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Proche-Orient

Sharon s’engage à démanteler les colonies sauvages

En dix ans, plus d’une centaine de colonies sauvages ont été créés.(photo : AFP)
En dix ans, plus d’une centaine de colonies sauvages ont été créés.
(photo : AFP)
Le gouvernement israélien a annoncé dimanche sa décision de détruire toutes les implantations sauvages créées depuis mars 2001, date à laquelle Ariel Sharon est arrivé au pouvoir. Le Premier ministre a justifié sa décision comme conforme aux engagements pris par Israël vis-à-vis de la Feuille de route, le dernier plan de paix international pour un règlement du conflit avec les Palestiniens. Mais sa décision semble avant tout répondre à de fortes pressions internationales qui se sont accentuées depuis la publication d’un rapport accablant, rédigé à sa demande, qui dénonce «l’institutionnalisation » des colonies sauvages.

La poursuite de la colonisation en Cisjordanie, régulièrement dénoncée par les Palestiniens et par les organisations de défense de droits de l’Homme israéliennes, était certes un secret de polichinelle. Mais pour la première fois, une juriste a consigné noir sur blanc les violations de la loi dans ce domaine. Me Talia Sassoun, qui a été mandatée par Ariel Sharon en personne pour examiner le statut juridique des points de colonisation sauvage, s’est uniquement basée pour rédiger son rapport sur la législation israélienne et le réquisitoire qu’elle dresse est sans appel pour les gouvernements qui se sont succédé ses dix dernières années en Israël. «Les violations de la loi sont devenues la norme au sein de plusieurs organismes officiels», affirme-t-elle en effet. Dans son collimateur, les ministères de l’Habitat, des Infrastructures, de l’Education mais aussi de la Défense ainsi que l’Organisation sioniste mondiale.

Car dans son rapport, Talia Sassoun met en lumière le système qui a permis en dix ans l’établissement de plus d’une centaine de colonies sauvages, dont vingt-quatre ont été créées après l’arrivée à la tête de l’exécutif israélien d’Ariel Sharon en mars 2001. Depuis des années en effet et sous tous les gouvernements, le même procédé a été utilisé. Une antenne est d’abord installée sur un lieu jugé stratégique, puis elle est raccordée au réseau électrique. Un garde y est ensuite affecté et la piste qui y mène carrossée. Enfin les caravanes de colons s’installent sur les lieux et les autorités leur aménagent les infrastructures nécessaires. Ces projets ne peuvent aboutir, explique Talia Sassoun, sans la collaboration de plusieurs organes de l’Etat.

Ainsi le ministère de l’Habitat fournit des fonds et les mobile homes aux colons, celui des Infrastructures se charge des raccordement en eau et en électricité tandis que l’Education nationale installe des jardins d’enfants et des écoles. Le ministère de la Défense est pour sa part mis en cause pour avoir non seulement laisser transporter et installer des caravanes sur un territoire occupé dont il a la charge mais aussi pour avoir fourni des soldats pour assurer la sécurité des colons. Le rapport de Talia Sassoun révèle en outre des responsables militaires, censés faire évacuer les colonies, ont conclu des accords tacites avec les colons pour les maintenir sur place.

Cette mise en cause des échelons politique, militaire et administratif du pays faire dire à la juriste israélienne que «le détournement de la loi a été institutionnalisé».  Elle recommande d’ailleurs dans son rapport d’examiner la possibilité de poursuivre en justice plusieurs responsables gouvernementaux.

Sharon cherche à gagner du temps

La publication la semaine dernière de ce document a fait grand bruit en Israël où le gouvernement Sharon est depuis plusieurs semaines déjà soumis à de fortes pressions de la part de son grand allié américain qui réclame fermement que soient démanteler les implantations sauvages. Le président George Bush y a fait allusion dans plusieurs de ses discours et la secrétaire d’Etat américaine a encore tout récemment haussé le ton sur ce sujet. Recevant mardi dernier à Washington le plus proche conseiller d’Ariel Sharon, Dov Weisglass, Condoleezza Rice l’a en effet ouvertement mis en garde sur l’impact que pourrait avoir sur l’aide américaine à l’Etat hébreu un refus de régler cet épineux dossier. Une menace qui en dit long sur les attentes de l’administration Bush visiblement déterminée à faire avancer les pourparlers de paix israélo-palestiniens. Ariel Sharon et Mahmoud Abbas sont d’ailleurs attendus à Washington où ils doivent se rendre séparément en avril.

C’est donc sous la pression internationale mais aussi en réponse à une demande interne, que le gouvernement israélien a annoncé dimanche qu’il allait démanteler toutes les implantations sauvages construites depuis mars 2001. Mais Ariel Sharon, qui a longtemps été l’ardent défenseur de la colonisation –il avait publiquement appelé en 1999 les colons à «s’emparer des collines» de Cisjordanie déclarant «tout ce que vous prendrez restera à nous, tout ce que vous ne prendrez pas les Palestiniens s’en empareront»–, a visiblement l’intention de prendre son temps. Le Premier ministre a en effet annoncé la création d’une commission ministérielle «chargée d’examiner les moyens d’appliquer les recommandations du rapport» de Talia Sassoun. Et le vice-ministre de la Défense, Zeev Boïm a d’ores et déjà fait savoir que le démantèlement des colonies sauvages n’aurait lui qu’à l’issue du retrait israélien de la bande de Gaza qui doit commencer le 20 juillet prochain. 

Seule au sein du gouvernement à avoir refusé de voter la mise en place de cette commission, la ministre travailliste des Communications a estimé qu’il s’agissait là d’«une tentative de mettre toute l’affaire sous le boisseau, d’un nouvel exemple de bluff à l’israélienne». Pour Dalia Itzhik, «ces colonies sont illégales, il faut les démanteler un point c’est tout, non pour faire plaisir aux Américains mais pour nous, au nom du respect de l’Etat de droit».  


par Mounia  Daoudi

Article publié le 14/03/2005 Dernière mise à jour le 14/03/2005 à 17:15 TU