  le chef de l’Autorité palestinienne a lui l’intention d’inscrire sa démarche dans le cadre de la Feuille de route, ce plan international qui prévoit à terme la création d’un Etat palestinien. Deux positions diamétralement opposées qui risquent de peser sur les discussions de mardi dans la station balnéaire égyptienne. Le quotidien israélien Haaretz l’a d’ailleurs bien compris quand il affirme que le sommet de mardi «n’a pas un caractère historique» et qu’il faut simplement le considérer comme «un stimulant qui va permettre aux dirigeants de la région de progresser dans la bonne direction».


par Mounia  Daoudi

Article publié le 07/02/2005 Dernière mise à jour le 07/02/2005 à 18:19 TU