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Proche-Orient

La trêve en péril

Un soldat israëlien inspecte une roquette tirée par un militant palestinien à Gush Katif. Des dizaines de ces roquettes ont été tirées sur les colonies juives de la bande de Gaza.AFP
Un soldat israëlien inspecte une roquette tirée par un militant palestinien à Gush Katif. Des dizaines de ces roquettes ont été tirées sur les colonies juives de la bande de Gaza.
AFP
La situation au Proche-Orient a connu ce week-end un brusque regain de tensions à la veille de la visite aux Etats-Unis du Premier ministre israélien Ariel Sharon. L’accalmie en vigueur dans la région depuis trois mois a en effet été durement éprouvée par la mort de trois adolescents palestiniens, victimes de tirs israéliens, et la riposte des mouvements radicaux palestiniens qui ont fait pleuvoir des dizaines de roquettes sur les colonies juives de la bande de Gaza. A Jérusalem où un groupuscule religieux a appelé à prier dimanche contre l’évacuation des implantations de Territoire, la tension était à son comble, des milliers de Palestiniens s’étant réunis sur l’esplanade des Mosquées pour «défendre al-Aqsa en danger».

Déjà tendues depuis que le gouvernement d’Ariel Sharon a annoncé, il y a une dizaine de jours, son intention de relancer la colonisation en  Cisjordanie, les relations israélo-palestiniennes se sont encore détériorées ce week-end, laissant craindre une rupture de la très fragile trêve en vigueur de facto dans la région depuis fin janvier. La mort samedi de trois adolescents tués par des tirs israéliens dans le sud de la bande de Gaza a en effet été unanimement dénoncée comme une «grave violation» de l’accalmie que les principaux mouvements palestiniens s’étaient engagés à respecter le 17 mars au Caire. Alors que l’armée israélienne a affirmé avoir ouvert le feu sur des suspects qui rampaient vers la frontière égyptienne, des témoins palestiniens ont déclaré pour leur part qu’un blindé avait tiré en direction de cinq adolescents, âgés d’une quinzaine d’années, qui jouaient au football dans une zone interdite par Tsahal. Une enquête a été ouverte pour déterminer les responsabilités dans cette affaire qui risque de compromettre sérieusement une reprise des pourparlers politiques et cela d’autant plus que les groupes radicaux palestiniens ont répliqué en tirant des dizaines de roquettes artisanales sur les colonies de la bande de Gaza et sur des positions de l’armée israélienne.

La riposte palestinienne, qui n’a fait aucune victime, a immédiatement été condamnée par le gouvernement Sharon. Dans l’avion qui le transportait aux Etats-Unis, le Premier ministre israélien a estimé que les tirs d’obus dans la bande de Gaza mettaient en péril les accords de Charm al-Cheikh passés en février dernier avec le président Mahmoud Abbas. «Ces tirs sont une violation flagrante des engagements pris avec l’Autorité palestinienne et cela sera une question centrale que je vais soulever lors de mes entretiens avec George W. Bush», a-t-il menacé dans un communiqué. Son ministre de la Défense, Shaoul Mofaz, a pour sa part téléphoné au président palestinien pour le sommer de mettre un terme aux tirs contre les positions israéliennes. «Ca ne peut pas continuer ainsi. Vous ne faites pas le travail et Israël ne peut accepter cela. Si vous n’agissez pas au plus vite, qui sait jusqu’où la situation va se dégrader», a-t-il averti. 

Les Palestiniens soucieux de se ménager Bush

Si les mouvements radicaux du Hamas et du Jihad islamique ont menacé de revoir leur position sur la trêve, l’Autorité palestinienne s’est, elle, refusée à entrer dans la polémique. Certes Mahmoud Abbas a qualifié l’attaque israélienne de «violation préméditée de la trêve» et dénoncé la mort d’«enfants non armés qui ne constituaient aucune menace pour l’Etat hébreu», mais il a évité une escalade verbale à la veille de la visite aux Etats-Unis du Premier ministre israélien. Les Palestiniens savent en effet qu’Ariel Sharon n’hésitera pas à profiter de la dégradation de la situation sur le terrain pour présenter la nouvelle direction palestinienne comme «un partenaire décevant» pour la paix. Le but recherché étant de réduire d’éventuelles pressions américaines en vue de l’application de la Feuille de route, ce plan de paix international que parraine Washington et qui prévoit à terme la création d’un Etat palestinien.

Le chef du gouvernement Ahmed Qoreï s’est donc contenté d’appeler, dans des termes mesurés, le président américain à faire pression sur Ariel Sharon. «Nous prions le président Bush d’insister lors de sa rencontre avec le Premier ministre sur la nécessité de mettre fin aux violations israéliennes, surtout l’expansion des colonies, les tentatives d’annexer Jérusalem-Est et la construction du mur», a-t-il déclaré. «Ces questions préoccupent sérieusement les Palestiniens et nous espérons que le président Bush va en parler clairement avec Sharon», a-t-il ajouté.

En dépit de leurs relations très étroites –le président américain va recevoir le chef du gouvernement israélien dans son ranch de Crawford, un privilège accordé à très peu de personnalités–, George Bush est apparu à plusieurs reprises agacé ces derniers jours par les déclarations de son «ami» Ariel Sharon notamment sur la question des colonies de Cisjordanie. Il a en effet répété vendredi, après l’avoir dit une première fois mardi dernier, que la Feuille de route fixait «des obligations claires sur les colonies». «Je m’attends à ce que le Premier ministre respecte ses obligations», a-t-il insisté. Les autorités israéliennes ont certes tenté de minimiser les désaccords sur cette question sensible, en laissant entendre que le sujet ne serait pas abordé lors de la rencontre Bush-Sharon, mais un démenti du président américain est tombé peu après. «J’ai évoqué la question des colonies publiquement et je le ferai en privé également», a-t-il déclaré.  

Reste à savoir si, à l’issue de leurs entretiens, le président américain condamnera encore l’extension des colonies en Cisjordanie. George Bush sait en effet que son «ami» Ariel Sharon a besoin de son soutien pour mettre en œuvre son plan de retrait de la bande de Gaza contre lequel une parti de sa formation, le Likoud, et les mouvements d’extrême droite et des colons multiplient les manifestations d’hostilité. La ville de Jérusalem a vécu dimanche sous très haute tension, un groupuscule religieux ayant appelé ses partisans à manifester sur le mont du Temple, nom donné par les juifs à l’esplanade des Mosquées. Une telle manifestation sur ce site considéré comme le troisième lieu saint de l’islam, après la Grande-Mosquée de la Mecque et la mosquée du Prophète-de-Médine, aurait été considérée par les Palestiniens comme une très grave provocation. Un haut responsable du Hamas avait d’ailleurs prévenu : «si les sionistes défilent devant la mosquée d’al-Aqsa, ils sèmeront les germes d’une troisième Intifada». 


par Mounia  Daoudi

Article publié le 11/04/2005 Dernière mise à jour le 11/04/2005 à 16:24 TU