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Proche-Orient

La colonisation se poursuit autour de Jérusalem-Est

Vue de la colonie de peuplement israélienne de Maalé Adoumim (Est de Jérusalem).(Photo: AFP)
Vue de la colonie de peuplement israélienne de Maalé Adoumim (Est de Jérusalem).
(Photo: AFP)
En donnant son feu vert à la construction de logements dans les principales implantations juives de Cisjordanie, le gouvernement Sharon a mis une nouvelle pierre à l’édifice du projet israélien de «Grand Jérusalem» qui vise à faire de la ville sainte la capitale «éternelle et indivisible» de l’Etat hébreu. Condamnée par les Palestiniens et par la communauté internationale, la décision du Premier ministre intervient dans un contexte de détente sur le terrain et pourrait à ce titre mettre sérieusement en péril la fragile trêve que le chef de l’Autorité palestinienne a réussi à arracher aux groupes radicaux.

Epinglées par un récent rapport, rédigé à la demande d’Ariel Sharon, qui a mis en lumière l’institutionnalisation de la colonisation sauvage en Cisjordanie, les autorités israéliennes s’étaient la semaine dernière engagées auprès de leur principal allié, les Etats-Unis, à démanteler les implantations illégales. Et même si elles avaient repoussé à la fin de l’été –après le désengagement de la bande de Gaza– toute action en ce sens, leur geste avait été interprété comme une volonté de ne pas torpiller les efforts de l’Autorité palestinienne à obtenir la fin des violences contre Israël, sésame pour une relance de la Feuille de route, ce plan de paix international parrainé par l’administration Bush. La décision annoncée en conseil des ministres dimanche d’étendre les principales implantations de Cisjordanie pourrait donc sérieusement hypothéquer les chances d’une relance des pourparlers de paix israélo-palestiniens.

Ariel Sharon avait, il est vrai, donné le ton début mars. Devant le comité central de son parti, le Likoud, il avait en effet affirmé : «grâce à la colonisation, nous garderons pour l’éternité des positions importantes, essentielles à notre existence, à Jérusalem notre capitale unifiée pour toujours, dans les blocs d’implantations qui se trouvent dans les lieux les plus sacrés de notre histoire et dans les zones capitale pour notre défense». Moins de trois semaines plus tard, son ministre de la Défense Shaoul Mofaz approuvait la construction de plus de 3 500 logements supplémentaires dans la colonie de Maalé Adoumim, près de Jérusalem-Est. L’objectif affiché de cette décision est de relier cette cité-dortoir de quelque 28 000 habitants –la plus importante colonie de peuplement juif de Cisjordanie– aux quartiers de colonisation israéliens qui encercle la partie orientale de la ville sainte dont elle est distante d’une dizaine de kilomètres. Les autorités israéliennes ont également prévu d’agrandir deux autres implantations, le Goush Etzion, au sud de la cité, et Ariel, au nord de la Cisjordanie.

La levée de boucliers que ces mesures ont provoquées au sein de la communauté internationale –même l’administration Bush a exhorté en début de semaine Israël à mettre fin à ses activités de colonisation qualifié d’«élément vital de Feuille de route»– n’ont eu aucun effet sur le Premier ministre israélien. Recevant mercredi le secrétaire d’Etat adjoint pour le Proche-Orient, David Welch, et le conseiller adjoint la sécurité nationale, Elliott Abrams, Ariel Sharon a exclu tout gel du plan d’agrandissement de ces trois implantations. Le feu vert donné par le ministère de la défense à ce plan est «définitif», leur a-t-il signifié. 

Double jeu américain ?

Un des proches conseillers du Premier ministre avait justifié en début de semaine l’extension de ces trois colonies par l’accroissement démographique naturel de ces implantations. «Nous allons continuer à construire à Maalé Adoumim, à Goush Etzion et à Ariel car ces secteurs ne seront jamais transférés à l’Autorité palestinienne», avait déclaré sous couvert de l’anonymat ce responsable. Selon lui, l’Etat hébreu, qui considère que ces implantations sont parfaitement légales, a bien l’intention de continuer à y construire des logements, des bureaux administratifs et des zones industrielles en fonction de ses besoins. «Maalé Adoumim va permettre de créer un arrière stratégique pour le flanc oriental de Jérusalem afin d'empêcher les infiltrations de terroristes», avait-il également ajouté, allant même jusqu’à souligner que cela «n'empêchera pas les Palestiniens de bénéficier d'une continuité territoriale pour leur futur Etat grâce à la construction d'une route reliant Bethléem à Ramallah qui contournera cette implantation».

Une affirmation pourtant vigoureusement démentie par les opposants à la colonisation. Le sociologue Meron Benvinisti a ainsi estimé que la construction projetée de Maalé Adoumim «coupera pratiquement en deux la Cisjordanie entre le nord et le sud, empêchant toute continuité territoriale d’un futur Etat palestinien». Une réalité qui est d’ailleurs en totale contradiction avec les récentes déclarations du président Bush concernant les «sacrifices nécessaires» qu’Israéliens et Palestiniens devront consentir pour parvenir à un règlement de leur conflit. «Ces sacrifices veulent dire qu'Israël doit se retirer des colonies de peuplement et qu'un Etat palestinien doit avoir un territoire jouissant d'une contiguïté territoriale dans le cadre duquel il pourra se développer», avait-il souligné, sans toutefois préciser à quelles colonies il faisait allusion.

Mais il faut croire que les déclarations du président Bush étaient de simple propos de circonstance et non un infléchissement de la position américaine. L’ambassadeur des Etats-Unis en Israël Dan Kurtzer a en effet affirmé vendredi que son pays soutenait le maintien de blocs de colonies juives en Cisjordanie dans le cadre d'un accord avec les Palestiniens. «La politique américaine repose sur le fait que le président a donné son soutien au maintien de grands centres de population israélienne à l'issue d'une négociation», a-t-il déclaré. George Bush avait en effet déclaré le 14 avril 2004 lors d'une conférence de presse avec le Premier ministre israélien Ariel Sharon à Washington qu’il était «irréaliste de penser que le résultat des négociations sur un règlement définitif aboutira au retour total sur les frontières de l'armistice de 1949». Les autorités israéliennes avait interprété cette prise de position de la Maison Blanche comme un soutien au maintien de blocs de colonies en Cisjordanie sans pour autant que les Etats-Unis ne les appuient officiellement. Les déclarations vendredi de l’ambassadeur Kurtzer constituent donc une première dans la mesure où un responsable américain s’est aligné pour la première fois publiquement sur la position israélienne.

Le négociateur en chef palestinien Saëb Erakat a immédiatement condamné les propos du représentant américain en affirmant que Washington n'avait pas le droit de négocier au nom des Palestiniens. «Les Etats-Unis ne peuvent négocier au nom du peuple palestinien. Ce que Bush a promis à Sharon est inacceptable. La colonisation est illégale partout en Cisjordanie», a-t-il déclaré.


par Mounia  Daoudi

Article publié le 25/03/2005 Dernière mise à jour le 25/03/2005 à 16:12 TU